Le corps est le tombeau de l'âme ! Qui a dit cela ? ...

Selon la tradition, Platon serait responsable de cette "épitaphe" inhabituellement lugubre ! 

Mais, pour qui s'intéresse à la récente évolution de nos représentations, de nouveaux influenceurs étiquetés "neuroscientifiques", ont rejoint sur ce point le philosophe détesté !

La différence toutefois tient à ce que pour Platon, l'Homme y entre en naissant, alors que nos nouveaux prêcheurs affirment qu'il ne saurait en sortir, une fois le couvercle refermé !

C'est un peu gore, je vous l'accorde, mais si l'Eglise, anachronique et cupide, ne s'est pas privée de la version platonicienne, relevée d'un soupçon de sadisme, au service de sa petite cuisine temporelle1, reste à déterminer la véritable motivation de nos nouveaux prophètes !

Avant de se montrer péremptoires devant des publics fervents, pourraient-ils, ces messieurs, répondre à cette question basique : "L'activité neuronale produit-elle la pensée, ou n'est-elle que le symptôme d'une activité non locale ?" ...

Bon princes, pour les aider, on pourrait suggérer : "Etes-vous devant le miroir ou dans le miroir ?" ...

Comment juger ce pessimisme de Platon, contemporain, soit dit en passant, de celui de Bouddha, sans plus rien savoir de ce qu'il était advenu de notre psychisme à cette époque ?

Pour comprendre ce que fut cette prise de conscience en grande Grèce ( Italie du sud, Sicile) à partir du VIIème siècle avant J.C, il nous faut dénoncer au préalable la manière fallacieuse, orientée, partielle et partiale, dont l'histoire de la philosophie grecque nous fut enseignée ! 

Tout est toujours dans le "Qui me dit quoi?" ...

Voilà près de deux siècles que l'on enseignait en France l'histoire de la philosophie, principalement aux enfants "bien nés" !

De ce point de vue, nous n'avons pas beaucoup évolué depuis la Grèce, à cette différence près qu'eux, durent longtemps se "contenter" d'Homère et d'Hésiode  ! ... 

Comme il s'agit, alors et toujours, non pas de comprendre mais d'apprendre à penser comme il se doit, la version officielle commence invariablement et religieusement par Thalès, Anaximandre et consorts, tous nés à l'est (côte occidentale de l'actuelle Turquie ), et qui décontaminèrent la nature de la saga des dieux, pour en faire une problématique confiée à la toute nouvelle raison !

Je dis bien "religieusement", et continuerai, tant que l'on me parlera du "miracle grec" ! Ce qui, vous me l'accorderez, est un comble de la part de ces positivistes militants ! ...

De l'impulsion toute différente, contrariante, surgie à l'ouest avec Phérécyde de Syros, Pythagore, Empédocle, nulle nouvelle ! Pour les positivistes qui rédigèrent cette fable convenue à l'attention des futures élites, ces derniers étaient à l'évidence par trop sulfureux. 

Reste le cas Pythagore, incontournable, positivement universel, alors, par dépit, on lui laissa la garde de son fameux théorème...2

Qu'en est-il donc de ce séisme psychique dont Platon se fit le témoin ?

Comme toujours, il nous faut contextualiser, car le rapport qu'entretient l'Homme avec son corps, avec la mort, avec le temps, avec le cosmos, avec cette planète tellurique, varie considérablement selon les époques et les civilisations considérées !

Pour cette tragédie d'avant la Tragédie qui laissa nombre d'empreintes en Grèce à partir du VIIIème siècle avant J.C, nous avons cette source première que nous n'aurons pas la sottise d'ignorer : celle de grands témoins comme Homère, augmentée de cette mythologie "discrètement bavarde" qui décrit infiniment mieux, vous me l'accorderez, l'évolution du psychisme qu'un tesson de poterie ou un tibia esseulé ...

Depuis quelques décennies, nous avons également les résultats des recherches de l'Ecole, vous savez, celle qui a pignon sur nos représentations, avec notamment les travaux herculéens de Jean-Pierre Vernant, cet homme utile à son époque, opportunément adossés à ceux des chercheurs internationaux convoqués pour l'occasion !

L'heure semble enfin venue de mettre en lumière ce qu'il y a d'organique entre ces deux approches jusqu'alors hermétiquement cloisonnées ...

Parmi les différentes configurations de nos représentations telles que présentées ci-dessus, celle des hommes nés sur le sol de Grèce, huit siècles environ avant J.C, constitue une grande première !

En effet, pour ces mutants, ce qui fait l'Homme, appelons cela comme vous voulez : son âme, son esprit, sa conscience, peu importe ... tout cela disparaît avec le corps quand celui-ci se délite !

Dans l'Hades, le "séjour" des morts, seuls survivent quelques héros, encore n'avaient-ils pas d'âme, lorsqu'à la lumière du soleil, ils étaient entièrement possédes par leurs passions, tragiques marionnettes aux mains de dieux ventriloques !

Les autres, tous les autres, ne sont plus que fumées fugitives, inconsistantes, insistante vacuité ...

Seul le corps, tant qu'il est en vie, donne vie et fermeté à l'âme, selon le témoignage poignant et nostalgique d'Achille, expédié en enfer pour avoir bien servi les dieux, au cours d'une guerre que l'on fut tenté de résumer à sa colère : 

" Mieux vaut être mendiant à la surface de la Terre que roi au royaume des ombres !"

Le marasme est au plus fort, pas de vie pour ceux qui ont quitté la lumière du soleil ! ...

Mais soudain "tout" s'inverse, multipliant les symptômes, et c'est là que nos chercheurs prennent le relais ! 

Ce qu'ils observèrent, c'est, à partir du VIIème siècle avant J.C, ce bouleversement qui affecte les représentations, les centres d'intérêt, avant de s'étendre rapidement à la culture, à la politique, à la société !

Difficile de choisir, mais l'on peut avancer que le premier déclic qui va entraîner ce tsunami, c'est la toute nouvelle représentation du temps !

Cyclique hier encore, faisant peu de cas d'un mutant nommé "individu" qui attendait son tour sous l'horizon de l'histoire, au moins renouvelait-il tout ce qu'il détruisait, ainsi des hommes comme des feuilles, qui, une fois plaquées au sol au vent mauvais, sont bientôt remplacées par la sylve luxuriante ...  3 

A ce temps bouclé sur lui-même, succède donc un temps linéaire, vectoriel, implacable, et qui entraîne avec lui la corruption, le délitement et pour finir la mort, du petit nouveau, de l'individu lové dans ses bagages, à moins que ce ne soit le contraire !

Dès lors, tout part de lui et y revient, au diable Vauvert les dieux de l'Olympe, leur saga, la cosmogonie, l'inflexible hiérarchie sociale, l'heure est à la quête du salut personnel, et en attendant, à l'isonomie, à la démocratie, à l'expression de cette angoise existentielle aux moyens émergents de la poésie lyrique, de la tragédie, de la dispute performative sur l'Agora ...

Ces hommes d'un rapide destin !


 


 



A suivre !


1 - "Hypocrites" aurait proclamé le Galiléen, comme il l'avait fait pour les pharisiens qui ne faisaient pas le job, trop occupés de leur petit pouvoir ! Car, entre-temps, au tournant des âges, s'était produit un évènement capital en Palestine, dont ils firent leur fonds de commerce, tout en occultant ce en quoi il répondait à cette angoisse existentielle ...

2 - On invita ainsi des générations d'écoliers à réfléchir sur la longueur de l'hypothénuse, au lieu d'envisager sous quel angle il leur fallait envisager leur vie, au risque de se perdre dans le labyrinthe de leurs vies antérieures, et autre "billevesées" ! ...

3 - L'iliade VI, traduction libre d'un passage témoignant du pessimisme des grecs en ce début de millénaire !



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