Aristote, premier Père de l'Eglise ? ...
Non, désolé, je n'obéirai pas à votre premier réflexe et ne retournerai pas à mes études, car c'est précisément pour avoir étudié certaines décisions conciliaires que je me suis permis cet anachronisme, de prime abord loufoque ! ...
Revenus à de meilleurs sentiments, nombre d'entre vous me diront alors : "C'est bien gentil, mais désormais, que pourrions-nous bien avoir à faire de ces décisions conciliaires?"
En tant que telles, rien ou pas grand chose, je vous l'accorde, mais il se trouve qu'elles ont très largement déterminé vos actuelles représentations, à votre insu, apparemment ! ...
Sur le fond : parmi les décisions qui engagèrent l'avenir de l'Occident, et jusqu'à sa philosophie prétendument émancipée, deux, notamment, portent clairement la marque du Stagirite : un dualisme à tout crin, novateur à l'époque, oublieux du trois cosmique et accessoirement de son maître, prélude à la prochaine et scandaleuse confiscation de "l'esprit" par l'Eglise romaine, et, plus oublié encore, si cela était possible, la mise sous le boisseau du mystère de la réincarnation !
Sur la forme : si l'exploitation honteuse, partiale et partielle de Platon, à contretemps assurément, avait servi l'Eglise dans son entreprise pernicieuse de culpabilisation du "vulgaire", toute à sa volonté sauvage de pouvoir temporel, Aristote fut tôt choisi comme maître à penser, depuis ces premiers conciles inconciliants, belliqueux, si peu chrétiens en somme, jusqu'à la laborieuse et néanmoins subtile scolastique, empêtrée dans les limites de l'exclusive raison, prisonnière des rets du dogme !
Parole d'évangile !
Depuis près de trois siècles beaucoup d'eau avait coulé sous le pont Milvius, emportant, indifférente, la compréhension des évangiles !
Est-ce pour cette raison ? Est-ce pour cette incapacité ? Toujours est-il qu'il semble bien que les théologiens des premiers conciles soient allés chercher la vérité dans la pensée du Stagirite, de préférence à ces textes qui leur semblaient déjà contradictoires, obscurs par certains cotés, voire fantasques, et qu'ils s'empressèrent de dissimuler au "vulgaire", d'autant plus facilement qu'eux seuls ou presque savaient lire ! ...
En ce sens, pendant près de dix sept siècles, la pensée du "Maître de ceux qui savent!" fut parole d'évangile pour les usurpateurs romains...
Galilée n'en fit-il pas l'amère expérience ? ...
Le Stagirite donc, en lieu et place de ces biographes amateurs, peu scrupuleux, mal identifiés, déraisonnables à l'occasion !
Lui seul savait ce qu'il convient de penser de la véritable nature de l'Homme, de l'âme, et par conséquent, avec un peu d'imagination, de Jésus ! ...
De ce crash du véritable christianisme, il nous reste cette boîte noire : les conciles !
Il était inscrit dans le karma d'Aristote, et partant, de l'Occident, que celui-ci se trouva, dès lors qu'il fut né, à la confluence de plusieurs influences, dans la jungle luxuriante des pensées, tantôt complices, tantôt affrontées ...
Socrate nous avait acclimaté à l'idée nouvelle d'une âme indépendante du temps comme de son destin provisoire en ce bas monde; les physiciens ioniens avaient débarrassé la nature des dieux pour en faire l' objet de notre curiosité, un problème à résoudre !
Quant au père de substitution, devenu encombrant pour cet avenir radieux, comment mieux le tuer, qu'en élaborant une représentation du monde où les archétypes n'ont plus de lieu et n'ont donc plus lieu, où seuls subsistent les phénomènes, pluriels, singuliers, indisciplinés, approximatifs ...
Monde bien réel auquel les âmes sont désormais confrontées, sans l'échappatoire d'une quelconque préexistence, avec pour seule espérance et pour seule soupape, de pouvoir contempler éternellement ce qu'elles firent de bien, ce qu'elles firent de mal !
Soupape que certains jugeront "infernale" mais que Nietsche, plus radical encore, décida de nous refuser, condamnant ainsi les "derniers hommes" au terrible sentiment de l'absurde, dès lors que le couple monstreux culpabilité/récompense ne ferait plus recette dans les églises de pierre ...
L'Occident sous emprise ! ...
L'occident, désormais très inquiet de lui-même, de son éventuel déclin, ne semble pas avoir jamais mobilisé ses puissants moyens d'investigation en vue de déterminer les conditions de sa naissance, son véritable ADN pour prendre une image qui lui parle ! ...
Oublieux de ce mystère qui veut qu'un individu, ou une civilisation, viennent au monde avec une question qu'il s'agit de résoudre, il risque de disparaître sans même avoir conscience qu'il fut une première étape vers la liberté ! ...
L'emprise d'Aristote sur les théologiens romains, et partant, sur le devenir de l'Occident, ne semble pas avoir mobilisé plus que ça les observateurs de ce phénomène étrange, singulier, qui se dégagea du substrat des régularités, de la monotonie des cycles qui renouvellent tout ce qu'ils détruisent, de cet éternel retour dont Nietzche, contempteur de l'aventure occidentale, conçut " Amor fati" !
Si, tout comme Spinoza, il n'avait pas accepté de se battre sur le terrain étroitement délimité par l'Eglise, son adversaire exécré, s'il avait accepté l'idée de la préexistence de l'âme, et pourquoi pas celle du karma, et, soyons fous, du choix préexistenciel d'un chemin d'épreuves, son injonction à aimer le destin aurait signifié la reconnaissance de décisions prises par lui-même, avant même que de naître, d'entrer dans ce que les grecs, soudain libérés du temps cyclique, appelèrent l'enfer ! ...
En accord sur ce dernier point avec Bouddha, leur contemporain ...
Le moment où tout bascule !
Très tôt, "l'infection" aristotélicienne commenca ses ravages, s'assurant des représentations, de l'exclusivité du raisonnement, et c'est au Vème siècle, lors du concile de Chalcédoine qu'apparaissent les premiers symptômes : l'Homme n'est pas encore au centre des préoccupations, c'est encore et toujours ce qu'il en est de la véritable nature de Jésus, alors présenté et représenté comme "vrai homme"... à notre image, est-il précisé, "doté d'un corps et d'une âme raisonnable !" ...
D'aucuns auront noté au passage ce curieux concept "d'âme raisonnable" qui peine à dissimuler les limites qui lui sont désormais assignées ! ...
Chaque mot compte, mais plus encore celui qui n'est plus là ! ...
De la troisième et première dimension, de cet esprit dont parlait Paul, plus aucune nouvelle ! ...
Trois ou quatre siècles de plus, et l'omerta ne tardera pas à étendre son ombre sur notre véritable nature ...
869 : naissance d'un homoncule autosatisfait, de vous, de moi !
Homoncule non sorti des éprouvettes de l'alchimie certes, mais des ratiocinations d'une Eglise au pouvoir depuis plus de cinq siècles, et qui cherche comment l'asseoir définitivement ...
Un concile chirurgical !
L'Homme est alors amputé de l'esprit, sa troisème dimension !
Mais, ne déprimez pas, nous avons la solution : pour y accéder il faudra passer par nous !
Où l'on comprend l'omerta sur les évangiles, notamment sur ce passage fondamental où nous voyons le Galiléen expliquer à la Samaritaine, de sang mélangé et qui annonce l'avenir, que " la relation au Père ne se fera plus sur la montagne sacrée, ou bien encore au temple, mais en esprit !" ...
Il paraît qu'un prédicateur zélé fit son fonds de commerce de ce passage largement oublié, annonçant urbi et orbi la chose suivante : "Vous voyez bien, la rencontre ultime se fera non plus dans la nature comme chez les païens, ou dans le temple comme chez les grecs et les juifs, mais dans nos belles églises de pierre !" ...