Religion dionysiaque et Christianisme, similitudes et différence !
Cette comparaison entre les religions n'est qu'une parmi toutes celles qui furent entreprises !
Le choix-même de les effectuer, le XIXème siècle s'en était fait une spécialité, non sans arrière-pensées, sur fond de crépuscule des idoles !
Alors qu'elles avaient décidé de la banalisation du christianisme avant même de conclure, restées sans vergogne à la surface des choses, faute de contradicteurs avertis, elles gisent désormais, radioactives, dans notre subconscient !
Pour celle qui nous occupe aujourd'hui, les apparences étaient en effet tentantes : la première s’étant
développée rapidement auprès des femmes et des esclaves, tous exclus de la religion déjà éminemment politique de la cité grecque, la seconde revendiquant
le succès croissant du Galiléen auprès de la gente féminine, dont le statut d'alors méritait pour le moins d’être revisité, si l’on en croit nos actuels critères pour lesquels il ne fut pas sans importance!
Ajoutez à cela que Jésus, comme Dionysos, se comportaient
comme s’ils étaient étrangers à leur propre culture, et le tour est joué !
Enfin, aux indécrottables crédules, nous ferons remarquer que, de nature divine, ils seraient nés l'un et l'autre d'une simple mortelle ...
Par conséquent, circulez, il n’y a rien à voir, de très nouveau en tout
cas ! …
Encore un peu de patience, Mesdames et Messieurs, et tout s'estompera, jusqu'à notre calendrier, bientôt dépourvu de signification ...
Si l’on pense que l’Eglise n’a finalement pas trouvé grand-chose
à opposer à ce simulacre d’analyse alors très à la mode, si ce n’est, dos au mur, de proclamer la stratosphérique "infaillibilité pontificale" en 1870, on ne s’étonnera plus de l’assèchement
des bénitiers !
La différence qui fait toute la différence !
Entre les premiers cultes rendus à Dionysos et l'évènement de Palestine, nous pouvons, en première approximation, établir un intervalle d'un millier d'années, ce qui serait insufisant en soi, si ce n'est que c'est alors que surgit un mutant nommé individu, doté d'un tout nouveau et étrange sentiment, doté d'un "moi", affirmant tout à la fois sa singularité et son égalité !
La recherche occidentale a découvert ce "surgissement" il y a peu, ce en Grèce où ce phénomène est bien documenté !
Nous en avons souvent parlé sur La Porte des Lions !
Quant aux philosophes et autres anthropologues, combien ont remarqué qu'au plus fort de ce saut qualitatif de l'espèce humaine, Gautama dit le Bouddha, muet souvent sur l'histoire de notre espèce, prit la peine de dénoncer auprès des siens ce phénomène émergent comme illusoire et source de nombre de nos ennuis !
Dionysos, "l'homme" à tout faire !
Après avoir jadis offert son culte à tous ceux qui étaient exclus de la cité, il fut réquisitionné sur le tard par son héraut polonais autoproclamé, échoué dans un corps de misère et, comme s'il n'y suffisait pas, au pays honni de Luther ...
"Réquisitionné" oui, le mot n'est pas trop fort, car l'heure était venue de la lutte finale, de l'éradication des "derniers hommes", cette engeance nihiliste conçue par Socrate, augmentée bientôt par tous ceux qui emplissaient les églises et les temples de leur détestation de cette vie !
Comment résumer cette géologie d'interprétations qui en disent beaucoup sur nos représentations, et si peu sur ce qui ne serait, tout bien considéré, qu'un habile miroir ?
Celle qui nous intéresse ici, délaissée par l'Occident amnésique, nous parle, à sa manière, de ce bouleversement psychique qui nous annonce !
Encore faudrait-il rétablir le mythe dans sa dignité de mémoire collective, confiée depuis lors aux gratteurs de poteries et autres rongeurs d'os dûment titrés par l'Ecole !
Nous n'en avons plus souvenir, mais de ces Orphiques, comme de leur enseignement fondamental, les manipulateurs de Rome nous ont brutalement éloignés, et partant, de nous-mêmes, ouvrant ainsi un champ libre à leur pouvoir de suggestion, de culpabilisation, propice à leur mainmise malsaine sur nos âmes !
Cette période où tout bascule !
Alors que nous sommes toujours à la recherche de notre premier ancêtre, au détour d'un hypothétique croisement : descendu de l'arbre, ou bien encore planqué quelque part dans un inextricable buisson, celui qui nous annonce véritablement était là, sans faire de bruit, sous nos yeux !
Encore faudrait-il définir ce qu'est l'Homme !
A ceux, désormais nombreux, qui considèrent qu'à l'instant de la mort, nous disparaissons plus vite encore que notre corps se délite, sous l'action des vers ou de l'intense chaleur, je conseille de ne pas poursuivre cette enquête sur cette étrange période au cours de laquelle nos prédécesseurs à la surface de Gaïa se mirent en tête que non, décidément, tout n'était pas dit ! ...
L'apparition de ce mutant est signalée à notre attention distraite depuis plus de cinquante ans, mais rien n'y fait, car rien n'est là pour l'étayer, à tout le moins selon nos conventions du moment : pas le moindre os à se mettre sous la dent, le moindre artefact à dire son homme, la moindre bifurcation génétique, le moindre essai réussi, adoubés par la nécessité du moment ...
Tout juste une inflexion nerveuse du discours, jusqu'alors confisqué, une nouvelle manière de se faire entendre par tout moyen, fut-il nouveau, fut-il au service de la cause, comme la poésie lyrique, la tragédie, la politique, l'eschatologie, la plastique mythologie, la philosophie, cette sténographie des représentations en leur évolution, le psychisme en d'autres termes !
Que s'était-il passé qui puisse expliquer un tel bouleversement ?
Tandis que les anthropologues, truelles et pinceaux en main torturaient un sol décidément avare sous le regard attendri des mythes, cette mine réjouie à ciel ouvert, le récit de la Genèse, usé jusqu'à la corde, avait laissé la place à celui d'un singe opportuniste, mis en scène par un Molière devenu céleste après qu'il fut divin !...
L'Occident s'interroge désormais sur son déclin, ne sachant toujours rien vraiment de sa naissance, et partant, de son utilité dans la grande aventure humaine qui ne s'achevera pas, ne lui en déplaise, avec lui, lui et ses fameuses "valeurs", totalement démonétisées au regard de qui juge les paroles à l'aune des actes !
Ce que redoutait le Bouddha s'est finalement produit !
Pour être inhabituelle, la lecture qui suit délaisse les conflits artificiels entretenus de main de maître entre les différentes spiritualités, pour s'intéresser aux continuités qui mènent à ce que nous sommes à ce stade de l'évolution !
Au moment même où l'oubli se déplace en Grèce de l'instant de la mort à celui de la naissance, le Bouddha dénonce vivement ce "moi" illusoire, gros du risque d'un exil amnésique dans ce monde désormais revêtu de la dignité du réel ...
Le mythe orphique de Dionysos avait en son temps présenté en images la cause tout à la fois cosmique et psychique de ce bouleversement qui annonce l'Occident !
Préalable à notre naissance en tant qu'individus : la mise en pièces de Dionysos Zagreus par les Titans !
Zagreus est une entité suprasensible, fils de Zeus et de Perséphone, il est la conscience collective, "non propriétaire" dirions-nous de nos jours, tout à la fois plus vaste et plus imprécise que la nôtre !
Pour parler comme nos philosophes, il n'y a alors point de "chose en soi", mais point non plus de sujet conscient de soi !
Les titans sont nos cinq sens dont nous savons désormais qu'ils ne nous donnent pas accès, loin s'en faut, à la totalité du spectacle de l'univers !
Fort heureusement, car le mythe nous met en garde : Sémélé, la deuxième mère de Dionysos, simple mortelle, fut consumée sur l'instant pour avoir outrepassé les possibilités de son stade d'évolution, et obtenu de contempler cet écrasant spectacle !
La mise en pièces de ce premier Dionysos par les Titans, est donc le premier acte du drame cosmique qui nous annonce !
Celui qui nous préfigure apparaît au deuxième acte, il est celui dont la Grèce antique se méfie et tente d'apprivoiser en lui réservant une fête, mais que certains, femmes et esclaves, vénèrent en marge de la religion officielle, loin de la cité, dans les bois et les champs... Il est le différent, l'étranger, le singulier, en un mot, celui grâce auquel le mutant que nous sommes prononce ces deux mots alors étranges, gros de démesure : " Moi je !". Prononcés désormais de manière automatique, sans hésiter jamais, comme si cela allait de soi !...
Athéna, Déesse de la Raison - cette toute nouvelle activité de l'Homme, intériorisée, réfugiée sous la vôute crânienne, à juste distance désormais du spectacle suprasensible de l'univers et des influences célestes - récupère le coeur de Zagros, cet organe dont on redécouvre depuis peu l'intelligence, "infusé" à Sémélé, simple mortelle, qui donnera naissance ... à vous, à moi, à ce Dionysos insolite qui dit "Moi" et sème la pagaille partout où il propage cette promesse de chaos dans un ordre qui se meurt ! ...
Bouddha avait vu juste, non dans son combat d'arrière garde contre cette évolution préalable et nécessaire à l'avènement de notre liberté, mais dans sa crainte, désormais avérée, que ce nouvel état de conscience ne conduise à l'oubli de nos véritables racines !
"Non pas moi, mais Christ en moi ! " L'énigmatique parole de Paul !
Comment mieux résumer en l'espace de sept mots une évolution plusieurs fois séculaire ! Dans la bouche de Paul, le moi est devenu une réalité, acceptée, intériorisée, au dépend toutefois de cette autre réalité qu'est le monde divin !
Avant Damas, cet intellectuel pensait, avec les philosophes grecs, les plans humain et divin comme définitivement séparés !
Pour les adeptes de Dionysos, paradoxalement, le "moi" est un obstacle à toute relation vraie avec le dieu. Pour renouer avec cet état antérieur du psychisme humain, ils n'auront de cesse de le dissoudre lors d'orgies collectives, d'annihiler toute conscience, de perdre tout contrôle, délire, cris, sauts, courses folles, toute notion du bien et du mal, jusqu'à déchiqueter son propre enfant, possédés enfin, "chevauchés" par le dieu ...
Paul, sans le savoir, est le premier, ou l'un des tout premiers, à réaliser la prophétie du Galiléen à la Samaritaine évoquant un prochain contact direct entre l'Homme et Dieu, sans intermédiaire aucun, en son for intérieur, dans la paix retrouvée de son âme !
Epilogue
A venir dans les tout prochains jours !