Où est passé l'enfer ?

Il y a belle lurette, un siècle environ, que ce lieu redouté ne nous attend plus derrière le voile de la mort !

Ayant pris les choses en main, vraisemblablement lassé de ses prédicateurs décrédibilisés, il est désormais installé à demeure, ici-bas ! ...

Ce n'est pas une première, quelque part entre Homère et Socrate, les anciens grecs avaient observé la même migration, mais nous n'en avons plus souvenir, aveuglés par cette parenthèse près de deux fois millénaire qui vit les clercs s'emparer de ce prodigieux fonds de commerce, corvéable à merci dès lors qu'il s'agissait d'asseoir leur pouvoir nauséabond !

A la même époque, il serait temps de l'observer, le Bouddha vint dire aux siens que ce monde est invivable, leur indiquant les moyens de n'y plus revenir !

Il semblerait donc que le véritable lieu de l'enfer n'est pas ici ou là, là-haut ou ici-bas, mais se situe dans nos représentations, se déplaçant au gré de leurs évolutions ! ...

L'information en continu a remplacé les prédicateurs, qui n'avaient eux, guère que le dimanche pour déverser les dernièrs exploits d'un sadisme jamais à court d'idées ...

Povisoirement à l'abri, nous espérons ne pas avoir à le subir à notre tour, car il frappe désormais indistinctement les bons et les méchants ! ...

En conclusion provisoire, nous pouvons dire que si ce transfert de l'enfer ne fait pas nos affaires, du moins correspond-il à l'opinion courante que rien ne saurait se passer ailleurs qu'ici-bas ...

Ceux qui néanmoins persistent dans cette idée "exotique" que la mort ne signifie pas le retour au néant, resteront attentifs à ce qui va suivre ...

A propos de l'Hadès, les Grecs se posaient cette question fondamentale qui, curieusement, ne semble plus nous effleurer : qu'y devenait la conscience ?

Et si, précisément, ils nommaient "royaume des ombres", cet endroit "infernal", c'est en raison de l'oubli qui en gardait l'accès, imposant cette perte de conscience à ceux qui avaient quitté la lumière du soleil ...

La conscience, tout est là !

Qu'en est-il de cette indéfinissable dignité à nous accordée depuis peu, à l'échelle de l'évolution s'entend, une fois privée de notre corps ? 

Mais plus encore, qu'en serait-il de notre immortalité sans elle ?

Voilà des questions difficiles qu'auraient dû nous poser ceux qui étaient "normalement" chargés d'initier au mystère du Golgotha les mendiants en esprit que nous étions devenus !

Ceux qui ont déjà poussé La Porte des Lions savent que ce manque abyssal vient du rejet plus de deux fois millénaire de la sagesse des mythes, exécration que nous devons en partie à Platon, très ambivalent en ce domaine, mais surtout aux "kmers rouges" de l'Eglise romaine ...

"Mieux vaut être mendiant à la surface de la Terre que roi au royaume des ombres !"

Comment mieux exprimer ce que ressentaient les anciens Grecs, quelque mille ans avant le mystère du Golgotha ?

Qui, mieux qu'un mort, serait qualifié pour établir un tel constat ?

En l'occurrence, il s'agit d'un aveu fait par Achille, le défunt héros de la Guerre de Troie, à Ulysse, de passage aux enfers !

Conversation divulguée quelques siècles plus tard par Homère, le voyant aveugle, protégé de Mnémosyne, Déesse personnifiant la mémoire et mère des muses !

Cet aveu d'Achille qui, notons-le, se remet en question, indiquerait-il que le héros serait sur la voie d'une intériorisation ? ...

Cette mutation du psychisme qui nous annonce fait l'objet de l'enquête révolutionnaire de la tragédie grecque au Vème siècle ! 

Flash back !

Pourquoi Achille se présente-t-il comme un "roi au royaume des ombres" ?

Dans l'Hadès, les héros morts s'étant montrés dignes des actes dictés par les dieux, avaient accès à l'île des bienheureux, espace épargné par l'implacable oubli (Lethé), cet ennemi mortel de la conscience ...

Pourtant Achille, terriblement amer semble-t-il, se plaint de son sort !...

Comment pourrions-nous comprendre actuellement cette plainte post mortem, autrement qu'en nous imaginant, ici-bas, en pleine possession de nos moyens, soudainement, brutalement, exclusivement entouré d'êtres végétatifs ?

L'autre leçon de cette confidence de notre héros contrit est, qu'à ce moment de l'histoire psychique des hommes, la nostalgie de la vie ici-bas était telle que le retour en était ardemment désiré, quel qu'en soit le prix à payer ! 

Remarquons a contrario que, quelques siècles plus tard, le Bouddha, qui, vraisemblablement, n'était pas venu pour ne rien dire, conseilla vivement à ses contemporains d'éradiquer tout désir, afin de ne jamais plus revenir dans ce monde de souffrance et d'ignorance ! ...

Un peu plus tard, voici Platon, le dernier des orientaux qui, perclus de réminiscences, éperdu de vérité, dévalorise le monde d'ici-bas, chante celui intelligible dont nous ne savons plus être venus ! ...

Qui a jamais observé ce va-et-vient qui emporta nos évolutions psychiques, de-ci de-là,  pendant tous ces siècles oubliés ?

"Heureux les mendiants en esprit !" (Matthieu 5:3)

Près de mille ans plus tard, la réponse est proclamée, énigmatique, ambivalente, un brin provocatrice, au moins pour nous qui ne la comprenons pas, car tout à la fois, il s'agit et il ne s'agit pas, de la même mendicité !

De ce premier constat du plus grand anthropologue que Gaïa ait jamais accueilli, nous avons été privé depuis plus de 2 000 ans !

"Pauvres en esprit", "pauvres d'esprit" etc. ...

Le plus grave n'est pas la traduction qu'en firent les détracteurs de la religion, dénonçant ce recrutement à peine voilé de tous les neuneus de la Terre !

Non, le plus grave, c'est ce qui est resté dans les représentations, ce qu'en fit l'Eglise, matérialiste déjà, manipulatrice, culpabilisatrice, car il s'agit-là en réalité d'une consolation adressée à une humanité dont le monde spirituel s'est progressivement éloigné depuis près d'un millénaire !

"L'exil occidental", pointa Sohrawardi, sur le recul lui aussi, sans évoquer jamais sa finalité !

Nous avons souvent analysé les différents symptômes de cette métamorphose sur La Porte des Lions, là où elle est bien documentée, en Grèce, quelque part entre Homère et Socrate !

Car la question qui se pose, centrale, éclairante, curieusement oubliée, est : "Pourquoi cette entité que l'on appelle le Christ, ou le Logos, ou bien encore le Verbe, s'est incarnée, si c'est bien le cas, à ce moment précis de l'évolution psychique de l'Homme ?

"Si c'est bien le cas" car, seule la contextualisation de ce mystère, la mise en perspective de notre évolution psychique, peut amener notre divin raisonnement qui, seul désormais, décide du vrai, à soupconner un début de vérité dans ces quatre évangiles si controversés !

Le temps est venu de "mettre à l'index" la supposée culpabilité d'Adam, qui n'a plus, ni le pouvoir fallacieux de conforter celui de l'Eglise, ni celui de convaincre nos représentations désormais accoutumées aux rebondissements qui affectèrent l'évolution de notre carcasse, en attendant d'en savoir plus sur ce qu'il en fut de notre psychisme !

Comme il en est du bonzaï, la représentation étriquée que nous avons de l'enfer, nous accompagne au gré des déplacements de notre psychisme !

Ainsi, nous n'en avons plus souvenir, mais en Grèce devenue classique, ce monde immonde, inquiétant, souterrain, qui s'ouvrait derrière le porche de la mort, migra, sans trop prévenir, s'installant désormais sur le plancher des vaches, étrange inversion dont Platon fit son miel, mais qui piqua au vif un visiteur temporel nommé Nietzsche, ayant achevé sa précédente incarnation à la surface de Gaïa, juste avant que cette inversion des valeurs ne se produise ! ... 

Vous qui ricanez devant cette impermanence de l'enfer, commencez par me dire ce qu'il est pour vous !

Sartre, tout le premier, une fois les prédicateurs sadiques de l'Eglise romaine envoyés au recyclage, avait tenté de répondre à cette question lancinante, clamant urbi et orbi, que "l'enfer c'est les autres !"

La rumeur colporte qu'il n'osait pas regarder dans sa culotte ! ...

 



La suite dans les tout prochains jours !





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