Nietzsche, les chauves-souris et le caméléon ! ...

"Les chauves-souris entrèrent ce jour-là en dispute avec un caméléon ..."

C'est ainsi que commence une parabole de Sohrawardi, un peu à la manière des fables de La Fontaine, mais avec l'ambition évidente de dépasser notre morale "humaine, trop humaine! ...

Pour revenir sans plus tarder à notre "maître à penser", résumons l'affaire : la cruelle sentence des chauves-souris fut d'exposer le caméléon à la lumière du soleil, ce qui leur aurait été fatal, mais qui correspondait en cette  réalité tout autre qu'elles ignoraient, au besoin vital de ce saurien, qui ne déteste rien tant que la pénombre !

Pour expliquer la relativité restreinte d'Einstein, nous prenons souvent l'exemple d'un voyageur à bord d'un train qui, à vitesse constante, voit "défiler le paysage" !

Nous savons bien entendu qu'il ne s'agit-là que d'une interprétation, d'une illusion d'optique, mais, qu'en serait-il de notre raisonnement si nous étions installé dans le train depuis belle lurette, sans le souvenir d'y être monté un jour, ni de devoir jamais en descendre ?

De ce point de vue, le référentiel de Nietzsche, autant dire le nôtre, ne fait que tirer les conclusions "logiques" de ce que nous voyons, sans nous inquiéter plus que cela de ce que nous ne voyons pas ou ne voyons plus !

Dieu est mort !

La formule est radicale et donc promise à un bel avenir, mais, tout bien considéré, pas tant que ça, car pour mourir, il faut avoir existé ! ...

Soit!... l'aphorisme est un genre difficile, exigeant, mais en l'occurrence, l'ambition de Friedrich n'était pas littéraire, bien plutôt polémique, d'humeur assassine ! ...

Sans oublier un certain sens du marketing avant l'heure ! ...

Avec Spinoza qui, semble-t-il, lui tenait le bras, il jeta le bébé avec l'eau du bain, et avec ceux qui n'avaient rien compris à Darwin ou voulaient l'utiliser, il voyait l'évolution comme résultat unique du struggle for life !

Ce qui le distinguait du vulgaire, c'est son imagination débridée, affranchie de nos fantasmes, enfuie à toutes jambes de "l'asile de l'ignorance", et qui tourne son regard dessillé, incrédule, vers nos dérives mortifères !

Cette déviance "créative"qui nous distinguerait de l'animal, dont la logique n'attendit pas Aristote,  nous avait conduit depuis Socrate à l'invention d'une inversion délétère, d'une morale culpabilisante qui  permet au démuni de monter à son tour sur le podium !

Le tout savamment orchestré par ces "chrétiens" opportunistes, plus soucieux de leur pouvoir que de nous accompagner dans la voie qui mène au "surhomme", selon le langage décidément ambigu de Friedrich !

Ce "surhomme" incompris, prêt à toutes les acclamations, ayant eu droit à son tour à son église déviante ! ...

Mais, tout bien considéré, entre la vision ambitieuse de cet être nouveau, acceptant sa condition terrestre, souhaitant pour autant se dépasser, se prendre en main, et le véritable christianisme, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette, sauf que, confiée à sa seule volonté, cette ambition est partie en fumée, avec son esprit si justement tourmenté ! ... 

C'est donc bien malgré lui qu'il laissa le "surhomme" aux mains de sa soeur et des apprentis sorciers du "tout biologique" !

Vous avez dit : "accepter notre condition terrestre" !

Comme chez Spinoza, tout ou presque commence par un rejet justifié de la religion, sans discernement toutefois, car, en contradiction totale avec le sens de l'incarnation de Celui qui était devenu son alibi, l'Eglise avait usé et abusé à contretemps du refus platonicien de ce monde, afin de conforter son pouvoir pervers sur le "vulgaire" !

Dieu est mort !

Voilà le constat que l'on aurait déjà pu faire à ce moment de notre évolution psychique au cours duquel se produisit le mystère du Golgotha !

Sur "La Porte des Lions", nous avons souvent scruté ce moment, bien documenté en Grèce, quelque part entre Homère et Socrate, où le monde spirituel se retire de la conscience des hommes, nous laissant ainsi la chance unique et exclusive d'accéder à la liberté ...

Ce, au terrible et nécessaire prix de l'oubli de ce monde dont nous sommes issus !

C'est ce que les soufis perses nomment "L'exil occidental", c'est la raison pour laquelle le Verbe cosmique s'est momentanément apparenté à un galiléen nommé Jésus !

Epilogue

Est-ce parce que Friedrich avait fort justement prôné l'acceptation de notre condition terrestre,  affirmant ce faisant la nécessité de se dépasser, de se libérer de ses entraves, choisissant, tel un héros de l'Iliade, d'être seul en cette épreuve, qu'il finit par ne plus habiter ce corps déficient pendant toutes ses dernières années ? ...



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