Ne jette pas le bébé avec l'eau du bain ! ...

Dans nos actuelles représentations, comme toujours empressées d'aller au plus pressé, point de distinguo entre catholicisme et christianisme, le premier entraînant manifestement le second dans sa débâcle !

Quand il ne le prend pas en otage dès que l'actualité le permet ! ...

"Ne jette pas le bébé avec l'eau du bain !"

Née d'une observation adossée à la longue-durée, scientifique avant la lettre, éminemment respectable par conséquent, cette expression populaire devrait nous inciter à un peu plus de circonspection, au moins depuis que l'eau du bain, l'Eglise en l'occurrence, ne coule plus de source et ne remplit plus les bénitiers ! 

A qui la responsabilité ?

Faire le procès de l'Eglise romaine est devenu chose facile, presque ennuyeuse ! ...

La documentation est là, pléthorique, accablante, et l'on ne risque plus sa vie à cet exercice, comme ce fut le lot, il faut saluer leur courage, de tous ceux qui, au fil des siècles, avaient cru comprendre quelque chose au message du Galiléen, sans trouver jamais aucune correspondance avec le piètre spectacle et les dires de ceux qui squattaient son aura !

Mais le but de cette communication n'est pas de faire le nième procès de l'Eglise, alors qu'à sa décharge il faudrait citer de nombreuses avancées sociales, notamment quant au statut des femmes, quitte à faire hurler les ceusses qui hystérisent cet important débat, sans en connaître ni les tenants ni les aboutissants ...

Entre deux vociférations, pourraient-ils prendre le temps, les susnommés, de lire et méditer : "Le chevalier, la femme et le prêtre", étude minutieuse de Georges Duby qui relate le combat plusieurs fois séculaire, finalement victorieux de l'Eglise romaine, obtenant une certaine libération de la femme, et plus particulièrement de la toute jeune femme, de ce temps et de ce milieu de guerriers, si peu chevaleresques en l'occurrence, sachant que par capillarité, le résultat ainsi obtenu s'étendra progressivement aux couches populaires ...

Ils pourraient utilement compléter ce nouvel horizon incommode des études de Pierre Chaunu sur la question oubliée des étudiantes en quatrième année, du "retard de l'âge au mariage" ! ...

D'objet d'échange, voire de proie, selon son statut social, de ventre à disposition précoce de la lignée, à la centralité occupée par la femme subtilement courtisée par les troubadours, que de chemin parcouru !

De cette époque innovante, tendue entre deux extrèmes, nous reste l'amour conjugal, désormais malmené, déchiré, fantasme d'un avant idéalisé ...

A décharge toujours, ou à charge, selon la méchante humeur des nouveaux fanatiques, des contempteurs de "la drogue des pauvres",  la foi irréfragable de l'écclesia chrétienne, de ces innombrables vies anonymes, consacrées, au fil des siècles, à la prière qui soutient le monde, ou au service des autres !

Ne nous perdons pas dans des combats anachroniques, perdus d'avance, contre l'Esprit du temps, ce puissant et occulte moteur de l'évolution dont nous avons perdu tout souvenir, réduisant ce mystère à une simple expression, désignant un effet de mode, quelque peu dérisoire en somme !

Il nous faudra pourtant y revenir si l'on désire regarder le néfaste épisode des conciles, une fois libérés des oeillères imposées tout à la fois par leurs détracteurs et par quelques soutiens résiduels !

Mais, pour en revenir à notre supplique citée en exergue, à ce motif de l'exorbitant pardon du Christ en croix, qui certes vaut pour ses persécuteurs, mais bien plus encore pour ses futurs "défenseurs", et si l'on sait que "Celui dont le royaume n'est pas de ce monde" est affranchi du temps, on commence à entrevoir la "raison" pour laquelle cette entité a décidé de s'apparenter à la mort !

Un fois passés les trois premiers siècles, la clandestinité, les persécutions sporadiques, saupoudrés de quelques instants de rémission, vint le temps où la nouvelle religion fut appelée sur le podium ! 

A la rescousse en réalité, par un empire sur le point de se disloquer, qui avait tout essayé, notamment le concept révolutionnaire du Panthéon, cohabitation orchestrée et longtemps successful des dieux apprivoisés, choyés, dorlotés, ainsi empêchés de se faire la guerre par humains interposés...

Tout passe, tout casse, tout lasse, y compris la Pax Romana, et désormais force était de constater la prolifération prosélyte et exponentielle de cette nouvelle religion, horizontale, multiforme, insaisissable, qui n'entendait pas entrer sous la coupole et, longtemps casus belli, refusait à César sa divinité !

Alors, pourquoi ne pas confier le destin de l'empire à ce dieu qui semble gagnant ? ...

Les hommes des premiers conciles ont trahi, non l'empereur qui les avait convoqués, mais la vérité sur le mystère du Golgotha, au profit d'une guerre interne qui augurait mal de leur légitimité !

Pour peu que l'on tente une mise en perspective, ces hommes, sur le plan psychique s'entend, n'étaient plus ceux qui depuis des décennies, attendaient ici et là le messie, ni ceux qu'il avait choisi, à part Juda, l'intellectuel de la bande, ni ceux accourus innombrables dont il se faisait comprendre au moyen de paraboles, ni même ceux des premières communautés chrétiennes !

Prélats désormais nommés par le pape, majoritaires, ils n'étaient plus faits du même bois que leurs prédécesseurs, ces anciens sages (presbytres), cooptés par la base, par les communautés en raison d'un ancestral respect dû à leur détachement, à leur intelligence des choses et des gens ...

Flashback !

Les guerres devenues mythiques, comme celle de Troie, ou bien encore, celle qui campe le décor de la Bhagavad-Gita, dissimulent encore à ce jour des fractures non résorbées dans les représentations humaines !

On pourrait même parler, sans trop d'emphase, de tectonique des plaques affectant le psychisme humain, ce continent inconnu, éminemment instable !

Point commun aux deux, leurs conséquences sont toujours ignorées de nos distingués philologues, plus aptes à faire parler leur anachronisme flamboyant, que ces textes, témoins de grands bouleversements psychiques ...

A la fin de sa chronique de la Guerre de Troie, Homère révèle à qui ne veut pas l'entendre que c'en est alors fini de l'emprise des dieux sur les hommes, qu'il leur faudra désormais trouver d'autres figurants pour vider leurs querelles internes !

Au début de la Bhagavad-Gita, Krishna vient mettre fin de manière douloureuse, incompréhensible, à l'ancestrale loi du sang, au pouvoir obsolète de l'âme groupe, de la tribu sur l'individu, encore dans les limbes ...

Celle de Troie est un point de bascule dans la longue relation entre les dieux et les hommes, en ce sens qu'elle y met un terme !

Cela n'avait pas échappé à Homère, mais laissa nos modernes érudits de marbre, tant l'idéologie occidentale restait gravée dans leurs représentations stratifiées ...

La relation imagée du commerce entre les hommes et les dieux nous semble désormais dérisoire, naïve,  enfantine, pourtant, et cela n'est pas même encore aperçu, une réplique de cette première fracture exhumée par Homère s'est produite quelques siècles plus tard, accessible celle-ci, à notre pensée devenue entretemps conceptuelle !

Pour peu que l'on veuille bien s'y intéresser !...

Il s'agit de la divergence de vue qui s'installa entre Aristote, notre toujours maître, malgré quelques récentes restrictions, et son propre maître, Platon !

"Toujours maître" car il paraît évident qu'à la plupart de nos représentations, manque toujours un Galilée ! 

C'est alors, après des millénaires de perplexité quant à la relation de l'Un et du multiple, l'abandon unilatéral du premier, en vue de se consacrer aux seconds ...

Pour le dire autrement, c'est l'escamotage assumé du monde suprasensible, intelligible, matrice des archétypes, en vue de se consacrer à l'étude de la "chose en soi", des phénomènes qui, ici-bas, incessants, insaisissables, se disputent l'attention de nos sens !

C'est, d'une certaine manière, le premier vrai signal de départ de notre liberté, à haut risque certes, mais sans lequel elle ne saurait exister !...

Confrontés à un mystère manifesté qui manifestement leur échappe, les hommes des premiers conciles vont tenter de conceptualiser cet étrange "phénomène" apparu au Levant trois siècles auparavant, et qui les réunit, sous la houlette d'un empereur, en proie à la peur du retour des divisions !

C'est alors, qu'après avoir tout oublié, manifestement passé les évangiles par pertes et profits, advint le temps de la guerre impitoyable des raisonnements, des concepts, des spéculations, des ego, perhaps, pour le pouvoir, indubitablement !

"Tout oublié" ne renvoie pas à notre actuelle mémoire, mais à ce séisme psychique que les anciens  Grecs avaient douloureusement vécu qui avaient fait migrer Léthé, personnification du mortel oubli, des portes de l'enfer, ce royaume des ombres, vers le moment devenu primordial de la naissance!

Cet oubli de la continuité de la vie, qui, affranchie des règles de notre temps "psychologique", excède largement ce qu'imprécisément nous appelons "notre vie", désormais encastrée entre naissance et mort, jetée dans le jardin des sens, ce caveau de l'oubli, prédestinait Aristote, ce fils de la fracture, à ne plus s'intéresser qu'aux choses d'ici-bas, à tenter d'exhumer le mystère qui lui aussi avait migré et qu'elles seules recelaient ...

"La chose en soi" sera-t-il dit un peu plus tard !

Pour cette indifférence manifeste des ratiocineurs accourus, aux vérités contenues dans les évangiles et qui préfigure notre insupportable mélange de condescendance, d'inculture, d'incompréhension, et pour finir de désintérêt, il nous faudra très bientôt développer le pourquoi du comment de cette embardée néfaste !

En réalité, les factotum de l'empereur, mais plus encore de l'esprit du temps, ont demandé à la Raison, leur nouveau dieu, non encore affiché comme tel, de juger de ce qu'il en fut réellement de ce Jésus qui, selon ce qui leur en avait été rapporté, défiant tout bon sens, se défiait de ce royaume qu'on lui apportait sur un plateau, et prétendit, ô scandale, incarner la Vérité !

Qu'est-ce que la vérité ?

La Vérité, cette grande évanescente, objet de la quête éperdue de la toute dernière antiquité en rupture de ban, se trouva résumée par cette question biaisée de Pilate, assénée au glorieux désavoué, et qui, certain, au nom des siens, qu'elle n'est pas de ce monde, ne prit même pas la peine d'attendre sa réponse ! ...

Essai d'uchronie !

Si le premier concile s'était tenu, non à Nicée mais à Delphes, les participants auraient vraisemblablement été invités à cette méditation préalable à toute dispute : "Il m'apparaît ridicule, quand je m'ignore moi-même, de scruter l'autre ! Alors, que pourrait-il bien en être de ce "tout autre" ?

Que se serait-il passé alors, au regard du motif de la convocation, une fois l'effet de stupeur dissipé ?

S'en seraient-ils retournés, sans mot dire, penauds, écrasés par ce mystère qui les dépassait, accablés soudain par leur exorbitante prétention à dire le vrai, ou se seraient-ils humblement tournés vers les évangiles où la raison, il est vrai, est sérieusement malmenée, ou bien encore, abandonnant ce qui n'était qu'un viatique, à l'image de Plotin, vers l'Un, vers ce dieu ineffable dont on ne peut rien dire, et donc se réclamer auprès de ceux qui avaient besoin de croire qu'ils en savaient plus qu'eux ? ... 

Le pardon n'est pas mesurable;  prévoyant, peu soucieux du temps, il nous fut accordé !



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