Entre notre bon sens et le contre-intutif, sommes-nous sommés de choisir ?

En effet, ce monde totalement contre-intuitif, qui, non content de squatter notre intimité, se plait désormais à défier notre bon sens, est-il, lui, fidèle à lui-même, tandis que notre regard sur le monde n'a cessé d'évoluer, "réduit" depuis deux ou trois mille ans à notre seul oeil physique, ce bijou de technologie cosmique ?

Cohérence, incohérence, décohérence, où en sommes-nous ?

C'est à n'y plus rien comprendre !

Sous le diktat de notre seul regard, ce monde jusqu'alors invisible, en proie à une perpétuelle agitation, chaotique dirions-nous, devient soudain cohérent, ordonné : ses éléments fébriles "décident" alors, bien "sagement", d'être ici ou là, et non plus ici et là, de se déplacer de manière identifiable et non selon l'improbable trajectoire d'une onde de "probabilité de présence" ...

Bref, une fois réglé comme il convient sur notre manière de voir les choses, on peut enfin juger sur pièces !

Cette soudaine métamorphose d'un monde surpris en état d'incohérence, les physiciens la nomme : décohérence !

C'est donc que ce qui pour nous est une forme de chaos, est pour eux une cohérence !

Va comprendre Charles !

On sait désormais, ou l'on devrait savoir, si nous ne passions pas notre temps à dénigrer les autres, que l'on ne perçoit qu'une toute petite partie de la lumière, ainsi en est-il également des sons, ne parlons pas de ces particules qui nous traversent en permanence, sans laisser la moindre carte de visite, du moins c'est ce que l'on croit ! ...

De cette "infirmité" récemment mise à jour, dans le sillage de ceux qui culpabilisèrent nos anciens chaque dimanche, sans s'accorder aucun repos, nous avons facilement admis n'être que "poussières  d'étoiles "...

En attendant mieux, mes amis, mettons soigneusement ce constat sous le tapis, de peur qu'un petit malin issu de la simulation qui nous mit en scène, n'invente l'aspirateur idoine !...

Personne jamais ne s'interroge sur l'accident qui causa cette infirmité, ni sur ce que nous voyions et entendions exactement lorsque nous nous déplacions sans l'aide de notre corps, ou l'accompagnant à juste distance, avant d'être asservis à ses seules possibilités, fusent-elles immenses, réduits aux possibilités du monde sensible ! ... 

"Il était dans tous ses états !"

Décidément, le langage est facétieux, car, que signifie désormais cette expression qui indique un pluriel, une superposition, si ce n'est que le quidam en question était dans un état anormal, soit, mais dans un seul, avant de "revenir à lui", comme on a l'habitude de dire ?

Il y a donc contradiction entre cette expression devenue populaire et la scène qu'elle entend décrire !

Avant de conclure que le langage est totalement déconnecté de la réalité, il conviendrait peut-être de nous interroger sur ce que nos ancêtres "voyaient" à l'époque où fut forgée cette expression ! ...

Ainsi, lorsque nous disons : "Il était hors de lui !", soit nous acceptons de décrire une situation en contradiction totale avec nos actuelles représentations, soit nous nous en foutons, ce qui est plus courant il est vrai, soit nous nous demandons si cette expression était fondée pour un psychisme qui fut le nôtre mais dont nous n'avons plus souvenir !

Alors, pour faire bon poids auprès de ceux qui diront que je suis "à la masse", il y a cette expression qui, pour être commune, n'en est pas moins étrange : " Je réfléchis !" 

Qui, en écartant provisoirement l'impatient, ne s'est jamais donné un peu de temps au moyen de ce mot pour le moins polysémique ? ...

Mais, pour qui voudrait faire l'effort de réfléchir à ce que l'on dit, la récompense pourrait se révéler amère, en d'autres termes, est-ce à dire que je ne suis qu'un simple miroir, et, si c'est bien le cas, de qui, de quoi ?

Fort heureusement, nous sommes nés au pays de Descartes qui, au bout du bout du doute, s'appropria la pensée, au nom de tous les siens, prêts à fermer nos yeux complices sur ce qui n'est, somme toute, qu'un larcin obligé !

Alors, puisqu'aussi bien nous sommes tous d'accord, ne serait-il qu'un "Jean-foutre", cet illustre inconnu qui osa prononcer cette parole sacrilège, contestant contre vents et marées la propriété chèrement acquise du "je" : "Cà pense en moi !" osa-t-il dire ce retardataire, cet empêcheur de voler en rond  !... 

Epilogue 

Depuis qu'elle s'est ouverte à ceux qui désiraient entrer, La Porte des Lions insiste sur ce qu'ont vu en esprit "les antiques", par atavisme longtemps ou, pour ceux qui sont plus proches de nous dans le temps, à l'issue d'une périlleuse initiation !

Ainsi de l'énigmatique "Identité du chemin droit et du chemin courbe" chez Héraclite, qui illustre la trajectoire de la Lune en relativité générale, ainsi du principe d'indétermination d'Heisenberg que l'on n'aura pas trop de peine à retrouver chez Anaximandre, et la liste n'est pas close !

Ainsi de ces couples d'opposés qui jaillissent de la mer de Dirac, cette nouvelle appellation de l'apeiron d'Anaximandre !

Encore faudrait-il ajouter, mais sommes-nous bien prêts à entendre la vérité, le véritable discours de Démocrite sur l'atome qui n'avait vraiment rien de matérialiste, avant qu'Aristote, ce faussaire de génie, longtemps insoupçonnable, père occulte de l'Eglise, ne le falsifie en loucedé, pour mieux le combattre ! ¹

Ceci, non pour souligner les lacunes de notre mémoire sélective, ce tonneau des Danaïdes, ce qui ne serait pas un scoop, mais pour mesurer l'écart entre un savoir infus qui ne se sait pas lui-même, et notre actuelle recherche, tour à tour rayonnante, tâtonnante, cérébralisante ! ...

C'est précisement dans cet écart tragique que se joue notre liberté !

1 Voir à ce sujet les travaux décisifs de Heinz Wismann, philosophe et philologue distingué mais pas reconnu pour autant, qui, par leur assourdissant manque de retentissement, prouvent à quel point nous sommes englués dans nos croyances, tandis que l'Ecole, dont le pignon sur rue s'effrite lentement, entretient l'omerta sur tout ce qui pourrait la remettre en cause ! ... 

La vérité, c'est que Démocrite, le visionnaire, l'oriental, ne dit rien de très différent de ce que révèle le Rig-Veda : "Le non être n'est pas moins que l'être !"

Mais l'Occident a préféré Parménide, plus facile à comprendre, en ce qu'il implique un choix, libres enfin de l'indétermination natale ! ...