L'Occident, cet enfant rebelle de l'Orient ! ...
Bien que rongé de l'intérieur, assailli de toute part, l'Occident, n'en déplaise à certains empressés, ne disparaîtra pas demain !
Pour autant, le temps ne serait-il pas venu de relativiser cette fantastique aventure, de prendre conscience de ce qu'elle a d'anormal, d'atypique, de "surgissant", au regard du temps long de l'évolution ?
Il nous faut donc contextualiser, rechercher ce qu'il y avait de nécessaire dans cette civilisation, hier encore donneuse de leçons, devenue clivante, qui certes, suscite ici et là encore beaucoup d'envie, mais déclenche tout à la fois le mimétisme des uns et le rejet violent des autres !
Les causes de ce rejet sont multiples, mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est ce sentiment trouble de ceux pour lesquels nous faisons figure d'exilés !
L'exil occidental !
Cette expression qui semble nous convenir comme un gant, ne nous était pas initialement destinée, mais désignait plutôt aux futurs initiés du soufisme, fidèles au maître d'Aristote, un état psychique déviant, l'intrication délétère de l'âme et du corps, l'oubli en cette circonstance qui s'installa subrepticement au fil des générations, de notre origine céleste, faute majeure que désignait initialement en Occident, il faut y insister, le "péché originel", avant d'être exploité de la manière éhontée que l'on sait par les prédicateurs de l'enfer, et autres détraqués sexuels bien en chaire ! ...
Mais, là-bas comme ici, aujourd'hui comme hier, c'est un peu et toujours la même histoire dont jamais l'Histoire ne nous parle : le combat contre soi-même, intérieur, intériorisé, élitiste, pour peu que l'on sache le dévoyer, est une aubaine pour les hommes avides de pouvoir, à qui il suffira donc de le transformer en combat extérieur, superficiel, gourmand d'adversaires nécessairement porteurs de signes victimaires ...
Naturellement, à l'évocation de ce dévoiement tragique, notre regard se porte vers les pays du sud et de l'est de la Méditerranée, oubliant volontiers au passage que certains de nos papes ont opéré la même falsification pour lancer les croisades ! ...
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Ainsi ils furent nombreux à utiliser ce tour de passe-passe, cette facilité sanglante, portant le combat vers des adversaires plus faciles à nommer que celui qui les ronge, allégés enfin du fardeau du jihad intériorisé ou, naguère en Occident, de la périlleuse initiation ...
En cette foulée légère, ils menacent notre manière d'être au monde, remettant frontalement en cause "nos valeurs", incantation misérable, chevrotante, il est vrai, cache sexe de notre décadence qui ne nous évitera pas l'orage qui gronde à l'horizon ! ...
Encore que, désormais, comme l'observait si justement Henri Corbin, cet homme utile à son époque et bien plus encore à celle qui s'annonce, beaucoup de natifs de l'orient géographique, n'ont d'autre rêve que de nous copier, de nous rejoindre en cette fuite en avant ...
Tous n'auront pas accès, c'est une évidence, et la violence des "empêchés", des humiliés, habilement exploitée par ces hommes de pouvoir si semblables aux nôtres, dessine un avenir compliqué pour l'Occident !
Le monde virtuel, ce monde où tout est permis !
Mais l'Occident, pressé comme toujours d'en découdre ou, à l'occasion, de se déconstruire, n'avait pas attendu cette menace pour s'auto-dissoudre dans ce que son subconscient appelle faussement "les écrans", en ce sens qu'ils ne prennent même pas la peine de "faire écran" à la violence addictive, prédictive, normalisée, des jeux vidéo, à la corrosive pornographie, jamais citées dans ses analyses sélectives, superficielles, hypocrites, indulgentes pour tout ce qui dégage du profit, sous le couvert fallacieux de la liberté !
Eh bien, il s'agit d'un happening, car si, bien souvent, les exilés ressentent une profonde nostalgie de leur patrie d'origine, ce n'est étrangement pas le cas de l'Occident !
Bien au contraire, ce surgeon de l'espèce humaine, cet insolent, ce fils prodigue, non seulement ne ressent pas le besoin de revenir au pays, mais, bien au contraire, dans son aveuglement, n'entend-il pas toujours et encore donner des leçons à ce qui fut lui avant d'être ce qu'il est devenu, comme à l'époque "bénie" des colonies, à ceux qui, jamais plus, ne poseront leur cul sur les bancs de son école ...
3, 2, 1, 0 : le compte à rebours est lancé pour l'Occident !
Ces chiffres ô combien symboliques, accompagnent notre exil psychique près de trois fois millénaire, prédisent cette ignorance crasse que nous avons désormais de nous-mêmes, de notre véritable origine, cet obscurcissement de notre conscience dont l'apothéose, si l'on peut dire, eut lieu à la fin du XIXème, le siècle qui avait tout compris ! ...
Témoin d'un passé en instance de disparaître, Saul de Tarse, principal héraut du christianisme en Occident, rebaptisé Paul, initié aux mystères grecs comme à ceux des pharisiens, puis, "inexplicablement", à celui du Christ à l'entrée de Damas, nous savait encore tripartite, sous les espèces du Corps, de l'Ame et de l'Esprit !
Mais ce savoir universel, primordial, ne résista pas bien longtemps à l'ignorance savante des théologiens à venir, amateurs de pouvoir, de sa cohorte d'anathèmes, d'exécrations, réunis sous la férule de guerriers avisés, lors de ces conciles si peu conciliants !...
L'infection aristotélicienne avait en effet, entretemps, envahi les "beaux esprits", nous réduisant à une dualité entre le corps et l'âme, à ce mélange inextricable et délétère dont les prédicateurs hystériques de Rome, platoniciens pour la circonstance, feront leur miel pendant des siècles ...
Désormais, les choses sont plus simples, seul le corps existe ! Pour un temps au moins ! ...
Quant à l'âme et à l'esprit, il semblerait bien que ces vieilles lunes n'aient finalement pas eu l'intelligence de survivre à ce support si peu fiable !
Voilà où nous en sommes, le point zéro est désormais en vue, porteur du grand reset !
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"Infection", rapporté au "maître de ceux qui savent", comme il fut dit par un moyen âge obséquieux, servile, en panne d'imagination, le terme semblera à certains inutilement violent, militant, déplacé, outrancié !
Tout compte fait, il me semble pourtant pertinent, car, habituellement affecté à notre corps, il reste étrangement opérationnel pour ce qui concerne nos représentations !
Qui plus est, comme celle qui s'immisce clandestinement, à intervalles plus ou moins réguliers, dans nos organismes, ambivalente et silencieuse, cette infection idéelle comporte des effets délètères, c'est indubitable, mais aussi, c'est moins connu, positifs ! ...
Pour le dire autrement, l'infection entretient un rapport incestueux avec l'évolution !
"Judeo-chrétien", l'Occident serait judeo-chrétien, dit le kéké approximatif, lors des dîners en ville ou sur les plateaux de télévision, il en a plein la bouche et manque de s'étouffer au passage de ce concept mal digéré !
Mais entre nous, la naissance de l'Occident est-elle datée, inscrite une fois pour toutes au grand registre d'état civil de l'Humanité, ou résulte-t-elle d'une suite de métamorphoses inscrites dans des registres qui nous sont désormais interdits ?
Les deux mon capitaine ! ...
Car si les métamorphoses peuvent prendre du temps, parfois celui-ci ne prend plus son temps, au point que le papillon n'a plus souvenir de la chenille laborieuse ...
La principale métamorphose est relativement bien documentée en Grèce, dans l'intervalle qui sépare la Guerre de Troie et celle des idées, l'Orient et l'Occident, trouvant son achèvement dans la victoire provisoirement sans appel d'Aristote, héraut du dicktat du monde sensible accompagné de sa progéniture : le "bon sens" ! ...
Mais à nouveau, malgré quelques ratés, en témoigne le trou d'air de quelque trois siècles entre Galilée et la physique quantique, le temps s'accélère, remettant définitivement à sa juste place cette nécessaire imposture !
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Je pense que ...
Combien de fois dans une vie, aurons-nous ainsi annoncé de manière péremptoire, fallacieuse, automatique, une pensée qui n'est pas nôtre ?
Il est vrai que ce "je", cartésien, impérial, inexpugnable, nous dispense de rendre des comptes à ceux qui, de toute façon, ne sont plus là pour nous en demander !
Pour le dire autrement, sommes-nous bien sûrs d'être les initiateurs de nos représentations, et, si c'était bien le cas, pourquoi sont-elles si peu originales, si semblables à celles de nombre de nos contemporains, dès lors qu'il s'agit des questions existentielles ?
Mais plus encore, pourquoi varient-elles, changent-elles brutalement de direction au rythme des époques, sans raison apparente, étrangement unanimes, tel un banc de poissons au fond des mers ou un vol d'étourneaux au firmament ?
Désormais, sur les questions devenues confidentielles comme celle de "la vie avant la vie", ou bien tabou, douloureuse, de "la vie après la mort", nous avons majoritairement tranché !
Sur la forme, dès lors qu'il s'agit d'éviter à tout prix ces sujets "inutiles", ces questions sans réponse, propres à révéler notre nudité, notre indigence ! ... sur le fond, pour avouer, mais alors sous la torture, que notre curseur est fébrile, indécis, hésitant entre le néant, le doute et l'espoir !
Alors vint Aristote, et l'Occident fut! ...
Nous ne sommes pas tous philosophes, loin s'en faut, encore qu'il nous arrive bien souvent de renoncer à la violence, ce qui vaut bien des années d'études, pour autant, nos représentations doivent énormément à celles que le stagirite imposa, en rupture totale avec son maître Platon, et à travers lui, avec tout ce que l'Orient mystérieux avait apporté à l'évolution de l'humanité !
Les exemples sont nombreux, mais nous nous contenterons de ce qui n'a pas pris une ride, malgré cet intervalle délétère de plus de deux millénaires ...
Nous développerons ultérieurement, mais commençons, si vous le voulez bien, par un inventaire à la Prévert où chacun retrouvera ses petits dans le fouillis des concepts qui ont la peau dure : oubli du monde suprasensible, oubli de notre origine, oubli de nos vies d'avant, suppositions quant à la possibilité d'une vie d'après, absoluité de la vérité expérimentale, primauté du "bon sens", cette nouvelle ordalie jamais mise à l'épreuve des expériences de pensée et désormais, du savoir quantique ! ...
Aristote, le maître de ceux qui prient !
Avec Dante, le moyen âge servile avait fait de lui "le maître de ceux qui savent !"
Avec le recul, il convient d'élargir cette emprise à l'Eglise romaine, en quête d'une lecture rationnelle d'un mystère dont elle ne savait déjà plus quoi penser ...
Ainsi, ce collectionneur de coquillages décida-t-il que notre regard devait se détourner des archétypes platoniciens, alors qu'il y avait tant à faire au spectacle chatoyant du multiple, à ses énigmes que la logique pourrait résoudre !
Le mythe fondateur d'Europe s'effaçait, faisait définitivement place à la fiction d'un Homme qui pourrait s'assurer du mystère du monde par sa seule intelligence !