Dieu est ma représentation ! ...

Jadis cette saillie eut été qualifiée de blasphème, mais, puisque nous en avons désormais la liberté, il nous faut tenter de comprendre ! 

Ce qui ne signifie aucunement, n'en déplaise à certains, que Dieu "n'existe" pas, mais qu'il se présente à chacun de nous, et si telle est notre volonté, de la manière qui nous convient !

Du haut de leurs expériences pour le moins contrastées, les mystiques d'Orient et d'Occident ne contrediront pas cette correction apportée aux définitions péremptoires des différentes religions ...

Il conviendrait aussi de nous interroger sur ce que veut dire "exister" dès lors qu'il s'agit de ce "tout autre"que nous avons l'habitude de nommer Dieu ...

Voilà pour le fond !

Pour la forme, les puristes ne m'en voudront pas de ce détournement du constat d'échec établi par Schopenhauer 1, lui même s'étant problablement inspiré de Protagoras pour caractériser son rapport douloureux et insatisfait à ce monde qui se refusait à lui !

Ceci étant précisé, et pour le sujet qui nous occupe, j'ai aimé Maïmonide, lorsque, bienveillant, non anachronique, non dogmatique, il pensa le temps venu de dédouaner Moïse de sa présentation, disons "adaptée", accessible, opportuniste ... d'un Dieu jaloux, colérique, rétributeur, anthropomorphique en somme, afin que ses congénères détournent progressivement le regard de leurs idoles ...

Step by step ! ... en ce temps-là, celui du Dieu ineffable n'était pas venu, et apparemment, il ne l'est toujours pas pour nombre d'entre nous !

Pourquoi, me rétorquerez-vous, devrions-nous accepter ce que nous ne pouvons pas comprendre vraiment ?

Et d'ajouter : la science n'a-t-elle pas promis, urbi et orbi, cochon qui s'en dédit, qu'elle saurait prochainement combler ce manque ? ...

Pour en revenir à mon détournement du constat amer de notre déçu de la vie, osons affirmer que nos représentations, nos pensées en quelque sorte, n'en déplaise à Descartes, ne nous appartiennent pas !

Nous ne sommes que des réflecteurs, en témoigne cette étrange réflexion de celui que l'on dérange dans ses pensées : " une seconde, je réfléchis!".

En la circonstance, nous avons oublié le sens originel du mot ! 2

N'en déplaise aux intégristes de tous poils, la représentation de Dieu a beaucoup varié dans le temps et dans l'espace, entraînant souvent de terribles conflits, alors que nous ne manquons pas par ailleurs de prétextes pour nous entretuer !

Dans un premier temps, nous examinerons quelques cas qui ont valu à leur auteur le bannissement, voire une mort violente ...

Dans un second temps, nous nous attarderons à ce que l'on peut déduire de tout ce qui fut rapporté de certaines rencontres, fortuites ou recherchées, dites "mystiques", et plus encore sur ce qui fut compris du mystère de la résurrection du Christ, qui pour finir, le rendit incompréhensible ! ...

C'est de l'Orient géographique, mais plus encore spirituel (celui-ci ne recouvrant plus celui-là, loin s'en faut, comme disait le merveilleux Henri Corbin), que nous vint récemment un éclairage sur cet évènement plus important pour Gaïa que le geste cosmique et libérateur de Cronos !

Pour nous accompagner sur cette voie initiatique, cet homme utile à notre temps a forgé le mot "imaginal" pour désigner ce monde qui n'a rien d'imaginaire, ce monde de la résurrection, ce lieu non physique où l'esprit se donne à voir dans l'étendue, comme Descartes n'aurait su l'imaginer ...

*

Tout bien considéré, le Dieu de Spinoza était anthropomorphique !

Ennemis des paradoxes, enfants de l'Ecole et des idées reçues, ne perdez pas votre temps, passez votre chemin ! ...

Avant d'en arriver à cette découverte dérangeante, à ce qui se cachait au fond du tiroir, essayons de comprendre en quoi cet homme du XVIIème siècle, qui donc n'aurait su envisager aucune problématique, aucun mystère, sans l'aide des mathématiques, de la logique, a propulsé l'Occident dans la phase finale de son exil, l'a dépouillé de ses guides, sans trop de mal il est vrai, de ses croyances, de ses addictions à la culpabilité, à la souffrance, à tout ce qui n'est fondamentalement pas nous, en un mot, à cette servitude que d'aucuns nomment "ici et maintenant" et qu'un autre avait décrit par ce constat d'une certaine forme d'incapacité : " Yo soy yo y mi circunstancia !".

Pour un parachutiste, le point de non retour, c'est la portière !

Pour l'Occident, ce fut Spinoza !

Lui qui prétendait savoir de quoi il retournait, nous a jetés dans ce grand vide qui appelle ce vertige que certains appelent le doute et d'autres l'agnosticisme !

C'est en cela qu'il a détruit le père, le gars René, quand bien même ce ne fut pas aperçu, car il ne suffit pas de penser pour apaiser notre angoisse existentielle !

Pour en revenir à notre moniteur, quand je dis "Il nous a jetés", je parle de tous ceux qui se croient intelligents par le simple fait de l'avoir lu, qui voient des cons partout sauf dans leur miroir ! ...

Projeté dans ce vide, tout chuteur, avant d'être opérationnel, sait que l'urgence est de stabiliser la chute, sous peine de rencontrer de gros pépins !

Conscient de la difficulté du stage, le moniteur préconise à chacun, non pas de trouver sa chacune, mais, ce qui n'est pas très différent, de retrouver ce qu'il est vraiment, ce pour quoi il est fait ! 

D'exhumer ce qui en lui ne correspond à aucune détermination extérieure, familiale, culturelle, sociétale, mais reste à identifier, avant, idiots que nous sommes, de l'emporter dans la mort ...

Voilà la véritable liberté pour Baruch, car, dites-moi, dans la chute, où est votre libre-arbitre, que pèse-t-il en face de l'implacable gravité que ne compense pas la résistance de l'air ?

Lorsque vous decidez "d'ouvrir", dans les deux sens du terme, vous êtes enfin libre, à tout le moins de vivre un peu plus encore ! ...

Au lieu de se livrer à leur sport favori, l'exécration, les rédacteurs abjects du bannissement de Spinoza, auraient pu lui faire malicieusement remarquer que l'aboutissement de son éthique était contenu dans la parole de Dieu à Abram : "Va vers toi!".

Epilogue :

Si Spinoza avait poussé sa logique jusqu'au bout, après sa juste critique de la clique de la "calotte et du bâton", il aurait libéré sa réflexion du dogme romain selon lequel nous n'avons qu'une seule vie !

Ainsi la question épineuse du libre arbitre, de la liberté, pourrait se régler à l'aune d'une autre logique, celle qui veut que tout ce qui nous arrive, que l'on attribue au hasard, à la malchance, c'est nous qui en avons décidé au seuil de notre vie et le décidons encore ! ...

Mais le karma de Baruch était de s'incarner dans une époque obscurantiste !

*

Maintenant, pour en revenir à l'aspect paradoxalement anthropomorphique du dieu de Spinoza !

L'Esprit du temps en ce XVIIème siècle, c'est la logique, la géométrie !

Galilée, Descartes, Pascal, Newton ... Spinoza ne fait pas exception ! ... par contre, ce n'est pas à la nature qu'il va imposer la rigueur des mathématiques mais à Dieu, ce qui au final revint au même dans sa manière de voir les choses ...

Le raisonnement est simple : ce dieu qui nous ressemble n'est pas dieu, précisément parcequ'il nous ressemble !

Pour ne prendre qu'un exemple de son analyse "inquisitoriale" : le désir résulte d'un manque, et le dieu de Spinoza ne manque de rien, ou alors il est un imposteur !

Nous savons que Spinoza avait lu Maïmonide, mais la logique de ce dieu qui, très logiquement, s'accommode de l'état psychique de l'Homme pour la manière dont il se présente à lui, il n'en veut pas, car la logique est une démarche spécifiquement humaine, c'est logique !

Que Jésus, sachant ce qu'il en est de l'évolution, se soit adressé, beaucoup plus tard que Moïse, aux siens au moyen de paraboles et non de concepts, peu lui chaut !

Le principe de précaution !

Pour que personne ne puisse se réclamer de ce dieu corvéable à merci, en vue d'établir un pouvoir malsain sur le vulgaire, il va en faire une "substance" qui, non seulement, ne nous voulait pas, ne nous désirait pas, mais n'attend rien de nous, c'est logique !


La suite dans les tout prochains jours ...


 Il avait proclamé en une formule ramassée ce qui couvait depuis des siècles  : "Le monde est ma représentation !".  S'était-il inspiré de Maïmonide ? ... de Kant ? ... des nominalistes ? ... ou alors avait-il sciemment aménagé la sentence de Protagoras "L'Homme est la mesure de toute chose ...", afin de ne pas avoir à payer des droits d'auteur ? ...

2 Bien que souvent malmenés, impermanents dans leur signification, polysémiques en un mot, les mots qui nous précèdent et nous survivront, vraisemblablement interloqués par notre saccage inconsidéré, sont sacrés, et mériteraient, eux aussi, une herméneutique qui permettrait de déceler ce qu'ils savent sans toujours le dire!

Je corrige ce texte alors que notre ami Bernard Pivot vient de naître au ciel, comme disent si joliment  les orthodoxes ! Voilà un autre homme utile à son temps !



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