Abimélech et Epiménide, ces voyageurs temporels d'un "autre temps" !
Tout d'abord, Abimélech et Epiménide, étaient-ils des copiés-collés ?
Car pour l'Occident, le passé n'a pas d'existence propre, écran servile de nos projections, obscur prélude à l'irruption de la raison, il ne saurait dissimuler un tout autre psychisme, une richesse bien supérieure dans son approche des mystères du monde, alors qu'à l'évidence, il ne peut revendiquer qu'une moindre intelligence !
On peut même se demander pourquoi l'on s'en préoccupe encore, si ce n'est pour nous mettre en valeur devant le public muet d'admiration de nos miroirs attentifs !
Ainsi, la tentation est forte de jumeler ces "extra-terrestres", en raison de ce sommeil étrange qui fit d'eux les premiers voyageurs temporels dont il nous reste quelques souvenirs, pour le moins exotiques, il faut bien le dire ! ...
Légendes, "contes pour nourrice" aurait pu dire Platon, qui pourtant ne se priva pas de ce genre, pour mieux se faire comprendre de ceux qui, à nos yeux, ont désormais mauvais genre ! ...
Toujours est-il, qu'à leur seule évocation, nous haussons les épaules, esquissons un sourire entendu, incapables de pressentir la profonde vérité que ces récits habillaient de merveilleux ...
Quelque chose toutefois a récemment changé, qui pourrait nous inciter à un peu plus de respect, à tout le moins de circonspection, et cette déflagration qui se fit entendre à bas bruit, c'est la relativité restreinte, la si mal nommée, qui ouvre des perspectives immenses, jusqu'alors insoupconnées ! ...
Comme celle-ci nous y autorise, faisons, si vous le voulez bien, un bond dans le temps de près de trois millénaires, à l'aide de la moderne allégorie "des deux jumeaux", mise à l'encan par le dénommé Paul Langevin, physicien, épistémologue célèbre du début du XXème siècle ...
Monsieur Paul s'était-il incarné dans le bon timing ? ... toujours est-il qu'il sembla empêtré dans la bouleversante complexité de la "relativité restreinte" qui ne manifestait pas la moindre compassion pour la représentation du temps qu'avaient les hommes de ce temps ...
En deux mots, et sans entrer dans son paradoxe n'ayant d'autre fonction que de tenter de digérer l'indigeste plat servi par Einstein aux dévots d'un temps linéaire et absolu, d'un temps "psychologique", il fit part aux déboussolés d'une expérience de pensée dont n'oserait toujours pas rêver SpaceX !
Jugez-en plutôt : l'un des deux jumeaux part en fusée à la vitesse de la lumière, tandis que l'autre reste là, interdit, abasourdi par cette inenvisageable vitesse de libération, cloué au plancher des vaches, alors que lui-même, ceci étant dit, se déplace, sans qu'il le sache, "la vitesse est comme rien! ", à la vitesse vertigineuse de Gaïa autour de son axe, mais pour autant infime, "relative" dirons-nous, par rapport à celle de l'embarqué ...
Mais ne complexifions pas plus que nécessaire !
Conclusion didactique de l'empêtré : lorsque le voyageur céleste revient sur Terre, les deux jumeaux ont tout intérêt à se souvenir du bon vieux temps passé ensemble afin de pouvoir communiquer, car le voyageur terrestre a vieilli "beaucoup plus vite" que son très ancien colocataire in utéro, et ce, de plusieurs dizaines d'années ! ...
Dès lors que nous pouvons désormais envisager que le temps ne s'écoule pas au même rythme selon les référentiels, plus particulièrement dans ce mystère du sommeil d'Abimélech et d'Epiménide qui nous occupe, nous sommes autorisés à reconsidérer le message que ces "légendes" tentaient en vain de transmettre à nos représentations engourdies, par delà les millénaires !
Question : à quelle vitesse l'âme se libère du corps lors d'une "sortie de corps" ou, comme, il est désormais quotidien, lors de cette petite mort que nous nommons "sommeil profond" ?
Ainsi, pour nous désormais, le seul référentiel "galiléen" est notre corps, emporté, certes, au rythme effréné mais constant de la rotation de Gaïa autour de son axe, auquel nous ajoutons pour la forme, quelques pas plus ou moins empressés, voire, depuis peu, quelque "molle" accélération avec la complicité des énergies fossiles, réduits que nous sommes, depuis près de trois millénaires, à cette prison de chair, à ce référentiel, dans lequel se joue notre liberté !
Certes, la relativité nous a permis ce réglage fin et constant du GPS qui nous évite de nous enfoncer dans une impasse ou de continuer tout droit en direction de la falaise !
Qui le sait ? Tout nous est dû ! Finalement ce monde nous ennuie ! La possibilité d'une vie ailleurs, du voyage temporel, voilà qui peut éventuellement nous transporter vers la recherche scientifique, fut-elle bredouille, ou dans les salles obscures !
*
La relativité du temps ! ... Sur La Porte des Lions, nous entendons nous servir de cette nouvelle ouverture d'esprit pour revisiter ces textes anciens, ces "légendes", comme nous disons quand nous voulons nous débarasser de ce qu'elles ont d'étrange !...
En effet, le temps semble enfin venu de les arracher aux griffes de notre occidental mépris, de notre condescendance, et pour tout dire de notre obscurantisme !
Aussi, afin de ne pas alourdir notre propos, nous n'exhumerons ici que quelques signes dont, depuis belle lurette, nous avons oublié l'importance et la signification, et qui permettent de lire autrement cette histoire d'avant l'histoire, qui n'était à l'époque, il est vrai, pas destinée au grand public ! ...1
Parmi ces signes qui ne nous disent plus rien, nous trouvons plus particulièrement la figue, nous trouvons la grotte !
Dans la légende d'Abimélech, ces signes sont étrangement dispersés dans un récit qui, pour être fantastique, n'en est pas moins cohérent ! 1
Etait-ce volontairement, comme ce fut le cas encore beaucoup plus tard ? 2
En effet, ces récits longtemps transmis oralement, confidentiels, désormais à la disposition de tous sous forme écrite, étaient réservés à l'initiation ou à l'édification des mystes, et, un peu plus tard, des élèves de certaines écoles philosophiques...
Le passage nécessaire d'une transmission moins maîtrisée, fut douloureux, aussi bien en Grèce qu'en Inde, et ne se fit pas sans que d'intenses débats ne s'installent autour de vives réticences ...
Platon lui-même, roi de l'écrit et des dialogues destinés au psychisme des hommes à venir, réservait certains enseignements à l'oralité !
Mais l'évolution rapide des représentations exigeait qu'on laisse une trace de l'enseignement des mystères, à ceux à venir dont la relation au monde s'annonçait plus froide, moins imagée, plus intériorisée, en un mot : conceptuelle...
Nous n'avons donc pas inventé cette bouteille à la mer que nous nommons "capsule temporelle" ...
Simplement, nous n'y mettons pas les mêmes choses !
"Dispersion" des signes dans la légende d'Abimélech : à la figue, si caractéristique de ces temps enfuis, désormais mutique, s'ajoutent : le tombeau, le mystère d'une mort et résurrection en l'espace de trois jours, l'aigle, la torpeur, la montagne, le rêve ...
Essayons de reconstituer le puzzle, aux fins de retrouver l'étrange commerce des hommes de cette époque avec le monde spirituel !
*
Gautama est devenu bouddha, c'est-à-dire éveillé, "sous le figuier", quand, quelques siècles plus tard, le Christ, par la bouche d'un galiléen nommé Jésus, prédit que cet arbre ne portera plus de fruits !
En dépit de toute raison, car précisément, l'évangile le précise sans autre commentaire : ce n'était pas alors la saison ! ...
Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Que s'est-il passé entre ces deux dates, finalement assez proches, au regard de la longue durée de notre évolution psychique ?
On dit actuellement beaucoup de choses sur le figuier, mais ce que l'on ne dit plus et qui fut l'objet de l'enseignement de Krishna à son élève Arjuna, aveugle déjà aux mystères de la matrice 3, c'est qu'il représente, du point de vue de la physiologie occulte, la structure immatérielle de l'Homme, avec ces racines qui tombent symboliquement du ciel, comme c'est le cas du figuier de l'Inde ...
La clairvoyance, la possibilité de "se rendre présent au passé", comme disait ce merveilleux Jean-Pierre Vernant, s'estompa tout au long du dernier millénaire avant J.C., obligeant, pour ne prendre qu'un exemple, un aède comme Homère, à des entraînements éreintants dans des chambres basses et obscures, à l'apprentissage de la mémoire rythmique, aux techniques de la transe, ayant pour but de rendre inopérante la vision sensible...
Les signes dispersés dans la légende d'Abimélech, renvoient au rite initiatique de la mise au tombeau du myste coopté, qui couronnait de longues années d'épreuves, de purification, d'ascèse, au cours duquel, pendant trois jours, l'âme était artificiellement libérée du corps, conservé en état cataleptique, et pouvait ainsi retrouver ce "commerce" avec le monde spirituel ...
Ce que l'on appela par la suite "la mort dans le temple" était pratiquée à l'origine dans une grotte !
1 Vous pourrez retrouver facilement la trame complète du récit "fantastique" du prophète Jérémie, sur OpenEdition Books intitulée : Abimélech : le singulier dormant des "Paralipomènes de Jérémie le Prophète" de Jean Riaud, aux Presses universitaires de Perpignan; et sur Google, pour ce qui concerne Epiménide le Crétois ...