Le crépuscule des dieux ventriloques !

Deux antiques épopées, magistrales, inspirées, poétiques, épargnées par la mystérieuse sagesse du temps, ne résistèrent pourtant pas bien longtemps à nos sarcasmes, avant d'être oubliées !

Il est vrai que quelques uns, parmi les plus policés d'entre nous, s'y attellent depuis quelque deux siècles, afin d'en retirer la substantifique moelle, à moins qu'il ne s'agisse de les presser comme un vulgaire citron ...

Vraisemblablement pétris de bonnes intentions, dotés d'une érudition certaine, mais en proie au mal de la modernité, la nombriliste décomplexée, la grande unilatérale, à ce curieux mélange donc d'anachronismes, d'ignorance et de condescendance !

Pourtant, le pire était à venir !

Et il est là, c'est notre présent, aux mains de philologues déconstructeurs, obsédés, peut-être pour plaire au maître, par le meurtre de nos pères, de tous les pères, de tout ce qui dépasse notre entendement, veules, utilitaristes à tout crin, au service de la nouvelle mode du développement personnel ... 

Le Mahabharata fantastique et l'Iliade dramatique, lassés de nos postures pathétiques, de nos grossières tentatives de récupération, de notre utilitarisme dévoyé, attendent toujours notre respect véritable, notre gratitude pour cet éclairage d'un psychisme largement oublié, après avoir été méprisé !

*

En première lecture, amusés, renvoyés dans nos 22, nous ne tardons pas à conclure que les héros ne sont que des marionnettes entre les mains de tous ces dieux, libres comme l'air de notre actuel regard, sculpté par deux millénaires de monothéisme doctrinal ...

En effet, ne s'affrontent-il pas, ces dieux "humains trop humains", pour une raison ou pour une autre, et, plus particulièrment, quand une nouvelle époque entend remplacer la précédente !

Lové au sein même du Mahabharata, témoin de la fin d'un kalpa, le récit de la Bhagavad-Gita pointe un brutal et nécessaire changement du psychisme humain, insiste sur la douloureuse abolition de l'ancestrale et déresponsabilisante loi du sang, sur la disparition annoncée de cette structure sociale et mentale que nous appelons "tribu" ! ...

Si nous n'avions pas oublié ce qu'est l'âme en ses tribulations, nous devrions parler alors d'âme-groupe !

Entrée en scène des "moi je"!

Bien avant la Grèce antique de ceux qui soudain s'aperçurent "semblables", avant de devenir "égaux", ce chant divin annonce au monde l'arrivée prochaine à la surface de Gaïa d'un mutant nommé "individu"!

Si Jean-Pierre Vernant, humaniste non nombriliste, a bien décelé cette graduation évolutive qui mènera, de fil en aiguille ou plutôt de Charybde en Scylla, à l'actuel égoiste occidental obsédé par son développement personnel, l'enseignement primordial de la Bhagavad-Gita échappa complètement, sous l'angle anthropologique, aux exégètes occidentaux, utilitaristes avides de reconnaissance, pressés de livrer du prêt-à-penser aux neo yogis ...

C'est un autre saut évolutif que pointe Homère lorsqu'il accède, "présent au passé", porté par ces muses qui désormais nous amusent, au retour de la guerre de Troie ...

On peut donc observer qu'à l'issue des massacres qui mirent fin à une époque, de grands changements interviennent dans les représentations; c'est le cas notamment des premiers moments de l'Odyssée qui voient les hommes s'affranchir sans vergogne de la tutelle des dieux, pour des raisons diamétralement opposées : vaincus amers comme les Troyens, ou vainqueurs ingrats, comme les Grecs ...

Bien entendu, du haut de notre mépris bienveillant pour les mythes, nous en avons conclu que l'Homme prit soudain conscience de ce que ses dieux avaient d'anthropocentique !

Qui a jamais pris le temps d'expliquer les raisons de cette condescendance fondatrice de l'Occident, de cet aveuglement qui nous prive de la richesse des anciens ?

Qui pourrait enfin dénoncer cette lecture dite "moderne" des textes, après que quelques manipulateurs déguisés en théologiens aient vidé le cosmos des hiérarchies célestes, de leurs affrontements, de la guerre cosmique si pleine de sens de Michaël contre le dragon ?

Qui pourrait prendre conscience que si, massivement, nous avons abandonné l'église du dimanche, nos représentations restent pour autant infestées de ses lentes dérives ou de ses oublis volontaires ?

En ce début de XXIème siècle, les enquêtes en témoignent : seul survivant de la table rase orchestrée par des générations de théologiens athées, silencieux, attentif, discret, inavoué, nous reste l'ange gardien qui, pour avoir souci de chacun d'entre nous, ne saurait donner plus qu'il n'a reçu, être convoqué pour une explication de l'architecture du cosmos ou sur la question du mal ! ...




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