Et si la Genèse renaissait de ses cendres !
Avertissement.
Pour avoir été violemment controversé, puis répudié par nos représentations désormais avides de nouveauté, ce texte ne fait plus débat, si ce n'est entre ces "quelques uns" qui le suivent toujours à la lettre, et la masse de ceux qui le trouvent illisible !
Du moins, existait-il encore, car depuis lors, le brouhaha s'est estompé, l'Eglise romaine a rejoint ses pénates, les libres-penseurs, leur vulgate, et la foule, sur l'instant interloquée, préoccupée, s'en est retournée, désabusée, au marché ! ...
Le volet qui nous intéresse ici n’est pas celui, initial, de la création en 6 jours, qui à lui seul, avec le concours enthousiaste de notre ignorance (savamment entretenue, il est vrai!), entraîna la perte de crédibilité de tout ce qui s’ensuit !
Non, celui qui nous intrigue, c’est notre ancêtre, vous savez, celui qui aimait les pommes au point d'avoir "lâché la proie pour l’ombre !" …
Dans la fable de La Fontaine
dont il nous reste cette expression, c’est un chien qui se laisse ainsi abuser
par un mirage :
Le Chien qui lâche sa proie
pour l’ombre
Jean de La Fontaine
Chacun se
trompe ici-bas :
On voit courir après l’ombre
Tant de fous, qu’on n’en sait pas
La plupart du temps le nombre.
Au Chien dont parle Ésope il faut les renvoyer.
Ce Chien, voyant sa proie en l’eau représentée,
La quitta pour l’image, et pensa se noyer ;
La rivière devint tout d’un coup agitée.
À toute peine il regagna les bords,
Et n’eut ni l’ombre ni le corps.
On pourrait
presque se dispenser de tout ce qui va suivre, tellement cette fable émanant du
génie grec1 peut servir d’allégorie au récit de la Genèse.
A cette
différence près qu’une fois sorti de l’eau, s’être ébroué, le chien s’empressera
de retrouver la sécurité de son instinct, tandis que les descendants d’Adam que
nous sommes, pataugeons toujours dans le mystère d’un océan sans rivages,
orphelins d’une loi divine qui sut un jour se retirer pour nous laisser la
place !
Pour en revenir brièvement à la création en six jours qui, tel qu'on l'a défigurée, plombe
le récit de notre origine, alourdi lui-même de symboles devenus hermétiques, il conviendrait d’encourager les ricaneurs à se
remettre au travail, car, pour ne prendre qu'un exemple, ils
découvriraient que le Talmud réfuta avec raison l'interprétation parasite du "ex nihilo", faisant remarquer que préexistaient le vent et l’eau, et
possiblement le feu !
Quant à Origène, le trublion, la patate chaude entre les mains d’une Eglise déjà obsédée par le pouvoir, n’avait-il pas fait remarquer qu’il ne pouvait pas s’agir de "nos jours", le soleil qui les détermine n’apparaissant que le quatrième ?
Tout cela, à l'évidence, devenait trop compliqué,
et le premier barbare venu se faire baptiser n’étant pas exégète, on confisqua
les textes anciens comme les plus récents, dont seul le clergé pouvait arguer avec,
il est vrai, plus ou moins de bonheur, maîtrisant à l’envie la rhétorique du
malheur ! …
En attendant le "N'ayez pas peur!" de Jean Paul II, celui qui, d'une certaine manière, mais d'une certaine manière seulement, vint trop tard, advint Luther, enfant
du pamphlet et de l’imprimerie, afin que nul n'en ignore et se fasse son opinion, pourvu qu’il sache lire,
condition qui serait hautement discriminante aujourd’hui !
Puis, mutatis mutandis, vinrent
les scientistes, enfants naturels des ecclésiastiques qu’officiellement ils
abhorraient, s’empressant de copier leurs méthodes d’exclusion, leur étroitesse
de vue, sous l’empire desquels nous nous étions délestés prestement des jours cosmiques, des jours de
Brahma, des éons, des cycles, grands et petits, des récapitulations, entre les
mains de ces hindous qui n’avaient apparemment rien de mieux à faire que de
ressasser le passé ! …
*
Si, frustrés, consciemment ou
inconsciemment, par ce qu’il nous en fut dit, nous avons malgré tout gardé le
secret désir de comprendre, un nouvel élément pourrait nous permettre de
rouvrir le dossier ! …
Curieusement, ce nouvel élément attendait, nous attendait, accablé, silencieux, enseveli sous les décombres entassés de la pensée officielle, soucieuse, non de vérité, mais de sa respectabilité, jusqu’à ce qu’ont découvert nos chercheurs au cours des
dernières décennies, libres, en partie au moins, de toute influence ! 2
Il s’agit du drame, de la
métamorphose, que vécurent les Grecs, quelque part entre Homère et
Platon !
Ce drame, qui nous annonce plus
sûrement que Lucy 3, a une apparence : la tragédie, ce
joyau dont l’écrin tout de marbre apprivoisé miroitait au soleil couchant, et
une réalité : la métamorphose accélérée du psychisme de ceux qui venaient s’y purifier, se découvrir des sentiments, une singularité, et
pourquoi pas des pensées, toutes choses nouvelles pour des êtres qui
jusqu’alors ne s’appartenaient pas ! …
C’est à cette époque précisément que nous
troquâmes en catimini 2 notre antédiluvienne représentation
cyclique du temps et des phénomènes, pour une représentation linéaire, vectorielle, d’un
temps qui s’enfuit avec notre jeunesse, notre insouciance, voleur, volage, apparemment
peu soucieux de nous remplacer dans ce que nous avons d’unique ! …
Exit Homère, le temps cyclique et cette vision résignée, lancinante, contemplative, de ce monde désormais obsolète où l’individu n’a pas encore trouvé sa place :
« Telles les générations des feuilles,
telles celles des hommes. Les feuilles, il en est que le vent répand à terre,
mais la silve luxuriante en pousse d’autres, et survient la saison du
printemps ; de même les générations des hommes : l’une pousse l’autre
s’achève … »
Iliade VI.
Vous avez dit affaire classée ?
Pourquoi cet élément nouveau mis à jour par nos chercheurs,
décisif pour qui s’intéresse au mystère de la véritable origine de l’Homme, est-il
resté en jachère depuis lors ?
C’est multifactoriel, dit-on lorsqu'on veut noyer le poisson, mais plus sûrement, constatons que les milieux auto-autorisés pensent en
avoir fini avec l’opacité des millions d’années qui nous précèdent !
La bande dessinée qui voit le petit primate se redresser, le
temps de deux ou trois découvertes, pour finalement
venir se recourber devant son écran d’ordinateur, est imprimée dans le cerveau
de chacun d’entre nous, ainsi érigé au statut d’anthropologue distingué ! …
Depuis peu, ces vrais scientifiques que sont les
astrophysiciens, commencent à en rabattre devant ces insolites objets célestes pris
dans la lumière des phares de JWST, et qui n'ont pas le bon goût de s’accommoder de
nos extrapolations autosatisfaites, vraisemblablement trop terre-à-terre !
…
Il commence à se dire dans les laboratoires, que toutes ces constructions sont en réalité des extrapolations qui ne tiennent qu’en raison de notre conception d’un temps vectoriel, linéaire, stable, qui va son petit bonhomme de chemin sous la houlette de nos équations !...
Qu'il fut un temps où le temps n'était pas venu de ce temps, ne serait-il pas grand temps de nous en apercevoir ?
Il est vrai que, né sans tambours ni trompettes, mais avec l'individu, il est tout à la fois, le moteur et le résultat de cette époque qui nous intéresse ici ! ...
La vraie bombe que nous laissa Einstein, n’a pas éclaté à Hiroshima !
Sournoise, elle a, jusqu’à ce jour au moins, fait long
feu tant elle tarde à foutre le feu à notre ininflammable bon sens : le temps n’existe pas !
Qu’est-ce à dire ?
Il n’existe que dans notre perception !
Ce qui n'est pas faux, encore eut-il fallut ajouter que, comme la divinité, il ne se montre sous telle ou telle forme, qu'en fonction de l'état d'évolution de notre psychisme!
Prisonnier de son refus de la riche tradition qui le vit naître, Albert n’aurait su réfléchir à l’image déconcertante d’un dieu qui conçoit mille mondes et en détruit autant … Si, trop occupé par le mystère de la lumière physique, il ne s’en était remis à Spinoza pour savoir quoi penser de l’impensable.
Cette image non "morale" d’un dieu enfant qui
joue, n’aurait-elle pas été féconde, une fois exportée en astrophysique ?
Mais il avait, il est vrai, d’autres chats à fouetter, à commencer par celui de Schrödinger dont certains faisaient déjà tout un plat !
*
Une image pour tenter de comprendre ce texte que nous ne
comprenons plus !
Einstein, que personne n’aurait su mettre en équation, à
commencer par lui-même, a prédit, souvent à son corps défendant,
un certain nombre de phénomènes cosmiques qui se sont révélés réels et féconds par
la suite …
Ainsi en est-il des lentilles gravitationnelles, observées depuis
lors, et qui nous font remarquer, qu’entre une source de lumière et nous-mêmes,
souvent s’interpose un objet céleste qui, en raison de la courbure qu’il impose
à l’espace-temps, déforme le message initial …
Si nous ne savons plus rien de la véritable nature de la
lumière, et pas suffisamment de son rôle fondamental dans l’organisation du cosmos,
au moins lui restons-nous reconnaissants de nous apporter les dernières
nouvelles du passé !
Alors, quitte à bousculer nos habitudes de pensée, essayons
de voir en quoi le phénomène cosmique des lentilles gravitationnelles peut nous
aider à revisiter ce que nous pensions être mort et enterré !…
Quel est donc cet objet si massif qu’il s’interpose entre
cette lointaine époque des révélations et notre actuel mépris ?
Cet importun discret ne se contente pas de déformer l’espace-temps, énigmatique, il a
fini par occulter subrepticement ce qui, hier encore, nous parvenait des lointains du passé …
Il est si massif qu’on ne le voit plus, et, pour tout dire, il est devenu notre seul horizon !
Pour rendre compte de ce phénomène, il nous faudra un long
et prochain développement sur La Porte des Lions!
D’ores et déjà, nous pouvons dire que l’Occident n’est pas
armé pour déceler les véritables raisons de sa cécité, car c’est précisément
cette cécité qui permit son envol !
Toutefois, pour ne pas rester trop mystérieux, on pourrait, pour ne prendre qu’un
exemple, attribuer cette cécité à l’influence près de deux fois millénaire d’Aristote,
le "Maître de ceux qui savent!", selon Dante et son moyen âge déférent,
tributaire, empêtré, en le rebaptisant "Maître de ceux qui ont tout oublié!", ce
qui ne serait pas moins exact !
Alors ?
Alors, ce point de bascule à partir duquel l’Homme a coupé les ponts avec le monde spirituel, Homère l’a daté, décrit, avec ses conséquences pour les dieux ! …
En Occident, nous avons récemment relégué aux oubliettes cette "chute", ce sentiment "has been", colporté par de mauvais éxégètes, surexploité par des générations de culpabilisateurs bien en chaire, intarrissables sur les tourments de cette autre chair, jamais à court d'une nouvelle épouvante, mais, plus grave encore, et là est la clé de notre exil, nous n'avons plus aucune conscience de cette blesure infligée aux dieux !
Fort heureusement, les soufis, platoniciens de Perse, hors de portée des ratiocinations délétères des théologiens de Rome, ont conservé le souvenir vivant de ce lien à nous ramené par Henri Corbin, cet homme utile à notre temps !
Ce qui est symtomatique de nos errances, c'est cette querelle, hier acharnée, autour de la réalité de la Guerre de Troie, c'est tout ce bruit pour rien qui passe sous silence la conclusion d'Homère, l'avènement soudain d'un nouvel homme, libre des dieux, et qui lui, a bien eu lieu !
Par où commencer ?
Par sa faculté de "se rendre présent au passé", selon la belle
et intrigante formule de Jean-Pierre Vernant 2 , Homère avait rétrospectivement
vu se produire, au sortir de la guerre de Troie, le délitement de la relation
fusionnelle des hommes et des dieux.
La guerre de Troie s’achève par la destruction de la ville
et le massacre de ses habitants, un grand classique, diront les blasés et autres fainéants autosatisfaits, incapables d’une lecture avisée qui flaire l'évènement réel derrière l’évènement affiché, dont notre actuelle histoire prisonnière des symptômes, ne
peut ni ne veut rendre compte !
Cet événement aperçu par Homère, dont nous sommes le résultat toujours plus achevé, c’est la fin de l’emprise des dieux sur les hommes …
Comme, pour tenter de comprendre le mystère, nous avons pris l'habitude de conceptualiser, nous inventâmes un mot, peu usité il est vrai au marché du samedi matin, mais qui pose son homme dans ces dîners en ville qui s'attardent impunément : "anthropocentrisme"!
Que savons-nous d’Homère ?
En réalité, pas grand-chose !
Homère, homme du passage, poète aveugle, comme beaucoup de passeurs, balloté
entre la mémoire des muses et l’intelligence des temps à venir, antique lanceur
d’alerte, dénonce sans trop de précautions, l’apparence de cette guerre de
Troie, qui n’est, tout bien considéré, qu’une expression terrestre de la
chicaya qui divisait l’Olympe depuis belle lurette et trouvait-là à s’exprimer enfin
!
A cette époque, en passe d’être révolue, les dieux sont
ventriloques et les hommes, accoutrés, empêtrés, dans leur nouveau vêtement de
chair, de simples marionnettes !
Le plus emblématique se nomme Achille, un des derniers héros,
singulier déjà, inquiet de sa légende, annonçant à sa manière archaïque, l’exorbitante quête de salut des
individus à venir !
Le bien et le mal qu'il a pu faire n'ont pas encore voix au chapitre, seule
la gloire lui assurera l’immortalité !
En cet objectif, qui a au moins l’avantage d’être plus
précis que le nôtre, il espère bénéficier d’une identité, d’un statut à part au
royaume des ombres ! …
Entièrement dévoué à "sa" colère, "hors de lui", disons-nous
désormais, sans plus trop savoir ce que cela signifie réellement, il en arrive
à tout oublier : les autres, les
enjeux, ce qu’il fait là, et jusqu’à la faiblesse de son talon !
Cette faiblesse générationnelle, qui lui sera fatale, pointée
d’un antique doigt dans tous les récits, grecs,
hébreux, hindous 4 , signifie que, s’il brille des derniers feux dont il n'a pas la maîtrise, incapable d’intériorisation, de
réflexion, il est appelé à laisser la place au nouvel homme qui, coupé du monde
spirituel, va devoir reconstruire un monde en miettes à l’aide de sa seule
intelligence …!
Le nouvel homme, premier de notre lignée, c’est Ulysse, qui
tente de remplacer par l’intellect naissant, par la ruse, la connaissance
instinctive, la violence démesurée …
C’est tout ce que signifie le rocambolesque passage du
cheval de Troie qui continue, alors que cette guerre n’a plus lieu, à jouer des
tours aux forteresses fragiles des nouveaux sites assaillis ! …
Ce passage, cette rupture, ce "reculer pour mieux sauter" qui
nous annonce, ce saut qualitatif sous le regard inquiet de la Liberté, est
parfaitement exprimé dans cette récapitulation de la Genèse primordiale
!
Une autre tradition témoigne de cette mutation : Esaü doit abandonner son droit d’ainesse, signifiant la fin de son époque, à son frère Jacob …
Esaü aussi était violent, irascible, inattentif à l’autre
comme à lui-même, capable d’exploits improbables, si ce n’est que lui aussi avait
une faiblesse au talon !
Jacob, le rusé, dut longtemps apprendre, étudier les
sagesses d’un monde en voie de disparition, mais, le jour venu, rebaptisé
Israël, il reçut le sceau de l’avenir !...
Comme il en fut pour Adam, ce n’est pas lui qui décida de transgresser la loi, mais une femme, sa mère, qui, elle, sait, sent, prévoit et assume ! …
Alors, affaire classée, définitivement ?
Assurément, au moins dans l’esprit de beaucoup d’entre nous
qui avons préféré ce petit faire-valoir poilu descendu de l’arbre, au looser nommé
Adam, cette "pomme" tombée des cieux sans même se douter de la gravité de
son acte !
Pas question donc de nous remettre en question, la Genèse
n’a rien de scientifique, c'est bien connu, à tout le moins, il ne semble plus possible de
comparer notre ADN avec celui d’Adam !
L’hypothèse post-darwinienne est d’autant plus admise que
nous nous identifions désormais à notre seul corps, qu’à l’aide d’un miroir ou
du regard des autres, nous estimons réel, peu disposés à tirer les conclusions
de cette enquête tenue confidentielle qui avait, il est vrai, abouti à un constat d’échec : en
effet, malgré des milliers d’heures d’observation haletante, personne jamais
n’avait entendu un singe s’esclaffer à l’approche de l’un des nôtres : "Tiens,
voici un homme !"
Il est vrai à contrario que lorsque nous-mêmes lui donnons ce nom, alors qu’aucun de ces imitateurs nés ne se ressemble vraiment, c’est par commodité de langage, au moins en avons-nous décidé ainsi, quand, avant, bien avant, le hold up de Descartes sur la pensée, nous nous sommes approprié en loucedé la création du langage ...
Le moteur de notre exil, c’est notre expulsion de tout ce
qui pourrait contredire cette version pâtissière de l’évolution qui a le bon goût de nous avoir laissé la place enviable de "cerise sur le gâteau !"
Improbable émergence, fleur de sel de la complexité
croissante, nous n'avons de cesse que de rester à la surface des choses !
Alors vous comprenez bien que cette histoire de serpent qui
suggère à la buse nommée Adam de croquer une pomme, ne fait plus recette; même Disney n’y a pas cru,
en ce pays où pourtant le Président prête serment sur la Bible …
*
Aujourd’hui, comment vendre quoi que ce soit, un simple dentifrice, notre représentation du monde, ce bricolage vital, sans nous retrancher derrière quelques mots magiques qui coupent court aux atermoiements : " C'est scientifiquement prouvé !" ?
*
Ce qu’il s’est passé en Grèce en l’espace de quelque
trois ou quatre siècles devrait suffire, si nous étions libres, à ressortir le
dossier de nos origines, mais la pensée unique est là qui veille à l’ivraie et surtout à ce que
le bon grain ne germe pas !
Bien entendu, il ne s’agit pas d’un copié-collé de ce que
nous considérons désormais comme une fable, mais d’une récapitulation du drame
initial, à un autre niveau, à ce stade de notre évolution !
En l'espace de quelque trois à quatre siècles, apparaissent à l’horizon de l’Histoire 6 : un mutant nommé individu, son désintérêt pour ce temps cyclique qui ne s'intéressait pas à lui, sa conception nouvelle et douloureuse d’un temps vectoriel 7qui, comme dans un cauchemar, s’enfuit, insaisissable, indifférent, ne laisse rien en place, ne répare pas ses injustices, abandonnant négligemment à ceux qui restent pour un temps encore, le sentiment nouveau d'impermanence, de vacuité, la prise au sérieux de la mort, et concomitamment, la peur de la mort ! …
Prêchant dans le désert, à son corps défendant, Einstein, voyait en notre apréciation du temps qui passe, un leurre, comme il en est de ce paysage qui semble défiler au travers de la fenêtre du train !
Il ne semble pas qu'il ait envisagé le mystère du karma, se contentant de suggérer un "univers-bloc" qui peut se concevoir mais pas se parcourir en tous sens comme le faisaient autrefois les aèdes et les devins ! ...
Pour revenir à nos moutons qui se précipitèrent, tel un seul homme, dans la béance de ce temps insaisissable, pressé, empressé d'en finir, il semble qu'ils aient bêlé si fort que vinrent à eux, de manière quasi simultanée, Socrate et le Bouddha ! …
Chacun des deux, à sa manière, enseignant que l'herbe est plus verte quand la vie s'arrête !
En Grèce, les individus se désintéressent progressivement de cette genèse du cosmos qui, semble-t-il, s'est allègrement passée d'eux, réduite à la saga d'une famille dominante, pathogène, dont ils furent chassés, avant, au bout d'un long, très long chemin, de retrouver "voix au chapitre" sur l'Agora, cette Olympe des hommes libres ...
Mais, quitte, sentiment troublant, à se sentir semblables, pour s'être individualisés, prélude à l'égalité, step by step, le temps est venu de la quête de salut personnel !
Se faisant toujours moins
cosmique, toujours plus humaine, la tragédie emboîte rapidement le pas de la poésie
lyrique et son cortège d'émotions inconnues : le malheur devient une affaire
personnelle, la culpabilité est en passe de remplacer la fureur des Erinyes, la
responsabilité individuelle va de pair avec la fragmentation de l'âme du groupe ... c’est
un peu comme si, tout ce qui était jusque là extérieur, dispersé, dispensé comme dans un rêve éveillé, devenait local, conscient, intime,
difficile d’accès, défiant l'intelligence avant même qu'elle ne prenne son essor …
*
Pour tenter de comprendre l’arrière-plan de cette nouvelle et récente métamorphose du psychisme qui récapitule la Genèse, mais à ce niveau supérieur qui nous annonce, nous avons désormais accès à deux savoirs fondamentaux qui ont en commun de remettre en cause ce que l'on croyait savoir ...
Le "petit" dernier, c'est l'astrophysique qui, en moins d'un siècle, a augmenté ce qui nous précède de plusieurs milliards d'années, et ce qui nous entoure, de plusieurs milliards de galaxies, n'en faisant qu'à leur tête à plusieurs millions d'années-lumières, le kilomètre étant relégué au Tour de France! ...
Quant au mythe, ce vieux savoir qui, pour être coloré n'en est pas moins exact, vient le temps où il ne sera plus raillé, ignoré, répudié ...
Nous n'avons de cesse d'affirmer qu'il en sait plus long sur nous que nous n'en savons sur lui, mais attend patiemment, depuis plus de deux millénaires, cette improbable éclaircie qui verrait notre doute avoir enfin raison de notre autosuffisance !...
Peut-être alors, en cette hypothèse qui, de toute évidence, se précise, condescendrons-nous à exploiter cette mine à ciel ouvert des savoirs oubliés ?
Enfants d'Hérodote, du discours empressé des squateurs de Darwin, camés au magique carbone 14, lassés de gratter le sol à la recherche de quelques tessons de poterie, de quelque os abandonné ici ou là par quelque usurpateur de paternité, peut-être, qui sait, pourrons-nous nous défaire un jour de cette histoire qui radote ! ...
Comme l'économie, l'univers est sujet à des périodes d'inflation !
Il y a la toute première, l'initiale, au moins telle que nous envisageons désormais cet inenvisageable, au cours duquel, en moins de temps qu'il n'en faut à une seconde pour s'écouler, la grenouille s'est faite aussi grosse que le boeuf, encore que cette comparaison ne tient pas trop, dans la mesure où cette grenouille n'était alors pas plus grosse qu'un atome de têtard ...
La deuxième inflation eut lieu très récemment, sous le crâne de quelques astrophysiciens peu respectueux de la statue du commandeur qui, lui-même, avait annoncé la couleur et les Rolling Stones, en tirant la langue aux passants ...
Statue érigée sur le fragile socle multiséculaire d'un univers fixe, d'une galaxie unique, sufisamment grande toutefois pour que notre regard d'enfant s'y perde, le temps d'un songe, le temps d'une nuit dété !...
La nouvelle conception du temps, désormais vectoriel, accoucha chez les anciens Grecs, de l'individu, à moins que ce ne soit l'inverse, à moins encore que, faces de Janus, ils ne puissent se passer l'un de l'autre ! ...
Nonobstant sa forte personnalité, Einstein avait dit à qui ne voulait pas l'entendre que le temps des hommes de son temps était un temps psychologique, imaginant que notre vie est comme la fenètre du train, félonne, qui suggère que le paysage défile !
Chez les astrophysiciens, pressé d'en finir avec le mystère de l'univers, le temps linéaire fut une aubaine qui, corvéable à merci, pouvait se parcourir dans les deux sens, se prêtant à toutes les extrapolations sous le regard bienveillant de la déesse logique !
Ainsi est né le "Big Bang", cette bonne blague radiophonique, lachée comme un pet sur une toile cirée, par le crédible incrédule de service, chargé de présenter cette théorie fumeuse d'une explosion qui, à ses yeux, avait fait long feu !...
Pourtant, et là n'est pas le moindre des paradoxes, l'onomatopée emporta illico la ferveur des auditeurs, lecteurs nombreux et assidus, il est vrai, de la bande dessinée imaginée par les caricaturistes de la pensée de Darwin ...
*
Dans les deux cas, dans l'univers comme sur la Terre, la représentation vectorielle du temps exige un commencement absolu !
Pour le Big Bang, commençait une carrière incertaine, quant au primate à qui nous devrions la vie, s'il ne peut constituer à l'évidence un départ absolu, il eut le mérite de nous léguer un cerveau où tout ou presque restait à faire !
Après la chute de cette "pomme" d'Adam, l'honneur était à nouveau sauf !
Pour l'onomatopée, c'est une autre histoire : parmi les prétendants au trône, il y a bien cette hypothèse du Big Bounce, qui peine à rebondir mais pourrait réhabiliter l'antique représentations des cycles !
Mais, là encore, on ne sait pas, alors, il faut avoir recours au jocker, et supposer de la matière !
De quelle couleur sera-t-elle celle-là, si l'on sait que le noir, témoin on ne peut plus clair de notre tatonnement, est déjà pris ?
Il y a bien cet enseignement hérité d'un temps où l'Homme n'accordait pas encore une entière confiance à sa seule intelligence, ou le Pralaya, cette pause cosmique, lui avait été signifié qui signifiait, non pas le court instant qui précède le rebond d'une balle en caoutchouc, mais un mouvement respiratoire au cours duquel tout se dissolvait, où seul restait l'esprit, avant que celui-ci n'initie un autre monde, non pas "ex nihilo", mais en tenant compte des insuffisances, des impasses dans lesquelles s'était fourvoyé l'ancien ...
Dans les traditions apocryphes des anciens hébreux, il y a ce constat qui ne manquera pas de nous choquer, du moins si nous nous représentons le temps comme une fuite en avant, sans fin, "sans queue ni tête" dirait le langage qui sait tenir sa langue :
"Au commencement, le Seigneur avait créé mille mondes, puis il créa encore d'autres mondes. Et il continua de créer des mondes, jusqu'au jour où il créa notre monde ..."
Ainsi en avons-nous décidé : la Genèse ne révèle décidément rien de notre origine !
Comment en effet accorder un quelconque crédit à ces textes dits "révélés", puisqu'aussi bien nous ne croyons plus à ce qui nous vient de cette époque étrange, inconnue d'Hérodote, au cours de laquelle certains "attardés" de l'évolution auraient eu encore accès aux mémoires du monde suprasensible ?
Le cloud, immédiatement utile, lui sait se faire oublier et à tout le moins ne nous pose pas ce genre de problème !
Pour nous, lorsqu'Homère fait appel aux muses pour "se rendre présent au passé", il s'agit tout au plus d'une convention de style ...
Ce lointain passé "croquignolesque" ne fut pas le seul à faire les frais de notre désir secret d'une nouvelle genèse, plus tangible, plus valorisante ...
C'est curieusement, au moins pour les curieux, à cette époque où, de toute évidence, nous n'étions plus au centre de l'univers, qu'il devint urgent de gagner une autre bataille, de nous rétablir par une dignité nouvelle, il nous fallait un faire valoir, un primate, pourquoi pas, qui nous permettait de nous hisser à nouveau sur le podium, d'oublier ce sentiment obsédant de la chute, entretenu de manière véhémente du haut de la chair ...
Dans la foulée, devenu plus légère, une fois libérés du carcan imposé par l'Eglise romaine, nous nous sommes attaqués à certains épisodes de notre propre histoire, qualifiés désormais de mythes ...
Et il semble que cette déconstruction ne fasse que commencer, dans l'attente désormais envisageable des camps de rééducation !...
Ainsi, vraisemblablement prévoyante, Jeanne d'Arc ne s'est pas trompée d'époque, car au XIXème siècle elle eut été enfermée! ... d'une manière générale, la pensée matérialiste, à défaut d'avoir gagné son éternité, a remporté la bataille des mots : ainsi, le "mythe" c'est ce qui n'existe pas, le "mystique" est un allumé dont nous n'avons pas encore songé à mesurer l'emprunte carbone ...
Bon chien chasse de race! ... car l'Eglise romaine, après avoir éradiqué le catharisme, après la population de Béziers en son entier, "histoire" de se faire la main, termina le travail, en suggérant sournoisement que le manichéisme, cette pensée en réalité si subtile, est conçu pour les idiots ...
Vous en doutez encore ? ... alors, c'est que vous ne savez pas que si votre pensée est jugée manichéenne, c'est que vous n'êtes pas fait pour cet exercice !
Pour les textes dits "révélés", les philologues, ces nouveaux inquisiteurs, prisonniers de lettre, se complaisent à relever moultes contradictions et autres incohérences, ne voyant rien d'autre que des reconstructions mal ficelées, hétérogènes, idéologiques ...
Soit, on ne nous la fait pas, l'affaire est donc entendue !...
Pour faire bon poids, les plus acharnés s'avisèrent de comparer entre eux ces textes tout droit issus, c'est tellement évident, de l'imaginaire déréglé de nos anciens, pour en arriver à la conclusion que l'on ne saurait harmoniser ce ramassis dispersé de fadaises !...
Ainsi, réduits à notre seule intelligence, comment juger compatibles la Genèse et le Rig Veda ?...
En rupture de création "ex nihilo" jugée puérile, biberonné sans le savoir à la logique de Parménide, comment en effet pourrions-nous, ne serait-ce que comprendre, qu'au début, " ...il n'était ni être ni non être, tandis que L'Un respirait sans souffle ..." ? ...
Ces textes issus de longues traditions orales ne sont pas l'oeuvre d'historiens, encore moins de témoins, mais de clairvoyants ataviques, inspirés, qui firent part de leurs visions à leurs contemporains qui, tout à leur intégration au monde sensible, perdaient progressivement l'accès au monde suprasensible ...
Nous n'en ferons pas ici la liste, mais, pour qui s'y intéresse, Zoroastre semble emblématique de ces leaders, de ces prophètes du passé, qui ne souhaitaient pas entraver la nécessaire marche vers l'avenir, vers la pensée claire, rationnelle, logique, mais atténuer les effets pervers de cette coupure d'avec nos origines.
Au passage : n'est-elle pas formidable notre époque qui toise du haut de son tabouret ces emblématiques prédécesseurs, si l'on prend pour exemple ces leaders d'opinion que sont les journalistes de l'information continue ?
Chacun, s'il veut se libérer de cette doxa de supermarché, peut aisément le vérifier : le signalement d'un fait divers ne vient-il pas d'échouer sur leur prompteur, et les voilà qui le décrivent dans le moindre détail, selon leur représentation qui doit tout à la statistique, souvent démentie le lendemain, mais en catimini ...
Récapitulation
Dans la conception d'un temps cyclique qui, pour être oubliée, n'était pas moins légitime que la nôtre, les grands épisodes qui nous concernent, ce qu'en dit la Genèse en l'occurrence, peuvent néanmoins s'apercevoir lors de récapitulations, dont celle qui nous occupe en Grèce ancienne, peut nous servir de miroir déformant !
Déformant, car la récapitulation, tout à la fois contracte le temps, selon l'actuelle conception que nous en avons, et reproduit les phénomènes, mais à un niveau supérieur !
Après la représentation d'un temps vectoriel qui succéda, à cette époque précisément, à celle d'un temps cyclique, viendra celle, n'en doutons pas, d'un temps "spirale", comme il en est de la course de la Terre autour de celle du Soleil !
Le moment de la Genèse qui nous intéresse ici, est celui tardif qui met en scène la funeste, ou libératrice "décision" d'Adam, selon le point de vue adopté ...
"Tardif" car Eve est déjà là !
Cette scène fameuse, devenue fumeuse aux yeux de la plupart, réunit trois acteurs importants de cette période si lointaine : Adam, Eve et le serpent, réunis autour d'une pomme insolite, subliminale, désirable, dans le but secret d'attirer notre attention sur la gravité de la situation ! ...
Etant entendu qu'en parlant ainsi, je m'adresse aux enfants de Newton et d'Einstein, car auparavant on évoquait son statut précaire sous l'arbre de la connaissance, ce qui n'est, à tout prendre, pas totalement contradictoire !
Adam n'est pas l'Homme, il est temps d'en finir avec ce vrai faux départ, comme si il n'y avait rien eu avant !
Non contents de nous être laissé abuser par la nécessité d'un départ absolu, de ce caprice de cet enfant gâté qu'est le temps linéaire, nous recommençons de plus belle avec le Big Bang !
Non, Adam n'est pas le premier Homme, c'est l'Homme terrestre, littéralement, "l'Homme fait de boue" !
Que l'Homme archétypal ait existé avant de prendre pied ici-bas, ce que la Genèse exprime clairement, avant même Platon 5, cela dépasse désormais notre entendement, puisque, c'est de notoriété publique, cet intellect qui nous caractérise est le dernier étage d'une fusée dont le propulseur, retombé bien vite sur le plancher des vaches, n'est autre que ce petit primate, notre faire-valoir réquisitionné pour ce décollage ! ...
Adam n'est pas non plus un individu, sauf à considérer qu'il représente l'humanité en son ensemble à cette époque où, peu nombreuse, elle n'était pas encore différenciée, à ce moment de l'évolution où précisément, ce que nous appelons "l'individu" attendait encore son tour sous l'horizon de l'Histoire ...
La scène dite de "la chute" convoque une très longue période au cours de laquelle Adam, cornaqué par Eve l'ambitieuse, envisage de se mettre à son compte, considérant que tout bien considéré, un "petit chez soi" vaut mieux qu'un "grand chez les autres!"
A certains d'entre vous, cette manière de présenter les choses, je le sais, paraît ridicule, alors, voyons ce que peut nous en dire Homère, transporté, après l'appel aux muses, dans sa transe rythmique, à ce moment décisif où le drame initial se rejoue, sans qu'aucun de nos contemporains n'y prête attention !...
La guerre de Troie est à l'évidence un affrontement des dieux par hommes interposés, et, quand cesse le massacre, ceux qui ont tout perdu, sauf la vie, ne croient plus à ces dieux décidément impuissants ...
Quant aux Grecs qui s'en retournent, moins nombreux mais vainqueurs, ne voilà-t-il pas qu'ils s'attribuent la victoire !
C'en est fait de cette relation intime qui unissait les hommes et les dieux !
Juste retour des choses, me direz-vous, puisqu'au tout début de cette histoire mouvementée, Zeus avait chassé ces hommes qui s'attardaient à leur banquet, jusqu'à s'y endormir ...
Je vous entends d'ici : les plus bienveillants d'entre vous diront : le récit est sympathique, qui plus est, personne ne nous l'avait servi de cette manière, mais ces dieux dont les Grecs se seraient affranchis, au moins y ont-ils cru, tandis que nous, nous savons qu'ils n'ont jamais existé !
En ce temps les anciens Grecs se représentaient leurs dieux de cette manière imagée dont nous aurions grand tort de nous moquer, et ce pour deux raisons :
La pensée conceptuelle n'étant pas née, encore moins revendiquée (la cigüe eut été prescrite à Descartes!) , la relation avec le monde suprasensible s'opérait par l'image!
Plus riche toutefois, plus impérative que nos concepts évanescents ! (aurait pu dire Roland Barthes !)
D'ailleurs, cette forme de relation avec le monde suprasensible, est-elle vraiment inférieure à notre approche conceptuelle du divin ?
Est-elle moins véritable ?
Ce qui entretemps est devenu supérieur, c'est notre intellect, mais, à l'évidence, pas notre intelligence du monde !
Ainsi, de prochains rebondissements sont attendus quant à cette explosion initiale, célèbre onomatopée, sur laquelle nous avions fini par nous endormir depuis quelques décennies ...
Oublions, si vous le voulez bien, ce ciel vidé de ses habitants par quelques théologiens amateurs de table rase, pour nous tourner vers la théologie négative, l'apophatisme, ou bien encore, le monde imaginal des soufis perses, et vous découvrirez que nos concepts sont insuffisants dès lors qu'il s'agit de définir Dieu !
Qui plus est, lorsque cet "innommable" au sens premier et oublié du terme, "que l'on ne peut nommer", se donne à voir à certains élus, morts ou vivants, en y mettant les formes, "dans l'étendue" aurait dit Descartes, chacun les interprête en fonction de son avancement spirituel !
Ceux qui sont revenus du monde imaginal, ce monde qui n'a rien d'imaginaire, mais qu'en Occident nous avons chassé de notre imagination, ne sont pas tous revenus dans le même état ! ...
Sous le pommier ou sous les murailles de Troie !
Au fond, si l'on veut bien prendre un peu de recul, c'est toujours la même histoire qui se rejoue, mais à des niveaux différents !
Et le moteur de cette histoire, le seul qui permet de la lire dans son ensemble, de ne point s'enfuir, de surmonter ses contradictions, ses atermoiements, son bégaiement sanglant, ses horreurs indicibles, ses incessants "reculer pour mieux sauter", c'est notre liberté !
Si, rétrospectivement, nous ressentîmes l'incartade d'Adam comme une chute, c'est que précisément, à ce moment de l'évolution, il perdit, nous perdîmes, toute cette connaissance qui l'agissait, sans qu'il en ait conscience, ses pouvoirs magiques sur une nature il est vrai plus malléable, qui allaient de soi, si seulement il lui avait été donné de penser ...
Tout ça pour ça ! ...
Pour avoir désiré cette prérogative divine de pouvoir choisir entre le bien et le mal !
Mais qu'en serait-il de nous, de l'évolution, de notre liberté, de notre contribution à l'ordre cosmique, si, pour ne prendre qu'un exemple, nous n'avions pas ce pouvoir de faire le mal, mais plus encore, de se le refuser ?
Cette émancipation d'Adam, nom générique de cette première humanité, non différenciée, non consciente, théatre d'enjeux qui la dépassent déjà, la Genèse, pour qui veut bien la lire attentivement, après s'être purifié de nos préjugés, avoir déblayé les décombres entassés de la théologie matérialiste et du scientisme pernicieux, son enfant naturel, suggère que le divin, paradoxalement, n'y est pas étranger !
La mythologie grecque le dit à sa manière, plus directe car plus imagée : Zeus chasse les hommes du banquet olympien, puis châtie Prométhée qui leur apporta clandestinement le feu sous toutes ses formes, celui qui rudoie la gamelle alchimiste, comme celui de l'esprit !
Plus conceptuel, mais tout aussi imagé, le Talmud relate ce moment fondateur où l'archange Michaël, esprit du feu, esprit du peuple, apporte le livre de la connaissance à Adam, qui lui permettra de commencer à déchiffrer le mystère du monde et ce faisant le sien ...
Dis-moi tes interrogations, je te dirai qui tu es, ou plutôt à quelle époque tu as vécu !
La question qui nous intéresse actuellement, c'est de savoir si les conditions physiques pourraient nous permettre de vivre sur une autre planète ...
Si c'était le cas, nous partirions sans avoir répondu à celle essentielle que pose en creux la Genèse : si nous ne pouvions faire que le mal, ou que le bien, ou bien encore ne pas distinguer l'un de l'autre, que se serait-il passé à la surface de la planète ?
Le matérialisme serait-il une fuite en avant ?
L'attitude des hommes à l'égard du divin, au sortir de la guerre de Troie, préfigure et annonce le séisme psychisme dont nous avons parlé plus haut, et, si "la chute" annonce l'autonomie de cette entité appelée "Homme", la Grèce, quelque part entre Homère et Platon, va, tout à la fois, assister à et accoucher d'un mutant que l'on nomme "individu"!
Homère bénéficiait encore, en son époque, d'une certaine clairvoyance, fut-ce au prix d'un rude entrainement dans les chambres basses et aveugles 2. Nous disons, pauvres de nous, que son appel préalable aux muses est une "convention de style", nous disons encore de ce personnage, qu'il est "conceptuel", n'ayant pour autant, mécréants que nous sommes, jamais pris la précaution de l'enterrer au "cimetière de ceux qui n'ont jamais existé", avec tous ceux qui nous font de l'ombre à force de nous éblouir, avec Abram, Moïse, Jésus-Christ, Shakespeare, et bien d'autres encores, car les kmers roses de la pensée unique veulent, cochon qui s'en dédie, faire table rase du passé ! ...
1
Elégant, talentueux, restant à sa juste place, Jean de la Fontaine cite ses sources !
2 S’appuyant sur de nombreux travaux de philologues, tels l’allemand Bruno Snell, l’américain Milman Parry, d’historiens de la littérature, de la poésie et des traditions orales, Jean-Pierre Vernant nous livra un essai étonnant, détonnant, resté pour autant en jachère, tant il ne rappelle rien à nos philologues, plus prompts à déconstruire qu'à recomposer la mosaïque mystérieuse dont le main thème leur échappe. Chacun son métier ! ... « Mythe et pensée chez les Grecs » aux éditions La Découverte/Poche.
3 "Lucy", c'est la thèse d'un français, Yves Coppens, qui fit flores pendant un quart de siècle, une fois n'est pas coutume ! ... auprès de la communauté internationale des chercheurs "nez au sol" et truelle en main, de nos origines, pour finalement tomber sur un os, plus vieux que ceux de la pauvre guenon australe ! ... Paix à son âme, Yves Coppens était un type charmant ! ...
4 Esaü dans l’ancien testament, auquel Jacob s'était accroché pour voir à son tour la lumière; Krishna dont la légende nous dit qu'il sortit victorieux de son combat contre le serpent Kali, mais pas, sauf erreur, s'il fut mordu au talon ...
5 Pour les amateurs de voyages en
terre inconnue, de "reset" culturel, de purification de nos représentations, de libération de la doxa, je vous recommande de lire et
relire, attentivement, pas à pas, "Histoire des origines", du
talentueux Emile Bock, paru chez "iona" en 2004.
6 Façon de parler, car, précisément, cette dernière naît avec Hérodote, à l’issue de cette période où il devint presqu'impossible de se transporter dans le passé, tel Homère, après en avoir appelé aux Muses, ce qui nous fait doucement rigoler, benêts bienheureux que nous sommes ! ...
7 Un temps psychologique aurait dit Einstein !