La résurrection fut longtemps objet de foi, plus récemment de dérision, il s’agit désormais de comprendre !

A l’évidence, nous ne sommes plus les mêmes que nos lointains aïeux qui, à travers champs, rejoignaient en masse l’église au son de la cloche rassembleuse …

Mais notre écrin a changé, les prêches fanatiques ont fini par nous couper du mystère de la nature, par vider le ciel de toute cette vie qui se passe aisément de la chair, et quoi de mieux que le béton pour  sceller notre indescriptible solitude ?

Alors advint l'esprit scientifique, indispensable à ses débuts, libérateur, mais bientôt organisé, sans tambours ni trompettes, en une nouvelle église, intolérante, ne supportant pas à son tour la concurrence de tout ce qui, en dehors d'elle, ne serait que superstition ! …

Depuis peu, tout s’est accéléré, les églises sont désertées, et la caution scientifique, hier encore absolue, sert encore, mais pour combien de temps, à faire vendre quelques produits parapharmaceutiques …

Nous sommes à la croisée des chemins, serions-nous tentés de dire, par habitude, pour meubler notre incertitude, alors qu’il s’agit plutôt de comprendre qu’emprunter un seul de ces deux-là ne mène nulle part !

Notre soif d’éluder le mystère de cette vie éphémère cependant demeure, mais n’est plus étanchée par les arguments d’autorité, cela dit sans mépris aucun pour la foi cristalline de nos ancêtres; et, quand bien même nous envisageons que la quête n’aura pas de fin, nous avons le désir ardent d’en comprendre un peu plus !

Si l’on considère tous les laissés pour compte de nos évolutions successives, le mystère de la résurrection reste, pour qui tout espoir n’est pas perdu, la principale victime !

Et, soit dit en passant, sans méchanceté aucune, mais avec une infinie tristesse, ce n’est pas l’indigence de ceux qui tentent encore de présenter ce mystère comme jadis ils le firent qui va le tirer de l’oubli ! …

En dehors d'une interprétation non scientifique des textes qui y font allusion, leur présentation plusieurs fois séculaire, bricolée pourrions-nous dire, adaptée dans le meilleur des cas à un psychisme disparu 1, est désormais incompréhensible, donc inadmissible, au premier sens du terme !

Tenter de comprendre le mystère de la résurrection, c’est tout d’abord répondre à la question primordiale : que s’est-il réellement passé, selon nos actuels critères ?

Sachant toute la difficulté de s’accorder enfin sur ce qu’est le réel, alors que le trouble-fête de la physique quantique s'est invité à la partie ! … 2

Les interminables controverses entre théologiens à ce sujet ne manquèrent pas tout au long des siècles, à huis-clos souvent, ménageant "le vulgaire, comme ils disaient, contrairement à la récente et bruyante cacophonie d’une communauté scientifique fracturée, venue en ordre dispersé sur les "plateaux de télé", confrontée sans filtre ni préparation à l’anachronique épisode du Covid, où apocalypse et révélation allèrent enfin de pair !…

Bien que latentes, privatisées, fort heureusement longtemps ignorées des ouailles pour les premières, explosive et surmédiatisée pour la plus récente, elles n’ont pas peu contribué à la décrédibilisation de l’une et l’autre de ces deux églises, tout à la fois antagonistes et mimétiques …

*

Curieusement (si l’on peut dire !), personne ne semble curieux de savoir pourquoi ce mystère "aurait" eu lieu à ce moment précis de l’évolution psychique de l’humanité !

Ce "détail infime", ignoré de tous ces débatteurs anachroniques, autosatisfaits, condescendants, ignorant tout ou presque de l’évolution psychique de l'Homme, ne pourrait-il pas apporter un éclairage salutaire à ces interminables joutes à l’issue empêchée par l’ombre intrusive de leurs représentations ?

Dans nombre de traditions, l’on se déchausse avant d’entrer dans le temple !

Au-delà de la récente redécouverte de cette nécessité hygiénique, observée depuis les terres d’Islam jusqu’à l’extrême Japon, il s’agit-là, évidemment, du symbole oublié d’une hygiène mentale qui nous invite à nous débarrasser de la poussière de nos représentations, des mirages accumulés au cours de notre court voyage, de nos a priori, de ce bon sens revendiqué qui, c'est désormais avéré, nous fourvoie dans un monde étriqué ! 3

Certes, Socrate n'est plus là pour déconstruire notre frêle savoir, acquis très largement par ouï-dire, et sans autre examen !

Pour le dire autrement, à la manière de la Porte des Lions : Nos idées nous sont-elles propres ou sont-elles sales de la pensée des autres ?

Quant à la chrétienté, à tout le moins cette tradition qui s'en réclame, que n’a-t-elle engendré un Maïmonide qui aurait pu lui expliquer que la vérité, fut-elle divine, ne se donne pas à voir ou à entendre, sans s’adapter à la capacité psychique du moment ! 4

Cependant, depuis un siècle, un nouveau taon, plus adapté à notre esprit qui se veut désormais scientifique, est venu bouleverser la science depuis peu installée, déclarant urbi et orbi, fin XIXème, avoir tout compris, se mêlant, sitôt désoeuvrée, du social, comme hier l’Eglise romaine …

Ce trublion qui pique ou mord, on ne sait trop, que signalait déjà la mythologie grecque, c’est désormais l'intrigant, le déroutant monde quantique !

Contre-intuitif, inattendu, pédagogue de choc, il nous oblige à "penser contre notre cerveau" 3, à prendre nos distances avec ce fameux "bon sens", ce suborneur qui, subrepticement, depuis trop longtemps, nous fourvoie dans un monde illusoire …

Que s’est-il passé ?

Un examen dénué de tout préjugé, décontaminé de toute idéologie, de tout matérialisme, simplement attentif aux textes qui attestent de ce phénomène étrange, démontre que tout se déroula en dehors de notre monde sensible, spectacle unique, s'ouvrant à ces quelques "tèmoins" qui n'avaient pas, et pour cause, réservé leur place, résignés, tristes à mourir, vaquant ici et là, en guise de deuil, à leurs occupations d'avant; incrédules tout d'abord, déstabilisés par cette apparition de prime abord peu familiére ! …

Celui qui se donne à voir ainsi est à l’évidence libéré de nos contraintes physiques, de l’espace-temps, de ce corps de chair qui nous empêche de traverser les portes fermées 5 , ne saurait se trouver dans deux endroits à la fois, s'éclipser instantanément ...

Celui que les premiers chrétiens appelleront "Le ressuscité", ne réapparaît pas, c'est écrit, dans l’apparence physique qu’on lui connaissait, mais dans celle que projette, celui ou celle qui est gratifié de sa troublante présence …

Ainsi, Marie-Madeleine le prend tout d’abord pour le jardinier ! …

La projection est forte, ivre de sens, allégorique, symbolique, mais n'eut pas l'heur d'intéresser nos psychanalystes, obnubilés par le sexe "à tout expliquer", par le sexe qui fait vendre ! ... La question du jour, celle qui aurait tendance à les mobiliser est : a-t-elle ou non couché avec Jésus ? Pourrons-nous nous relever, Mesdames et Messieurs, ressusciter un jour de cette indigence, de cette mort spirituelle ? ...

Ces textes y insistent, l’apparence physique est trompeuse, seule la parole certifie dans un deuxième temps l’identité de Celui qui intervient de manière apparemment impromptue dans la vie de ceux qui le croyaient mort, définitivement mort !

Pour tenter de comprendre ce phénomène, non pas d'en rendre compte, nous avons désormais ce mystère de la mesure soulevé par la physique quantique, lorsque ce monde inaccessible à nos sens, sauvagement agité en tous sens, gros de tous les potentiels, nébuleux, flou, soudain se fige dans une image unique, seulement s’il se sent observé …

Pour ceux qui trouveraient la comparaison osée, il y a ce trésor, oublié de l'Occident mais fort heureusement pas des spiritualités orientales, chassé manu miltari par l’Eglise des conciles, à nous ramené de Perse par Henri Corbin, et qu’il nomme intermonde !

Monde situé entre notre monde sensible et le monde intelligible qui s'y donne à voir à quelques êtres sensibles, dans des formes qui leur sont plus ou moins familières …

"La pensée qui se revêt d'étendue !"  aurait pu dire Descartes, s'il  en avait eu vent !…

Monde des théophanies, monde des anges, dont l’accès est accordé avec parcimonie à quelques mystiques ou jugés dignes de recevoir un message en raison de leur évolution psychique ou de leur mission !

Ce qui semble être le cas de quelques uns de ceux qui avaient cotôyé Jésus, après, et ce point est d'importance, qu'il les ait choisi une première fois ! 

Alors, reste la rencontre de Paul à Damas (qui ne perdait rien pour attendre!) avec celui qu'il combattait farouchement jusqu'alors, pas au Café des voyageurs, non, mais vraisemblablement dans cet intermonde dont parle Corbin (tout dans sa description le désigne!), et qui fit de lui, après une longue retraite dans le désert, le principal artisan de la phase occidentale du christianisme !  

Pourquoi à ce moment-là de l’histoire de l’Homme ?

Voilà un point qui, pour être crucial, n’est pas souvent abordé par ces théologiens tout à leurs querelles sur fond de matérialisme, puisque à les entendre, point de résurrection sans que la chair n’y soit convoquée ! …

Sûrs d'eux-mêmes, ils vous diront : quel besoin de contextualiser puisque tout est dit, ne s’agissait-il pas d’ôter le péché du monde ?

"Le péché du monde!" ... savent-ils seulement de quoi ils parlent ? …

Il semblerait que l'inventeur (dans les deux sens du terme), si ce n'est de ce concept vague et propice à la culpabilisation, à tout le moins de sa datation, soit saint-Augustin !

Radical, peu enclin au compromis, il fit remonter cette faute à l'origine, afin que nul ne puisse s'en exempter ! 

L'Eglise, reconnaissante à la main qui ainsi la nourissait, le reconnut comme Père!

Il est vrai qu'en ces temps incertains, si disputés, où l'adversaire s'avérait décidément coriace, il représentait une belle prise, aux manichéens figurez-vous, qui auraient pu alors, sait-on jamais, tout emporter sur leur passage !

Est-ce donc le simple résultat d'une spéculation débridée de cet ancien manichéen mal décontaminé, en témoigne son anachronique et si peu christique théorie de la grâce, ou a-t-il simplement mis des mots sur un mystère qui affecte réellement l'espèce humaine depuis son origine ?

En cette seconde hypothèse, on peut se demander pourquoi l'intervention divine ne s'est pas produite plus tôt, au moins sous cette forme !

La conviction que la déliquescence de notre corps entraîne notre conscience dans sa débâcle, serait-elle chose nouvelle, au regard du temps long de notre évolution psychique ?

L’anthropologie, c’est-à-dire l’intérêt pour l’Homme, pour son évolution, ne semble pas être le fort de cette église avant tout préoccupée de son pouvoir, à la différence de Celui pour lequel elle s'était primitivement réunie, de Celui qui abandonna, mystère des mystères, sa "condition" d’immortel pour s’apparenter à la nôtre, pourtant si fugace!

La Porte des Lions en a souvent parlé, une mutation de notre psychisme eut lieu en Grèce entre le huitième et le quatrième siècle avant J.C.

Bien entendu, elle se fit jour un peu partout, ici et là, de manière plus ou moins synchronique, mais nous parlons de celle-là, car c’est là qu’elle est la mieux documentée, d’une part, et que, par ailleurs, des études magistrales comme celle de Jean-Pierre Vernant, entouré d’un collectif de chercheurs internationaux, correspondent (cela fait partie du non-dit !) aux enseignements discrets de l’occultisme véritable !

S’il était besoin de rassurer l’un ou l’autre de ceux qui sont arrivés jusque là, sachez que ce merveilleux Jean-Pierre Vernant était athée !…

Ayant souvent abordé ce sujet sur ce blog, et pour aller à l’essentiel, nous pouvons caractériser ainsi ce bouleversement : certains hommes de ce temps, à commencer par les héros retour de la guerre de Troie (Nous ne nous en sommes pas aperçu, mais Homère l'avait vu!), suivis un peu plus tard des initiés, physiciens à la ville, rebaptisés philosophes, s’autonomisent, doutent en secret de la vérité des dieux de la cité, à tout le moins de leur absoluité, s’intériorisent, ne dépendent plus du monde spirituel pour leurs moindres faits et gestes, pensées et sentiments, comme l’a parfaitement établi Jacqueline de Romilly 6

En clair, c'est du passage de l'irresponsabilité à la responsabilité, ce sentiment nouveau d'un Moi balbutiant, qu'il s'agit !

Bien entendu nous n'en parlerions même pas dans le contexte qui nous réunit, s'il s'agissait simplement de la responsabilité de nos actes, alors que nous sommes en face d'une prodigieuse mutation qui voit l'Homme jusqu'alors mû du dehors, soudain confronté à des choix, intériorisé, soumis à un nouveau maître qu'il peut mettre de coté en loucedé : sa conscience !  

Le mythe savait tout ça, il avait averti au moyen de la proto tragédie du rapt de Perséphone ! …

Pour traduire ces images mythiques en nos termes conceptuels, nous parlerons d'une intrication toujours plus étroite entre l'âme et le corps, au risque de la liberté, de nous y perdre aussi, de disparaître avec lui le jour venu ! ...

Cette nouvelle et progressive identification à ce corps merveilleux avait envahi le psychisme des Grecs de cette époque, pour atteindre son paroxysme chez l'Homme occidental, celui que nous croisons chaque jour dans la rue, dans les salles, ou dans le miroir publicitaire !

La réaction radicale de Socrate ne peut s'expliquer que dans ce nouveau contexte psychique, nous nous en sommes expliqués sur le Blog dans un précédent billet en date du 1er septembre 2023!


Ça, c’est l’analyse, mais quelle conclusion en tirer ?

Une seule : la nécessité morale et cosmique de notre liberté !

Car l'Un, le Trésor caché qui voulut être connu, le Dieu ensorcelé que les mystes entendaient réveiller en eux, s'Il n'attend rien de nous, Spinoza dixit, n'a, à tout le moins, que faire d'un multiple béat !

Restant dans l'attente bienveillante, patiente, aimante, de notre retour hypothétique, décidé librement, le temps de se mirer dans notre conscience, quand celle-ci prend conscience d'elle même ! ...

Tout notre drame est résumé dans la parabole de l'enfant prodigue et dans le mythe cosmique d'Oedipe, si l'on consent à ne pas regarder ce dernier par le petit bout de la lorgnette ! 7

"Nécessité" grosse toutefois (toute avancée se paye d'un recul, c'est une loi cosmique !) d'un enfermement résultant de ce que les Grecs nommaient "Oubli", ce léthé qu'ils venaient de faire migrer des portes de l'enfer, du royaume des ombres, au début de notre vie, ce royaume de ceux qui s'endorment à l'éveil, ne savent plus d'où ils viennent !

Puisque nous parlions plus haut de synchronisme, n'est-ce pas à peu près à la même époque que le Bouddha, peu réceptif à l'évolution, refusant de considérer l'histoire de l'Homme à la surface de Gaïa, incita les siens à se détacher de ce monde d'ignorance et de souffrance, pour n'y point revenir ? ...

"L'oubli", cette faute majeure que les penseurs de la Perse islamique ont pointée et objectivée sous le terme "d’exil de l'Occident !" 8

 

1 Curieusement, l’occident chrétien n’a pas "produit" son Maïmonide; s'affranchissant ainsi de la nécessaire compréhension de l'évolution du psychisme; pas de transition apaisée par conséquent, mais par contre, des affrontements violents entre ceux qui s'attardent à des images révolues et ceux qui n'ont plus foi qu'en leur seul jugement ! …

2 A ce sujet, nous avons déjà cité Démocrite : "Tel qu'en réalité est le réel, il est dans l'abîme, et nous en sommes à tout jamais exilés!" …

3 Nous avons désormais, avec la physique quantique, la chance inouïe, l’autorisation, l'obligation, de "penser contre notre cerveau", comme nous y exortait Gaston Bachelard, persuadé quant à lui, dans le sillage de Descartes, que cet instrument est seul à décider de la symphonie cosmique! …

4 Le passage de l'adoration des idoles au dieu ineffable ne se fit pas en claquant des doigts, c'est la raison pour laquelle, selon Maïmonide, anthropologue éclairé, Moïse dut présenter Yahvé sous des traits anthropocentriques !…

Il s'agit d'ailleurs de la même progression observée entre le mythe et la pensée conceptuelle, encore que l'Occident de la "table rase" n'a pas cherché, derrière "le maître de ceux qui savent", à comprendre le langage mythique, sa raison d'être à ce moment de l'histoire des hommes, se privant ainsi d'une mine à ciel ouvert pour édifier une anthropologie digne de ce nom, et non cette apparence savante et indigente qui a pignon sur rue et prend ses quartiers d'été, entre deux os et trois tessons de poteries, au contact de cultures fossiles ... 

Ce qui nous empêche en effet de traverser une porte fermée ou d'effondrer une chaise en nous asseyant, c'est, nous le savons désormais l'interaction répulsive entre les atomes de ces objets et ceux de notre corps physique. 

6 "Les luttes intérieures de l'âme" dans le Phèdre de Platon (You Tube). N'hésitant pas à citer les travaux décisifs de Bruno Snell, philologue allemand, cité également par Jean-Pierre Vernant.

Voire par "le petit bout de la braguette", cette fable affligeante que petit Sigmund devenu médiocre nous infligea pour l'érection de son problème personnel en place publique, ce afin que nul n'en ignore ! ...

Sohrawardi.

 

 

 

                                                                                                               

 

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