Le cercle, la ligne droite et la spirale !
Galilée avait prophétisé la nouvelle direction que devait prendre notre époque : "La nature est écrite en langage mathématique !" 1
Depuis lors, notre investigation de l’infiniment petit, comme
du cosmos, est très largement confiée aux équations, qui sont, peu le savent, une
nouvelle forme de géométrie, moins graphique, plus abstraite encore !
La Porte des Lions en reste à celle qui nous dit encore quelque chose, avec ses lignes, ses courbes, et ses angles de vue, susceptible de symboliser l’inexorable marche en avant de notre psychisme au travers des millénaires, cette relation à l’univers, longtemps passive, harmonieuse, intégrée, "soudain" perplexe, à partir de ce drôle de jour 2 où plus rien n'était comme avant, devenue douloureuse sur le tard, et qui nous annonce …
Avant que ne s’instaure, il y a peu, la petite dernière, la nôtre, fière
de pouvoir se passer des dieux pour expliquer ce mystère qui nous envahit, alors qu'au dire de quelques
boursouflés, il ne ferait plus mystère ! 3
Si l’on en revient aux symboles, la représentation que se
fit l’Homme du temps, fut d’abord cyclique, puis vectorielle, nous y sommes
encore, mais plus pour très longtemps ! …
Ce qui s’annonce, nous pouvons déjà en apercevoir, ici et là, les prémices, c’est le symbole de la spirale !
Flash-back !
Depuis
l’aube des temps, au moins depuis que survint cet étrange trouble, ce sentiment
confus d’une indicible séparation, notre prédécesseur à la surface de Gaïa prit alors, à son corps défendant, quelque distance avec mère nature, le temps
de se faire une représentation cyclique du temps ! 4
On
peut épier l’une des dernières manifestations de cette interminable phase, en
Grèce au temps d’Homère :
« Telles les générations des feuilles,
telles celles des hommes. Les feuilles, il en est que le vent répand à terre,
mais la sylve luxuriante en pousse d’autres, et survient la saison du
printemps ; de même les générations des hommes : l’une pousse l’autre
s’achève …
Iliade, VI.
C’est le temps de l’observation passive des
régularités, dirons-nous !
On ne sait pas ce qu’est un référentiel, seule
notre position sur le plancher des vaches, doublée de nos sens, peut juger des événements : le soleil se lève à
ma droite si je regarde le nord et se couche à ma gauche si je ne le perds pas
…
Le symbole est alors le serpent qui se mord la
queue ! En l’occurrence, il devait se la mordre en silence, car à cet instant nous dormons …
Pour en revenir au spectateur résigné tel que campé par Homère,
à quoi pourrait prétendre une feuille, à quel autre sort ? N’a-t-on jamais
entendu l’une d’entre elles dire en touchant le sol, avec toute la gravité
requise : il ne me reste plus qu’à en convenir, une page se tourne !
Telles les feuilles, tels les hommes qui ne
cherchent pas midi à quatorze heures; "c’est ainsi !" dirait l’animal s’il
était doué de notre langage, à supposer même qu'il réfléchisse à sa condition !
Que peut-on comprendre de ce temps où tout
revenait éternellement à son point de départ, où les cycles s’enchaînaient sans que l’on ne
puisse rien y faire, même pas imaginer ce que notre vie a d’unique ?
Mais soudain, le cercle s’est rompu !
"Tout s’écoule!", avait dit Héraclite avec un soupçon
de gravité, l’eau ne remonte pas la pente, non, opportuniste, elle choisit le
plus court chemin dont l’idéal serait la ligne droite, si ce n’était
l’opposition de la roche emmerdeuse …
Exit les cycles, les répétitions, le règne est
venu de l’impermanence dans les représentations, seule la chaîne des causalités
est susceptible d’éclairer le mystère du monde …
Ainsi, à l'évidence, ma naissance est cause de ma mort !
Ce passage du cercle au vecteur est la raison
pour laquelle nous ne pouvons plus rien comprendre à la Genèse qui ne parle pas
de "jours" au sens où nous l’entendons désormais, mais, par approximation, d’un "jour de Brahma", comme
disent nos amis orientaux, d’un "cycle cosmique" pour revenir à l'atelier …
Comment l’Eglise, qui avait charge d’âmes, a-t-elle
pu délivrer cette lecture littérale, cette inepte traduction d’une création en six de nos jours ?
Six jours et donc six nuits, le soleil
n’apparaissant bizarrement qu’en cours de route, pour ne prendre qu’un exemple! …
Certes, il y avait eu Origène qui avait bien
décelé l’inanité de cette lecture, mais, comme par ailleurs, il avait coupé
l’herbe sous le pied des accusateurs bien en chaire, prétendant qu’au bout du bout, une fois le dernier cycle achevé, tous seraient sauvés, on le jeta, et avec lui sa vision qui ne laissait aucune
place à l’emprise des juchés sur le dos du vulgaire !
D'ailleurs, si on ne lui avait pas fermé son bec, dites-moi, que
serait-il advenu du fromage des indulgences ?
Alors vint le temps de la révolte, ce temps où la
conscience du "Moi" commence à poindre qui ne goûte pas trop cette certitude
de l’impermanence qui nous emmène lentement - dans le meilleur des cas ! -mais sûrement,
à la mort, avec toute l’incertitude de ce qu’il adviendra alors de celui qui vient à
peine de naître : le Moi, ou le "Je", son porte-parole !…
C’est le temps des flèches, celle d'Eros nous inocule l'espoir d'un amour éternel, celle du temps nous
transperce !
En attendant qu’Einstein, l'homme pressé d'en finir avec tout ce qui peut contrarier ses présupposés - Eh oui, lui aussi ! - se débarrasse de ce temps vectoriel, purement psychologique !
Cette transition douloureuse, que l’on peut épier en Grèce, car elle y est bien documentée, transporte l’intérêt des hommes, de la cosmogonie qui se donne à voir dans la théogonie, vers l’eschatologie individuelle qui ne trouve alors pas trop d’endroits où aller se faire voir ! 5
Si ce n’est dans la tragédie qui, en l’espace de
trois générations, peu espacées il est vrai, oubliera l’universel pour s’attacher au singulier !
Le mouvement, c’est comme rien !
Galilée, toujours, qui vécut au temps venu du changement de référentiel décidé par Copernic : le centre est alors transféré en esprit, sous les sifflets de l’observation et les imprécations de l'Inquisition, de Gaïa à Hélios ...
Désormais, on en est encore à enseigner ce qui ne tombe pas sous le sens à ceux qui se lèvent toujours avec le soleil, alors, qu’en toute discrétion,
comme à huis-clos, le centre, décidément insatisfait, s'est à nouveau déplacé vers ce trou noir qui squatte
notre galaxie …
A moins qu'il n'en soit l'architecte ! ? ...
Les Elohim mystérieux en passe d'être détrônés par un vortex dont il ne fait pas bon s'approcher ! ?
Galilée, le penseur sans filet, ne pouvait savoir la
vitesse du bolide qui emporte tout dans sa course folle autour du soleil : le
plancher, les vaches, les hommes et les destins, sans que les seuls qui pourraient
l’ouvrir, n’aient jamais songé à demander de lever le pied dans les virages …
Car la vitesse est excessive (107 320 km/h), et
la trajectoire en spirale !
Heureusement la force centrifuge ne semble pas avoir voix au chapitre dans ce vertigineux ballet ! ...
Vitesse excessive ajoutée à celle du tapis roulant de l’héliosphère (817 000 km/h) !
Qu’en saurions-nous sans nos astronomes émérites ?
Rien, car nous ne ressentons rien : la vitesse
est comme rien !
Une vitesse atteinte sans accélération, voilà le rêve étrange du pilote de chasse que je ne suis pas ! ...
Il nous aura donc fallu tout ce temps pour
découvrir ce que les anciens Egyptiens savaient, au moins en partie, quand, de
cette danse de la Terre autour du soleil, ils pouvaient déduire quelque évènement à venir …
Ce savoir que nous avons oublié au point que nous
avons même oublié d’en rigoler !
Mais, pour qui sait le saisir, le moment est
sérieux, car nous savons désormais que les grands évènements de notre histoire
ne se déroulèrent pas aux mêmes endroits de la galaxie, loin s’en faut, et que
si nous voulons bien envisager que nous sommes dans une relation qui fait de
nous infiniment plus qu’une poussière d’étoiles, une intrication pouvons-nous désormais envisager, cette course apparemment folle
a peut-être une idée derrière la tête !
La spirale n’est pas le cercle, certes !
Selon l’angle
de vue, elle semble revenir à son point de départ, mais en réalité, à y regarder d'un peu plus près, c’est
toujours un peu plus loin …
La nature s’écrit en langage mathématique !
La suite de Fibonacci, que l’on retrouve non
formulée mais objectivée, un peu partout dans la nature et chez nos prédécesseurs qui avaient peut-être une autre utilité que celle de nous mettre en valeur, est, pour ne prendre qu’un
exemple, le code programmatique de la pomme de pin, pomme de pin que l’on retrouve dans nombre de mythes, en haut du thyrse de
Dionysos, ou, esseulée insolite, énigmatique dans une cour du Vatican qui s'est endormi sur ses secrets avant que ne vienne le mauvais réveil que voilà !…
La Porte des Lions n’a de cesse de recenser ce qu’avaient
vu en esprit nos prédécesseurs, et que l’on redécouvre au moyen de notre
cerveau, ce coucou mystérieusement déposé sous notre crâne, qui poussa les antiques et chaudes images
hors du nid !
Cet écart entre deux bras de la spirale, quand le cercle revient en apparence, mais en apparence seulement, à son point de départ, c’est la mesure de notre liberté à
cet instant de l’évolution !
1 Comme en écho à Platon, héritier de
Pythagore, qui admettait à certains de ses cours les seuls qui puissent
maîtriser cette discipline : "Nul n’entre ici s’il n’est géomètre !"
2 Il ne s'agit pas, bien entendu, d'un de nos jours de 24H, mais de durées "cosmiques", petits ou grands cycles, petit en l'occurrence, comme on aurait dû lire la Genèse qui attend toujours sa Pierre de Rosette! ...
3 Comme antidote à cette boursouflure,
nous recommandons vivement Jean-Philippe Uzan (Livres et conférences), astrophysicien, vulgarisateur d'un savoir précieux mais perdu : l'humilité, faisant preuve
d’un sympathique triomphe tout relatif !…
4 A quel moment de son évolution, cette
intrigante récapitulation, le petit de l’Homme commence à regarder sa mère
comme un objet, ou comme l’autre si l’on se veut idéaliste ?
5 Voir à ce sujet les travaux du regretté Jean-Pierre Vernant sur la Grèce antique (Conférences et essais ).