Télescopages !
Habituellement, ce mot évoque un choc, une destruction !
Au moins dans notre monde, car, dans le monde quantique, ces
rencontres violentes s’avèrent particulièrement fécondes, créant de nouveaux
objets, de nouveaux systèmes, affranchis pour certains des lois de l’espace-temps, après
avoir vraisemblablement procédé de la sorte au début de notre univers ! …
Nos représentations peuvent elles-mêmes évoluer, se
réinventer, pour peu que l’on organise devant leurs yeux fatigués, la rencontre
de savoirs que tout semble séparer : le temps souvent, la culture, nos
préjugés, sans oublier les Thénardier, ce couple infernal de la logique et du
bon sens, devenus, ni vu ni connu, propriétaires de notre conscience, alors que
du cosmos, il ne détenait qu’un mandat provisoire…
De la querelle Niels Bohr vs Einstein à l’intermonde des
soufis iraniens !
On sait que la logique d’Einstein, c’était-là son talon
d’Achille, s’est cassée les dents sur les lois pour lui pagailleuses du monde
quantique …
Encore faudrait-il nous interroger sur notre propension à exporter
les lois de notre monde sensible, au prétexte que, sur le tard, nous avons fini
par les dompter, à des mondes qui s’y montrent insensibles …
En ce monde rebelle, vierge de notre regard qui prétend imposer sa loi, un objet ne préexiste pas, au moins au leurre qu’il concède, bon
prince, à la mesure que nous lui imposons pour nous en faire une petite idée …
Niels Bohr, apparemment moins prévenu que son contradicteur,
ou, pour le dire autrement, hors d’influence, autant que faire se peut, des fantaisies
de la fée logique, lui expliqua que l’objet n’existe de telle ou telle manière qui
puisse satisfaire notre manière de voir, qu’à l’occasion d’une rencontre fortuite
entre son indétermination vitale et sa "mort" annoncée par la présence d’un appareil
de mesure …
Il n’ajouta pas, ou alors nous n’en n’avons rien su : "entre une
pensée cosmique qui n’a que faire de l’étendue, s’y sentirait à l’étroit, et cette autre,
ce succédané, abritée sous un crâne, qui, sans cette apparence, perd pied, se dissout !"
Dans le "fond sans fond", comme le "vit" Jacob Böhme, retour de l'abîme et contraint à nos pauvres mots ...
Quelques dizaines d’années plus tard, Henri Corbin, cet
homme utile aux siens, asséchés pour l'heure, assoiffés, imbibés parfois, arrivés à l’étiage de leur
exil, rapporta de son long séjour en Iran, le souvenir d’un intermonde, situé entre
le monde intelligible et notre monde sensible, que les successeurs ensoutanés de
l’empire romain s’étaient acharnés à nous faire oublier, depuis ce VIème siècle
où ces militaires nostalgiques de l’empire, avaient décidé que la théologie
était une affaire trop sérieuse pour la laisser aux théologiens …
Je vous laisse le soin de découvrir son enseignement, ou
plutôt sa transmission. Cet homme merveilleux tomba à point nommé dans un
occident qui lentement s’enfonce dans les ténèbres …
Deux mots seulement, propres à éclairer ce télescopage !
Dans cet intermonde auquel sont appelés quelques-uns de ceux qui l’appellent
de leurs vœux ou, tel Saul de Tarse, y sont conviés sans ménagement, la
rencontre avec l’ange ou toute autre entité spirituelle prend la forme que le psychisme de l'appelé peut entrevoir, en d’autres termes, de ce qui est à sa mesure ! …
C’est le lieu des théophanies, des résurrections, de la
pensée cosmique qui se donne à voir dans l’étendue !
Pour ceux qui ont haussé les épaules et voté avec les pieds
lorsque la critique positiviste s’attaqua aux évangiles, et plus
particulièrement à cette "fable" de la résurrection, ce télescopage permet de
remettre en perspective ce mystère d’entre les mystères, cette pierre angulaire
du christianisme, sans laquelle il s’effondre …
Un seul exemple avant que chacun mène, si le cœur lui en dit, son étude plus approfondie : à
Marie-Madeleine, la toute première, il apparut !
Cependant, l’évangile précise que, pour autant qu’elle soit
certaine que c’était Lui, il ne lui ressemblait pas trait pour trait, avait
l’apparence d’un jardinier …
Interprétation libre de votre serviteur : dans les
représentations de cette femme qu’il avait sauvé de la violence des hommes,
était-il celui qui avait embelli sa vie, comme celle de beaucoup
d’autres ?
Lorsque l’un de nos proches disparait, à quel souvenir le
réduisons-nous, quel aspect de sa personnalité évidemment complexe est, et
reste à notre mesure ?
Quand deux difficultés s’éclairent l’une l’autre !
C’est bien souvent avec un inextricable mélange de dédain convenu
et d’admiration secrète que nous disons de celui qui s’est affranchi des lois
humaines, du regard des autres : c’est un électron libre ! …
Avant, bien avant, de ne plus pouvoir nous passer de
certains objets issus de la recherche fondamentale en physique quantique, nous
nous sommes servis des descriptions émanant de cette nouvelle discipline pour
enrichir notre vocabulaire de cette image visant à caractériser un comportement
inhabituel.
Dans les deux cas, il est à remarquer que peu nous chaut de
savoir à qui nous devons ces nouvelles facilités ! …
Avec la tournure d’esprit qui était la sienne, Paul Dirac aurait
pu constater notre propension à ne point nous attarder, à escamoter toute réflexion
au profit de l’immédiat, de l’utile, considéré comme tel, à tout le moins …
Pour les Rouletabille du réel - personnage de fiction né avec
la physique quantique - jamais blasés, prompts à s’émerveiller, à questionner leurs
questions, dépressifs, juste ce qu’il faut, il y a cette énigme qui apparaît au
bout de l’enquête, et qui instille le doute sur ce qu’il en est vraiment du
réel !
En effet, derrière sa loupe, aujourd’hui remplacée par les
équations et le LHC, ne découvre-t-il pas que le véritable électron, s’il ne se
sait pas observé, se fiche pas mal de nos lois sociales, cela va sans dire,
mais plus encore des lois physiques qui nous contraignent, nous confinent au
local, à la fragmentation du réel, nous obligent à patiemment tisser notre
toile, dans l’espoir de retrouver un motif, un sens général qui pourrait nous
apaiser, comme Pénélope ou l’araignée, patientes, appliquées, réfugiées pour l’heure dans les greniers
abandonnés de la mythologie grecque …*
Lui, l’électron, peut passer par deux endroits en même
temps, sans pour autant se désunir, et partant, si comme nous, il disposait
d’une conscience – mais sommes-nous bien sûrs de ce déficit ? - il pourrait
soutenir avec la même ardeur deux opinions contradictoires …
Ce que tenta, soit dit en passant, la première philosophie
grecque des sophistes, malheureusement éconduits par Platon, qui, pour être
expérimentale, était réellement plus proche de la nature qu’aucun physicien cérébral
ne saurait l’être désormais …
A part Einstein, qui disait à qui ne voulut pas l’entendre, avoir une "pensée musculaire", ce dont ses admirateurs positivistes, légèrement gênés aux entournures par cette tournure d’esprit, ne parlent pas trop ! …
Ne leur parlons pas alors de son expérience quotidienne de
la sieste sur un tabouret, garant de ce que cet instant fugace qui précède
notre réveil, où s’attardent nos rêves, livre ses secrets avant d’être happé
par le monde sensible …
Les initiés antiques, comme certains occultistes, savent
que ce que nous appelons réveil est en réalité un voile opaque jeté sur les
révélations de la nuit, fussent-elles incompréhensibles lorsque, pour se faire
comprendre - qui pourrait leur en vouloir ? - , elles empruntent des images
de notre monde sensible …
Nos biographies sont idéologiques, esclaves de nos représentations,
ces descendantes en ligne droite des rois fainéants ; il est évident que la complexité de ceux qui les
suscitent n’intéresse pas notre désir de simplification
…
Ainsi, qui sait que Descartes, se faisant écho des antiques, et en plein accord avec l’investigation spirituelle, parla de cette émanation, de
cette éthérisation du sang qui, du cœur, monte vers le cerveau et produit la pensée ?
Une pensée, héritière de la plasticité intellectuelle des
sophistes et de la révélation apportée par Saul de Tarse à l’aéropage athénien,
proposa aux insatisfaits des premiers siècles, inquiets de ce qu’il restait de Dieu
après ce télescopage, d’emprunter simultanément deux chemins : l’un, pavé des
superlatifs déduits de son omniprésence supposée ou intensément vécue dans la
beauté diaprée des phénomènes, l’autre qui le dépouillait sans vergogne de tout
ce qui peut représenter une valeur à nos yeux …
Théologie positive donc, dans un premier temps; négative,
apophatique, dans un second temps …
Encore que, Denis l’aréopagite demandait aux mystiques en
herbe, s’interdisant d’en fumer, d’emprunter ces deux chemins en même temps …
Et d’ajouter que, c’est au croisement de ces deux chemins,
que, le cas échéant, ils pourraient se faire une petite idée …
Une aporie, disent ceux qui veulent rester entre eux !
A tout le moins à distance raisonnable de ce monde qui
semble avoir perdu la raison !
Car en effet, si notre conscience ne semble pas capable de réussir
cet exploit, l’électron en fait son quotidien qui passe en même temps par les
deux fentes de Young au prix d’un léger transformisme, et finit par se
rejoindre dans ce que l’on appelle des franges d’interférence, expression qui à
l’évidence manquait à Denys, qui, comme Galilée, et à défaut de moyens
techniques, en était réduit aux expériences de pensée ! …**
Ce qui pose une autre question : de quelle nature est
notre conscience ?
Peut-elle être non locale ? ... A tout le moins, fut-elle un jour non
locale ?
De très récents travaux menés à l’université de Dublin, semblent conclure à une nature quantique de la conscience, d’où votre serviteur pourrait déduire que Denys n’était ni trop ambitieux, ni schizophrène, et que l’approche de la divinité ne peut se faire comme dans notre monde sensible, selon telle ou telle trajectoire, mais par un mouvement total de l’être !
Ce qui est sûr, c’est que lorsqu’elle se prend elle-même pour
objet, elle ne peut que constater son interdépendance avec le monde dit sensible,
sans pour autant évacuer une certaine nostalgie qui trouva à s’exprimer dans
les légendes et désormais dans la science-fiction …
Conscience : locale, non locale ?
Lorsqu’Alain Aspect, "french big moustache", sacré Prix Nobel
de Physique 2022, imposa, au terme de sa grande vadrouille en pays occupé par l’uniforme
logique, l’étonnant phénomène de l’intrication, une nouvelle ère s’ouvrait,
pleine d’espoirs !
Bien entendu, s’il s’agissait à cette occasion, de revoir
notre copie concernant des personnages et des visions du monde que nous ne "calculions" plus, nous fûmes vite déçus, puisque l’opportunité était, selon les
nouveaux visionnaires, de calculer toujours plus vite à l’aide de cet
ordinateur quantique …
En attendant cette prodigieuse évolution au service de la guerre que
l’Homme fait à son semblable, comme un chien aboie devant un miroir, et pour
qui souhaite en savoir un peu plus sur "l’autre", "le tout autre", prenons un exemple aujourd’hui méconnu, mais
qui suscita l’intérêt du jeune Napoléon qui, à l’époque rêvait de conquêtes
plus essentielles, j’ai nommé Apollonius de Tyane !…
Hélas, trois fois hélas ! … l’essai qu’il lui consacra, a
disparu en même temps que la mémoire que nous en avons...
En deux mots : contemporain de Jésus, mais à sa
différence, connu et respecté sur l’ensemble des terres connues autour de la
méditerranée, se produisait Apollonius de Tyane, initié, thaumaturge, homme du
passé, doté de réels pouvoirs, bien au fait, notamment du mécanisme occulte de
la violence, de ce qu’il convenait d’en faire; prêtre du vieil adage, opérationnel
un temps, rationnel, pragmatique somme toute, avant l’heure sonnée de la morale, selon lequel "il vaut mieux qu’un seul meurt afin que tous survivent !"…
Confronté aux docteurs de la Loi qui faisait la loi en
Palestine, il aurait accepté, voire encouragé la lapidation de la femme
adultère …
En d’autres lieux, en d’autres circonstances, plus troublées
encore, il avait prouvé que cela "marchait" toujours, la preuve en était que le calme
était revenu ! ***
Si l’épisode de "la femme adultère" marque la révolution
morale de l’humanité qui abandonne la loi extérieure pour la conscience morale,
les arguments d’autorité pour l’exigence de la vérité, la scène qui va suivre sanctionne
la fin d’un monde où le psychisme de certains hommes, attardés de l’évolution, était
encore non local …
Bien entendu, Apollonios, comme Plotin un peu plus tard,
sont des cas de plus en plus minoritaires en leurs époques respectives, et
comme tels, considérés comme des fous par les époques ultérieures, des exemples
à combattre par les "pignons sur rue" de la rationalité, aristotéliciens et autres "sorbonnards bornés", jusqu’à être évacués de notre mémoire devenue de plus en plus
sélective, amoindrie, anémiée, sous le joug de la raison qui dit connaître le
chemin …
Frappe, frappe !
Nous sommes le 18 septembre 96 : Apollonius, alors présent en Grèce, interrompt soudainement sa
conversation pour, tout à la fois, assister et intervenir dans l’assassinat à Rome de
l’Empereur Domitien, avec lequel il eut maille à partir en d’autres temps …
En physique quantique, on nous dit que deux particules qui
se rencontrent brutalement - comment pourraient-elles faire autrement dans
ce monde où télescopage et friction sont à l’origine des formes ? -
interagissent, puis se séparent, restent pour autant inséparables, quelle que soit la
distance qui ne saurait disperser leur mémoire commune …
La conscience individuelle, parcelle d’une conscience collective, non
locale, mise en miettes, dispersée, patiemment reconstruite sous chaque crâne en voie de durcissement, dans un face à face
tendu avec ce monde devenu mystérieux, local disons-nous, a-t-elle oublié son
origine ?
A ceux de nos brillants épistémologues qui avouent ne pas
connaître son origine, je ne saurais que conseiller la lecture éclairée de la
mythologie grecque, notamment de tout ce qui tourne autour des deux Dionysos et de Perséphone …
*"S’il ne se sait pas observé !" ... Comme il est étrange ce
pouvoir de notre regard : d’une part, il semble contraindre le monde quantique à
jouer un rôle en vue de satisfaire son besoin "d'y mettre de l'ordre", d’autre part, il
tue la lumière qui pourtant vient jusqu'à lui et l'informe de la marche du monde! Serait-ce là une vengeance inconsciente de son indigence,
de ne voir plus que "si peu", depuis la disparition progressive de la vision en esprit ?
**Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de scruter ce qui se
passe derrière la palissade, "soulever le voile d’Isis", disait-on avant le grand chantier de la rationalité, l’expérience des fentes de Young, primordiale pour
qui veut accéder au mystère quantique, est à dispo en vidéo sur internet, qui se
rachète ainsi une conduite ... Il faut nous y résoudre, notre monde
est un inextricable mélange ! …
*** Voir les travaux de René Girard sur la violence mimétique, considérables, nécessaires!