Le Dieu des premiers chrétiens décidait-il encore de quelque chose ? ...

« Que ta volonté soit faite, sur la Terre comme au ciel ! »

Qu’est-ce à dire ?

Dieu ne serait donc pas tout puissant ?

Il aurait besoin de cette incitation, de cet encouragement de l’Homme pour accomplir son dessein ?

Cette prière, récitée depuis des lustres, "parfois" machinalement, par des milliards de chrétiens, ne recèle-t-elle pas une monstrueuse prétention de l’Homme, et pour tout dire un blasphème ?

Alors, puisque nous y sommes, puisque, miraculeusement, la scène de crime de lèse-majesté est intacte, qui est le coupable de cette infamie ?

Curieusement, l’enquête fut facile à mener : l’évangile selon Mathieu désigne en effet clairement le galiléen comme responsable de cette déflagration potentielle *…

Il faut dire que Celui vers lequel il orientait l’attention des siens, ne ressemblait à rien de connu, en tout cas pas aux hommes, comme il fut reproché aux dévergondés de l’Olympe, ni à ses concurrents du moment, toujours très actifs et qui proliféraient, ni même à son prédécesseur local !

Il n’était pas jaloux, ne réclamait pas de sacrifices sanglants pour prêter l’oreille aux éternels quémandeurs que nous étions devenus …

S’il n’était pas ceci ou cela, s’il n’attendait rien de notre violence, rien de notre ignorance, on ne pouvait donc, ni s’identifier, ni l’amadouer au prix de quelque victime sacrificielle !

Comment alors entrer en contact avec lui ?

Était-il celui qui les résumait tous, et tout à la fois, celui dont l’image avait évolué au rythme des changements qui s’opéraient sous le crâne de l’Homme ?

Quelle fut la réaction des disciples lorsqu’ils comprirent, qu'au détour des salutations d’usage, c’était à eux de décider de l’intervention du tout puissant ? …

L’histoire ne le dit pas, puisqu’aussi bien, ceux qui se disent encore chrétiens, tout à leurs activités sociales, à leur oubli du mystère, ne font toujours pas mine de s’en émouvoir …

"Comme au ciel" : qui plus est, comme s’il n’y suffisait pas, c’était à l’Homme d’intervenir dans le jeu mystérieux des forces qui agitaient le monde suprasensible où tout, apparemment, là non plus, n’allait de soi ! …

Vous l’aurez compris, nous voilà entraînés dans des eaux dangereuses où nous ne savons plus nager, et pour tout dire, accablés par cette époque où l’on ne peut plus rien dire sans risquer le doux bûcher des réseaux sociaux, est-il bien utile de médiatiser ce crime de lèse-majesté ?


A moins que ! …

A moins qu’il ne s’agisse-là d’un mystère à côté duquel nous sommes passés depuis des siècles, de toute bonne foi, pourrait-on dire ! …

Qu’il ne s’agisse-là, exprimé en quelques mots, affranchis des limites de la mémoire humaine, curieusement inexplorés, enfouis sous des siècles de récitation machinale, du véritable génie du christianisme !

De quoi s’agit-il ?

Comment comprendre cette étrange parole, si on ne la resitue pas dans l’évolution cosmique dont l’Homme, il est vrai, ne savait rien ou presque, jusqu’il y a peu, jusqu’à Einstein lui-même ?

Poussières d’étoiles !

Il est vrai qu’au temps de son immobilité apparente, avant que Copernic n’apporte son grain de sable au manège pervers de l'intermittent du spectacle, avant donc d’être expulsés, nous étions au centre de toutes les attentions, bonnes ou mauvaises, certes, mais au moins ne pouvait-on nous ignorer …

Désormais émigrés dans la banlieue du soleil, avant celle plus lointaine de la galaxie, qui elle-même ne semble pas bénéficier d’une place à part dans ce cosmos où rien ne reste bien longtemps en place !…

Bref, il fallait nous y résoudre : nous étions désormais absents du lieu où tout se décide, si tant est que ce qui se décide ait besoin d’un lieu !

Mais, entêtés que nous sommes, nostalgiques sans doute, il ne nous fallut pas longtemps pour être de retour, par la petite porte certes, puisqu’il ne s’agit pas de ce que nous avons de bien particulier, mais de nos particules !…

Au moins sommes-nous cohérents, car, de "descendants du singe" à "poussières d’étoiles", la seule généalogie qui nous intéresse désormais passe par l’intransigeant gardien de nos représentations, notre dernier dieu en date, notre corps vénéré, au moins le temps qu’il veut bien nous accorder, et qui nous emmènera avec lui dans sa déliquescence, le jour où notre prosternation ne lui suffira plus !

Alors, pour revenir à nos moutons, à quoi bon torturer ce qui est devenu un mantra pour tous ceux qui n’avaient pas le bonheur de connaître ce nouveau dieu, les incessants sacrifices qu'il nous impose, paradoxe de cette nouvelle religion, car il a besoin de nous pour rester en vie ?

Le dieu du galiléen, lui, avait besoin de l’Homme, non pour rester en vie, cela va de soi, mais pour que sa volonté soit faite !

Comment donc passer du dieu vengeur, jaloux, de la Bible à celui-là qui semble nous attendre, dans une forme de renoncement ?

A moins qu’il ne s’agisse-là de deux modalités d’une interdépendance dont seule l’évolution décide ?

Flash-back !

Avec toute l’humilité qui convient en la circonstance, je vous propose une interprétation de ces paroles étranges, pour peu que l’on veuille bien entendre ce qu’elles disent à bas-bruit !

A l’évidence, elles ne peuvent pas provenir d’une anthropologie humaine, car elles embrassent en un seul tableau : le lointain passé, le présent et l’incertain futur de l’Homme, depuis ce que Moïse a ressenti comme une chute, jusqu’à la réintégration finale, si l’Homme en décide ainsi !

Un visionnaire toutefois avait envisagé ce possible futur de l’Homme, par ses propres forces, mais l’Eglise, inquiète de son pouvoir ainsi menacé, rapidement le fit taire …

Comment admettre en effet le scénario angélique de ce trublion, délétère pour sa mainmise sur les représentations adossées à la peur ?

Bref, en aparté, tout ce que détestait le galiléen, et qu’il fit savoir de la façon la plus ferme aux pharisiens, hypocrites précurseurs des prédicateurs de l’enfer et autres jésuites addict au secret et à la fréquentation des élites …

Celui qui avait senti, exprimé avec des mots accessibles aux occidentaux, le souffle de Brahma derrière le mystère cosmique, processus mystérieux qui menait de l’Un au multiple, et du multiple à l’un, s’appelait Origène …

Expulsé de notre mémoire, et partant, de notre conscience, il aurait pu, il me semble - ou alors qu’il me pardonne ! - interpréter, mettre en perspective, cette inconcevable invite du galiléen, de la manière suivante :

La chute est un processus continu, l’histoire d’une liberté, d’un affranchissement, d’un exil, où se joue le destin, mais plus encore, l’évolution de l’Homme, cette nouvelle entité spirituelle …

Migrant d’un état primordial de béatitude, du "cela va de soi" - si l’on peut dire ! - au pays hostile, incompréhensible, mystérieux, et qui se dérobe, de "la chose en soi"…

Se débarrassant progressivement d’une pensée cosmique qui l’anime, mais dont il n’a pas conscience, pour une pensée propre, fut-elle  indigente, limitée, enfermée désormais dans la prison des sens et du bon sens, dans leur commune limite ...

Pas au point d’oublier tout de même "qu’un petit chez soi vaut mieux qu’un grand chez les autres !"

Le plus grand anthropologue que Gaïa ait jamais porté, lui, avait vu que ce qu’il se passait dans le cosmos, allait désormais se produire au sein-même de cette miniature évolutive, réfugiée sous un crâne toujours plus dur, toujours plus refermé …

Il avait observé que la nécessaire fragmentation, différenciation, de l’âme-groupe de notre entité, d'une conscience globale - non-propriétaire dirions-nous désormais !-,  tout d’abord ressentie comme une chute, puis, comme une perception, une grâce, ne résisterait pas éternellement à la volonté d'appropriation individuelle, jusqu’au jour où ce subreptice holdup permettrait à l’un des nôtres d’effacer son doute existentiel d’un trait d’esprit logique, d’affirmer la rupture, de sanctuariser l'appropriation : " je pense, donc je suis !"

Deux mythes grecs, ce savoir supérieur, décrivent cette fragmentation de l’âme du monde, de l’âme de l’Homme, cette lente différenciation, cette individualisation, cette appropriation somme toute récente par les bénéficiaires de ce don du cosmos, et c’est la mise en pièces de Dionysos Zagros suivie du rapt de Perséphone …

Pour accepter ce renversement des préséances entre l’Homme et Dieu, il est nécessaire de se déplacer dans le temps pour voir ce qu’il se passât récemment sous deux crânes appartenant à deux hommes considérés comme les plus intelligents d’entre nous !

Einstein et Spinoza ont en commun d’avoir pris leurs distances avec le Dieu de la bible, désaveu réitéré, alors que depuis longtemps ils n’étaient plus adolescents …

D’un même élan, ils reportèrent leur vénération sur la logique, que les anciens grecs, ceci dit au passage, auraient déifiée, comme ils le firent notamment pour la mémoire …

Einstein, plus nuancé tout de même, qui laissait une place à son profond sentiment devant les mystères du monde, partagé entre son maître en intelligence Spinoza et son sentiment intérieur, pascalien : "le cœur a ses raisons que la raison ignore !" **

Spinoza plus radical, dont le dieu ne peut que correspondre à sa parèdre logique que, jusqu'à lui, l'Homme, semble-t-il, n'avait pas aperçue …

En deux mots : à la différence de l’Homme, Dieu est parfait, il faut donc le débarrasser des oripeaux dont nous l’avons affublé, de nos propres insuffisances, de nos travers, parmi lesquels la volonté, le désir …

C’est logique !

Ainsi, le Notre Père ne devait-il pas poser de problème à Baruch, évacué d'emblée comme inepte ! …

Quelle était en effet, cette volonté misérable dont nous avions affublé Dieu, et, qu'en est-il de la nôtre, dès lors qu'il s'agit "in fine" de dissoudre notre "moi", de disparaître dans cette substance qui, invariablement se déversera dans ceux qui à leur tour se prendront pour un "moi" ? …

A ce moment de son exil, l'occident a considéré, et considère toujours, dans quelques cercles restreints qui tournent en rond, que Spinoza est ce que l'on fait de mieux en matière de libération, confondant ainsi sa juste critique des religions, avec sa réduction du mystère des mystères à la triviale logique ...

Christos, par la bouche de Jésus, savait la nécessité de ces dérives, savait les circonvolutions de l’évolution qui menait de l’Homme céleste à l’Homme terrestre, en attendant la suite, savait ce qu’il en est de la Liberté, Lui qui fit un trait sur la sienne pour accompagner celle des hommes, pour cette incarnation dont il savait pertinemment comment elle se terminerait …

Par ceux qui ne se sont pas reconnus en lui, qui se sont foulés aux pieds, il fut crucifié sur le mont du Golgotha !

Le mont du crâne …

 

 

*C’est en effet le seul évangile canonique où figure cette phrase révolutionnaire ! Alors, les nouveaux inquisiteurs déguisés en philologues, passant leurs nerfs sur l'apparent ventre mou des textes, s’en sont donnés à cœur joie …

Pour exemple : pour ces déconstructeurs à la petite semaine, géologues contrariés, la répétition dans une épopée signale une addition de différents textes, les notions de mémoire rythmique ou de mantra leur étant étrangères, dans les deux sens du mot ...

Que dire de ce tintamarre qui fit oublier la patiente, anonyme, et silencieuse étude ?

Enfants de la table rase et de la Terreur, n’ont-ils pas, ceux-là, fait monter dans la charrette tragique, Adam, Abraham, Moïse, la bible, les évangiles, Homère, Jésus, Shakespeare ? ...

Soucieux de l'évolution du psychisme de tout un chacun, Jésus parlait aux uns au moyen de paraboles, aux autres par quelque concept, à certains de ses proches, en divulguant pas à pas certains mystères, à d'autres encore, en apparaissant dans ce monde imaginal, cet intermonde qui nous fut rapporté en temps utile par Henri Corbin, cet homme venu à temps !…

Chaque évangéliste, appartenant à des écoles initiatiques distinctes, s’est intéressé plus particulièrement à tel ou tel aspect de ce qui reste, aujourd’hui encore, un mystère …

Les uns, à celui de cet homme qui s’élève vers la divinité, lui bâtit un temple intérieur, les autres, à cette entité qui s’abaisse …

Pour ne prendre qu’un exemple, Marc et Jean commencent au baptême, leur focale est sur ce que Zoroastre appelait Ahura Mazda, la grande aura, le Christ cosmique …

Mathieu sait que Jésus, l'homme qui s'élève, habité un temps par le logos, devient le plus grand anthropologue que Gaïa n’ait jamais porté !

Il sait que la prière qu’il enseigne correspond à une inversion du chemin de l’Homme, à une remontée vers sa véritable patrie, oubliée au prix de sa liberté, ce qui correspond en première approximation au yoga de Patanjali enseigné aux orientaux, encore qu’il n’y a là, à l'évidence, point de haine de l’expérience terrestre, et, bien plus encore, la conversion n’est pas réservée à une fine élite capable de la dure ascèse, mais proposée au libre choix de chacun …

**  Sa logique, en tout point semblable à la nôtre, "inertielle", installée, éloigna Einstein de l'acceptation de "l'anarchie" supposée du monde quantique. Cet aspect retardataire de sa personnalité a été discrètement mis en lumière, avant de retourner à l'oubli, par le sympathique Prix Nobel français de physique 2022. 

Epitaphe :

Pour avoir été un génie, il fut d'abord un homme, sommé de répondre à la nécessaire évolution de notre psychisme ; singulièrement bousculé, il est vrai, depuis quelques décades !... 

Il est vrai aussi qu'Einstein était rétif à la chose militaire, aussi ne répondit-il pas aux sommations !...

 

 

 


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