Finalement, le Big Bang aura duré moins longtemps que la Genèse !

Selon la manière dont vous avez interprété cette drôle de comparaison, vous bénéficierez d’une information cruciale sur votre état d’esprit à l’orée de l’article qui va suivre …

En effet, s’agit-il de comparer une fraction de seconde aux six "longs jours" de la Genèse, de détrôner la science au profit d’une vieille lune, ou d’observer la fragilité croissante de nos représentations ? …

Au départ, le Big Bang est un canular, paradoxalement pris au sérieux, acheté au "cul du camion", pourrait-on dire de cette adhésion populaire qui se passât d’intermédiaires …

Tandis que la Genèse, si longtemps sanctuarisée, fait désormais l’effet d’une blague !

Pour la petite histoire !

Années 50 : réputé savant et bon communicant, mais incapable d’expliquer au journaliste de la BBC cette hypothèse à laquelle, pour tout dire, il ne croyait pas, l’astronome Fred Hoyle s’en sort par une pirouette, par cette désormais célèbre onomatopée, qui, pense-t-il, va ridiculiser cette approche fantaisiste, condamnée de la sorte à faire « pschitt » !

Comme quoi ! …

Toutefois, un destin commun attendait ces deux genèses dans un univers étrange, mouvant, apparemment stable pour qui se contente de la surface des choses, mais en réalité imprévisible, superposé, chaotique en somme, j’ai nommé nos représentations !

Le plus souvent collectives, mimétiques, elles peuvent nous conduire à la guerre, comme à la fuite ; à la lapidation du bouc émissaire ou à la compassion pour le coupable ; à la communion des ovations suivie sans autre, de la surenchère des insultes, à l’indifférence aussi, lorsque, pour le "moi", soudain seul, l’heure n’est décidément pas à l’émoi …

En d’autres termes, sous des dehors monolithiques, serions-nous incertains, indéterminés, prêts à toutes les aventures, dès lors que le regard des autres nous y invite ?

En résumé, le Big Bang, c’était simple à comprendre, à la portée du plus grand nombre ; quant aux six jours de la création, cela put manifestement convenir à des générations de simplets, mais, franchement, entre nous ! …

Après l’adhésion massive, systématiquement encadrée pour la Genèse, immédiate, pour la première onomatopée devenue scientifique, vint le désir chez certains, incertains de nature, solitaires, en rupture de doxa, de ne point se payer de mots ou d’images, fussent-ils apaisants pour notre angoisse existentielle …

Pour ces empêcheurs de tourner en rond, analystes, adeptes de la critique historique, physiciens tondus d’un seul côté, dans un cas comme dans l’autre, c’est à en perdre son latin, car pour qui s’y penche un tant soit peu, s’invite un trouble-fête …

Pour se pousser du col dans les dîners en ville ou sur les estrades bavardes, on appelle cet inexistant, ce moins que rien, cet impensable : ex nihilo ! …

Mais là, notre raison s’arrête, au bord du gouffre, au bord vertigineux de ce fond sans fond, que seuls les mystiques et la mythologie purent côtoyer …

C’est là que l’affaire se gâte !

Contre toute convention, et avant d’aller plus loin, voici une première conclusion qui nous permettra de ne pas abandonner en chemin, tant ce qui va suivre est contraire à ce que nous savons !

Ou que nous croyons savoir, aurait ajouté Socrate, ce précurseur du "reset" !

Notre récent rejet de l’antique Genèse, comme notre actuel doute, tôt venu, il est vrai, de la singularité du Big bang, ont une seule et même cause, principale : notre oubli d’un temps où notre temps n’existait pas encore - temps psychologique avait dit Einstein ! - où ce temps vectoriel n’avait pas détrôné le temps cyclique, où ce temps qui est le nôtre et s’enfuie de cause en effet, de notre naissance à notre mort, ne nous troublait pas encore, ne nous était pas compté, où les cycles cosmiques n’avaient pas encore fait place au court destin de l’individu …

Ce drame de la métamorphose de nos représentations, Protagoras, encore à faible distance temporelle des cycles homériques, l’avait tout à la fois théorisé et prophétisé : "l’Homme n’est-il pas la mesure de toutes choses ! " 

Protagoras, formidable prophète, malheureusement éconduit par Platon, annonçait une époque qui n’en finit pas de s’achever sous nos yeux.

Pilate, un peu plus tard, n’avait pas attendu la réponse du galiléen à sa question, celle centrale qui résumait l’immense quête de l’antiquité : "qu’est-ce que la vérité ?"  … sans plus attendre, il avait résolument tourné les talons, visionnaire désabusé d’une époque qui nous annonçait …

Nous avons oublié la dérobade de Pilate, mais tout bien considéré, quand, machinalement, l’on demande à cet inconnu "si familier" de passage : comment ça va ? … qu’avons-nous bien à faire de sa réponse, de sa vérité, de celle qu’il garde pour lui, en sa grande noblesse, ou bien encore, résigné au jeu des apparences, renonce à souligner notre inconséquence ?

Pour le Big Bang, la physique saura rebondir …

Le temps est révolu où, faute de moyens et d’audience, Galilée transportait son labo dans sa tête ;  les physiciens ont désormais pignon sur rue, et le labo rutilant qui dit la vérité, a remplacé la petite église désaffectée où même les grenouilles ne viennent plus s’abreuver …

On a désormais le sens du marketing, besoin de beaucoup d’argent, alors, on le laisse en vitrine où il plaît toujours au chaland …

Mais, pas folle la guêpe, dans l’arrière-boutique on s’active autour de ce qui pourrait l’étayer, le rendre acceptable, comme ce Big Bounce,  cette diplomatique phase de transition, et, s’il n’y suffit pas, si la populace menace, tape au carreau, l’on pourra toujours proposer une alternative comme le trou noir, cette vertigineuse origine du monde que les puritains ne sauraient voir en peinture, ou bien ce vide quantique si plein d’espoirs … bref, retrouver un peu de tranquillité, le temps que les gens, "le vulgaire", comme disaient les théologiens au nord et au sud de la Méditerranée, tentent de comprendre ces concepts non réductibles à une onomatopée ! …

Pour la Genèse, la messe est dite !

Qui voudrait aujourd’hui combattre pour rétablir l’honneur de ce conte pour enfants, pensez donc : une création accomplie en six jours … j'en passe, et des meilleures !

Il est vrai que si le big bang prit beaucoup moins de temps, lui au moins, dispose du label scientifique ! …

Pour tout dire, si l’on veut bien être honnête, cette histoire à dormir debout sur laquelle les ensoutanés de Rome ont assis leur pouvoir pendant deux millénaires, mérite-t-elle qu’on l’exhume d’un oubli somme tout récent ?

Notre liberté est si fragile, on ne sait jamais, s’ils en profitaient pour revenir ! …

Eh bien, si l’on rêve vraiment de liberté, la première d’entre toutes consisterait à nous libérer de nos anachronismes, de notre orgueil imbécile, insupportables associés, suborneurs de vérité, dont, fort heureusement, le passé n’avait que faire qui entendait parvenir jusqu’à nous ! *

Notre premier anachronisme consiste à plaquer sur le récit de la création, notre conception, somme toute récente d’un temps linéaire, vectoriel …

La rétrospection clairvoyante de Moïse porte en effet sur six cycles cosmiques qu’il appelle jours, pour mieux se faire comprendre des siens, prisonniers encore de la chaude image qui dit le réel, non contaminés par notre représentation conceptuelle d’un univers refroidi …

Pionnier de l’histoire linéaire, un peu avant les grecs - rendons à César ce qui revient à César -, il évoque sans trop s'y attarder, ces cycles cosmiques dont les hindous parlaient déjà, avec cette dévotion qui nous fait cruellement défaut, comme d’"un jour de Brahma" !…

Mais, à ces derniers il sera beaucoup pardonné, car ils furent les premiers ! …

Les érudits du Talmud qui savent ce que parler veut dire et surtout ne pas dire, ont mis à jour la présence incontestable du vent, des eaux et du feu, avant que ne se lève le premier jour !…

Pour les astrophysiciens qui souhaiteraient s’interroger avant de juger, le soleil n’apparaît qu’au quatrième jour de la création !

Et pour les occidentaux rigolards : Adam n’est pas un individu, il n’est pas non plus l’Homme, il est l’Homme terrestre - littéralement "fait de boue"- et, le temps de revenir à soi, de reprendre ses esprits, par cette appellation restrictive, il suppose l’Homme céleste !

Ici, il est vrai, certains vont s’esclaffer, se taper sur le ventre, comme en ces instants charnières où notre ricanement nous sauve de notre ignorance !

Les anthropologues disent que le sourire qui découvre les dents est primitivement la réponse instinctive à un danger !…

Les détracteurs récents de la Genèse savaient-ils lire ? … en avaient-ils envie ? … ou plus probablement s’adressèrent-ils à des hommes si pressés d’en finir, qu’à l’étude rigoureuse du texte ils préférèrent la pêche à la ligne ?

Encore faut-il ajouter les Elohim à ce prélude cosmique, décidément plus encombré qu’il n’y parait de prime abord, entités divines que l’Occident encore oriental considérait comme primordiales quand, dans les synagogues de Galilée, acharnées à trouver la synthèse entre la prophétie juive et la philosophie grecque, survint la thèse d’un mécanicien nommé Aristote qui leur préférait la notion écologique de moteur immobile !…

Quant à nous, qui ne comptons pas nous arrêter en si bon chemin, nous tenterons de resituer ces entités célestes dans le processus ininterrompu qui mène de l’Un au multiple, ayant fait l’objet d’une autre révélation, antérieure à celle qui fut faite à Moïse, plus déstabilisante encore, difficilement accessible à notre rationalité désormais sclérosée, sauf à être passé par le sas de décontamination de la physique quantique : cette parole étrange nous est parvenue sous la forme du Rig Veda …

Pour ceux que cet exotisme dérange, il convient d’ajouter ce dernier sursaut de l’orient au cœur de l’occident, regroupé sous le label réducteur de "néoplatonisme" et qui, nul n’étant prophète en son pays, irriguera la philosophie mystique des penseurs de l’islam iranien, avant de revenir se lover subrepticement dans le refuge étroit de la mystique chrétienne …

Pas de pierre de Rosette pour l’étrange récit de Moïse !

Il serait en effet intéressant de savoir ce que nous aurions bien pu dire des hiéroglyphes, si cette interface minérale n’avait pas été retrouvée !

Qui plus est, son commanditaire, Ptolémée V, né à deux encablures du tournant des âges, avait apparemment pris la mesure de l’évolution de Psyché, offrant aux hommes nouveaux la dégradation des mystérieux symboles hiéroglyphiques en écriture phonétique, non figurative, abstraite, démotique, donc de l’image au son cérébralisant, sans oublier le grec, pour ces enfants de l’orient en partance pour l’occident …

L’Eglise a scié la branche sur laquelle elle était assise !

Le bucheron inconséquent, c’est Justinien, l’empereur de Constantinople, qui ferme l’Ecole d’Athènes en 529, avant d’organiser le concile de 553 ; un cas d’école, tant il fut fertile en anathèmes distribués à tout vent ! …

Voilà pour l’avenir, mais que faire du passé quand, sournois, il se réinvitait dans les consciences, porté par l’insaisissable aura d’Origène ?

Que faire de ce gêneur qui avait osé donner la véritable version du message du crucifié, entrevu la portée cosmique, anthropologique, de cette longue parenthèse cérébralisante, de cet étrange pardon sans condition, de cette incitation à dépasser le traumatisme de la chute ?**

Que faire, qui plus est, de sa lecture éclairée de la Genèse, de cette requalification révolutionnaire des jours de la création qui ne sont manifestement pas les nôtres ! 

Était-il venu trop tôt ?

L’exil occidental, comme le qualifia avec justesse Sohrawardi, sans toutefois en entrevoir la nécessité,  franchit alors une étape décisive, un point de non-retour, officialisé par des évêques aux ordres, affublés d’un pape à l’ouest, et troque la complexité de l’Homme (corps, âme, esprit) pour un dualisme réducteur, laissant place - à qui profite le crime ? - à l’exclusive intermédiation de l’Eglise entre le déchu de la Genèse et le monde de l’esprit …

Nous ne sommes que "pensée et étendue", entérina Descartes, sans s’interroger sur l’étendue du désastre d’une telle pensée !…

Bref, le monde intermédiaire entre le monde de l’esprit et le monde sensible disparaît alors sous la botte impériale des princes de l’Eglise …

Ce faisant, les théologiens se condamnent à ne plus rien comprendre, ni au mystère de la genèse de la Genèse, ni à certains passages jugés désormais fantaisistes des évangiles.

Que les théologiens se soient fourvoyés, à la limite ! …

Non, le plus grave, c’est que le vulgaire, comme ils disaient entre eux, ne pouvait supposer qu’ils puissent se fourvoyer, tout comme nous n’imaginons pas que la science puisse se tromper, ne soit qu’une nécessaire et légitime approximation …

La modernité est assise sur du sable, car, n’était-il pas plus pratique de changer nos références que d’interroger nos représentations ? …

Le second retour de la toison d’or !

La toison d’or dont nous fumes décoiffés en temps voulu, nous revient, une fois de plus de cet orient, qui souvent nous attend, cette fois-ci elle ne dissimule pas dans les voiles du mythe ; bien de son temps, elle se met à la portée de nos concepts !

Cet intermonde qu’elle nous permettait de fréquenter, est désormais curieusement nommé, vraisemblablement pour se préserver d’un accès trop immédiat, monde imaginal …

Quant à notre moderne Jason, Henri Corbin, on ne le présente plus, ou alors aux récents refuzniks du développement personnel devenu comme toute religion, obligation sociale …

Ce monde médian, médiateur, entre le monde de l’Esprit et notre monde sensible, s’était exilé en Perse avec les derniers philosophes grecs, d’où cet homme utile aux siens le ramena, sans toutefois en déposséder les soufis iraniens, car, comme disaient les anciens grecs, la connaissance est le seul bien de ce monde que l’on puisse donner sans s’en déposséder …

Ils ajoutaient, pour la petite histoire, à moins que ce ne soit pour la grande odyssée de notre âme, que nous pouvions l’emporter avec nous, une fois l’heure venue !

Ce monde intermédiaire où l’esprit se montre en certaines formes, fugitives, difficilement identifiables, n’en déplaise à Descartes, où certains d’entre nous peuvent pénétrer au moyen non sensible de l’imagination active, est le monde des théophanies, des anges, des résurrections, des légendes, des paraboles, et, contrairement à ce que dit Henri Corbin, partiellement débarrassé des miasmes de l'occident, j’ajouterai du mythe …

Sohrawardi le disait accessible aux seuls initiés et aux mystiques !

J’ajouterai, là aussi, qu’il le fut à plusieurs autres reprises, notamment après la crucifixion, à l’occasion desquelles le Verbe se donna à voir sous des formes inconnues aux unes tout d’abord - le diable n’est pas aussi seul que l’on dit dans les détails ! - puis aux autres, alors que chacun eut l’intime et troublante conviction que c’était bien celui qu’il avait côtoyé tout au long de ces dernières années …

C’est, cela dit en passant, une caractéristique de ce monde intermédiaire où l’entité apparaît dans une forme qui dépend du niveau d’évolution spirituelle de celui qui est ainsi jugé digne d’y accéder, ce qui n’est pas le cas, je l’avoue sans trop m’en vanter, de votre serviteur !

Ne me touche pas ! Ainsi Thomas fut-il rappelé à l’ordre et donc, à bien faire la différence entre le monde sensible et ce monde intermédiaire …

"Seul le semblable peut connaître le semblable"! …

C'est une limite dont les moutons n'ont pas l'air de se plaindre !

 

De charybde en scylla ou l’histoire de la chute ! …

C’en était trop !

Cela aura mis du temps, mais l’inqualifiable révélation de Copernic a fini par infuser dans nos représentations.

L’Eglise, elle-même, avait fini par rendre les armes, un peu tard certes, car le champ de bataille était désormais recouvert d’un parking, immense parvis du supermarché, où la messe des prix est dite chaque jour pour un semblant de paix sociale.

Après l’interminable chute d’Adam au fil des sermons bien rodés, voire érodés, résolument complotistes, il fallut encaisser comme parole d’évangile la mauvaise nouvelle, qui proclamait sans ambages que nous n’étions pas le centre du monde, mais que, bien au contraire, notre berceau tournait à folle vitesse autour d’un soleil désormais dépressif qui refusait de se lever le matin comme au bon vieux temps où notre œil dictait la marche du monde …

Alors Darwin, ou du moins ce que notre frustration en a fait, tomba à point nommé !

Entre nous, n’est-il pas plus raisonnable de nous considérer comme la cerise sur le gâteau de l’évolution, que descendants de cet Adam, assez tarte pour troquer le paradis contre une vulgaire pomme ?

C’en était fait de la Genèse !

Six jours pour des milliards d’années, bon, ne nous attardons pas ! … mais des milliards de vie brisées pour un instant d’égarement, franchement ? …

 

Quand une science chasse l’autre ou le retour de la chute !

Quand, à la fin du XIXème siècle, la grenouille scientifique voulu se faire aussi grosse que le bœuf, la grenouille de bénitier eut tendance à disparaître …

Mais il semblerait que la guerre des espèces s’accélère, car le succès fut de courte durée, au moins dans les milieux scientifiques … pour ce qui concerne l’opinion, la boursouflure positiviste profite toujours d’une vitesse acquise que nous pourrions qualifier d’inertielle …

Pour rester dans le bestiaire de l’évolution, nous pourrions symboliser la nouvelle espèce qui s’était posée au tournant sommital des deux derniers siècles, par l’aigle, en ceci que ces deux yeux effrayants que précède un long bec, voient tout ce que l’on ne saurait voir, et donc admettre …

Est-ce d’avoir su prendre de l’altitude, de s’éloigner du plancher des vaches pour voir différemment, qui vaut à cet historique squatteur d’étendards, tout à la fois notre respect et notre crainte ?

Toujours est-il que la génération des physiciens quantiques eut tôt fait de mettre à bas la superbe de ceux qui proclamaient urbi et orbi avoir tout compris, au point de n’avoir plus besoin que de quelques ingrédients pour recréer l’univers …

Ces aigles, décidément, voyaient plus loin, dépassant l’étroite limite d’une querelle d’experts promise à la casse, non contents de détrôner les derniers représentants de l’intelligence instinctive, à notre bon sens ils s’attaquèrent, mais plus encore, à nos sens eux-mêmes, ces bateleurs qui nous dissimulent le mystère de l’univers …

La chute d’Adam est désormais comme celle de cet étourdi qui se vautre sur le trottoir, elle ne nous concerne guère plus que le temps d’en sourire !

Si l’on savait ce que Moïse, transporté dans le psychisme d’Adam, ressentait et dut traduire aux siens au moyen d’une image, on louerait la justesse de son trait lorsqu’il évoque une chute …

Pour notre conscience devenue froide, conceptuelle, abstraite, matérialiste, la chute n’évoque guère que celles du Niagara, ou, nous venons d’y assister, à celle de ce con qui ne sait pas mettre un pied devant l’autre …

Comment, dans ce conditionnement dont nous ne connaissons, ni l’existence, ni la source, ni même le responsable, pourrions-nous imaginer le départ de ce lent, de cet inexorable remplacement sous la calotte crânienne de la volonté divine par une volonté propre ?

La mythologie grecque, ce savoir supérieur, n’en déplaise à certains, eut cette image si parlante des hommes chassés du banquet des dieux par Zeus, le rejeton de Chronos qui, en son immense sagesse, avait donné naissance au temps, sans savoir que les hommes, le jour venu, ne se donneraient plus le temps de ce temps ! …

Un peu plus tard, on revint, non pas à l’image, mais à un mix de concept et d’image pour parler au plus grand nombre : mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres !

Enfin, Frédéric Dard, anthropologue à plein temps, théologien à l’insu de son plein gré, moraliste a minima, avait ajouté : il vaut mieux être un grand chez soi qu’un petit chez les autres !

Lui seul, par ce propos décalé, savait ce qu’il en est de nous au moment où il dresse ce constat !

Qu’ajouter à cette noble et inéluctable revendication humaine, photographie d’un instant de l’évolution où l’Homme estime être le seul à pouvoir décider ce qui vaut pour lui !

La morale est un instant crucial de l’évolution, on pourrait dire, de l’émancipation !

Une manière de faire sans et donc avec,  que Nietzsche eut raison de pointer au moment où elle ne suffisait déjà plus !

Pour ceux qui savent, ou se doutent, que notre histoire n’est que le symptôme de ce qu’il se trame sur des plans supérieurs, j’oserai dire que l’entité que nous nommons Christ, s’est incarnée à ce moment de l’histoire, sachant de toute éternité ce qu’il s’était tramé avant même la formation de notre crâne, comme ce qui allait se passer sous sa voute durcie …

Evolution qu’il accompagna, sans aucune ambiguïté, organisant à ses dépens la rencontre, sans intermédiaires, entre l’individu en cours d’affirmation, entre sa volonté et celle de son père qui est dans les cieux !

Ultime image anthropomorphique accordée à un psychisme en cours de mutation ! …


Comment relire la Genèse à la lumière du Rig-Véda ?

De la légèreté des conversations citadines, au marbre du Larousse, "être moderne" signifiait de prime abord : appartenir au temps présent !

Jusque-là, le constat était somme toute, anodin, voire superfétatoire, non définitivement discriminant  !

Mais il y avait anguille sous roche, de manière sous-jacente, on entendit bientôt par-là que ce présent abolissait le passé, amenuisait l’intelligence des hommes qui s’y étaient incarnés, considérés comme inférieurs, plus ou moins dépourvus de la plus élémentaire rationalité, en proie à l’indolente inertie des représentations, soumis aux arguments d’autorité, et, pire encore, orphelins du progrès, avant même que celui-ci ne soit né !  

Est-ce dû à ce flou artistique, à ce dénigrement induit ? … toujours est-il, qu’insensiblement, la modernité s’est éloignée de l’exactitude austère de sa première définition, et partant, de sa famille positiviste …

Forte de son succès fulgurant dans les représentations, de son nouveau statut de marqueur social, elle s’est sacralisée, sans trop le dire, n’ayant pour autant que ce mot à la bouche, devenu mantra pour incultes : "c’est moderne!", disaient-ils, en guise de label de leur dernier achat, ou pour clore un débat qui n'avait pas lieu d'être !

Sur la table rase design by Descartes, trônait, solitaire et intriguant, le robot mixeur !

Ne rions pas trop vite, l'envie de jouer, d'oublier les restrictions, de la ménagère des années 50 a insensiblement fait place à la sentence sans appel du docte crétin qui s’ignore : "C’est prouvé scientifiquement !".

Ce qui nous intéresse ici, n’est pas la schizophrénie de cette supériorité autoproclamée, c’est sa décision brutale de se passer d’une époque qui s’était passée d’elle …

Le motif de l’expulsion était simple, moderne signe victimaire : tout ce qui ne fit pas l’objet de preuves tangibles, de témoignages incontestables, attestés par des textes résistant à notre récente maladie de la déconstruction, était rayé de la carte de l’observable, donc du vivant, entassé pêlemêle dans la décharge de l’imaginaire …

Restait plus ou moins trois mille ans sur des millions d’années, voire des milliards, si l’on considère ce cosmos d’où l’on vient … c’est peu, vous l’avouerez, mais au moins pouvions-nous rester entre nous à gloser sur quelques os et autres tessons de poterie, afin d’imaginer cette histoire d’avant l’histoire, sans tomber dans le piège grossier de la mythologie, ou se laisser envouter comme "le vulgaire" par des révélations qui ne révèlent rien d’autre que la crédulité des hommes …

Annonçant la tragique boursouflure scientifique de la fin du XIXème siècle, la modernité, ce besoin initial, légitime en soi, de caractériser une époque, devenu au fil du temps, omnipotent, idéologique, réducteur, est désormais has-been !

Contrairement à ce qui pouvait vous arriver à la cour du roi de France en cette première moitié du XVIIIème siècle, le ridicule ne tue plus !

Pas plus que le big bang, la Genèse ne constitue un départ absolu !

Si l’on veut bien prendre le temps de scruter cette transcription d’une rétrospection clairvoyante, le vent, l’eau, la chaleur, les Elohim, sont déjà là !

Mais pourquoi, me direz-vous, prendre tout ce temps pour une révélation qui a fait son temps ?

C’est précisément que sa disparition de notre mémoire, n’a pas fait long feu, s’imposant à nouveau sous de nouveaux atours, dissimulée sous un nouveau vocabulaire, ayant troqué les images naïves pour des concepts réfléchis …

Cette vieille lune à peine oubliée, l’occident découvrait, il y a moins d’un siècle, qu’à son image, l’univers a une histoire !

Le nouveau Moïse s’appelle Hubble, qui découvre un univers en mouvement, obéissant à une loi alors oubliée des hommes enfermés dans leur corps : la dilatation ! …

Alors, le réflexe fut de faire appel à la loi inverse, observée de longue date, sauf, bien évidemment, pour ce qui concerne ce qu'à notre naissance nous avons oublié : la rétractation ! 

De cette lecture à rebours du premier mouvement, naquit le big bang, signature sonore et visuelle de l’univers, naissance qui annonce la nôtre, organisation magistrale dont on ne sait trop si elle obéit à des lois ou si elle les invente, de laquelle nous émergeâmes après moultes péripéties …

Nous, oui nous, qui nous sommes moqués, en veux-tu en voilà, de l’anthropomorphisme des Grecs !

Bref, l’univers que nous observons n’a pas toujours existé !

La belle affaire ! … Les hindous savent cela depuis des millénaires !

Tout ça pour ça, me direz-vous !

Si c’est un peu vite dit, cela en dit long sur la pauvreté de nos représentations !…

Si nous arrivons enfin au même résultat, à peu de chose près (le big bounce, version matérialiste du Pralaya, viendra bientôt au secours du big bang qui a désormais du mal à se faire entendre …

La différence pour autant n’est pas mince !…

En effet, si les hindous du Rig-Véda avaient entrevu ces évènements cosmiques par rétrospection clairvoyante, faculté disparue, y compris de notre mémoire, ils n'en restaient pas moins passifs !

Les occidentaux y arrivent, cahin-caha, certes, mais, par leur seule intelligence …

Entre les deux, il y a ce déploiement parfois chaotique de la passionnante saga humaine, qu’un seul mot peut résumer : Liberté !

 

Les Elohim sont déjà là, qu’est-ce à dire ?

Chaque religion détient une part de la vérité, il faudra bien qu’elles s’y fassent un jour !

C’est la condition non négociable pour que ceux qui se sont éloignés reviennent un jour ! ****

D'ailleurs, tout bien considéré, aucune ne fut, ou bien longtemps, monolithique, malgré ces théologiens qui voulurent les corseter, jusqu'à la monstruosité des inquisitions …

Des courants spirituels, souvent très antérieurs, transversaux, les fertilisèrent un jour ou l’autre, comme le néoplatonisme, cet aller et retour entre l’occident et l’orient, ou le zoroastrisme, ce phénix solaire que l’on retrouve aussi bien au début de l’évangile de Mathieu que chez Sohrawardi ! …

Promptes à la dérive sociale, cédant à l'attrait du pouvoir, elles accumulent nécessairement du retard sur ceux qui secouent le joug, sur ces hommes qui, à l’imitation du Christ, croient en l’Homme, à son nouvel avatar que l'on nomme "individu" !

Ce jour venu, ayant acquis cette souplesse, cette grandeur de vue, cet amour de l’humanité, faudra-t-il encore qu’elles fassent une place à l’autre, à la vieille, trop vielle pour déclencher les passions, les guerres, à celle qui soi-disant radote, à qui l’on ordonna, imbéciles que nous sommes, parvenus à "l'indépassable" pensée, de la boucler, à celle qui les précéda dans le cœur des hommes : la mythologie !

A leurs fondations, il y eut les révélations !

Là aussi, le pluriel est de rigueur, n’en déplaise aux rigoristes qui estiment que seule la leur est digne d’estime !

Comme s’il s’agissait des pièces d’un puzzle suprasensible qui nous serait proposé, voici les premières paroles de cette autre révélation dont la tradition hindoue ne nomme pas le médiateur, le concept de personne n'ayant pas encore vu le jour !

Il était alors ni non être, ni être …Il n’était ni espace, ni ciel …Au-delà, qu’existait-il, où ?  Pour qui y avait-il un refuge ? …Les eaux aux profondeurs insondables existaient-elles ? … Il n’était alors, ni mort, ni non mort …La nuit ne se distinguait pas du jour …L’Un respirait sans souffle, par lui-même, au-delà il n’y avait rien d’autre …Les ténèbres étaient noyées par les ténèbres …En ce temps-là, tout était eau, indistincte …Le devenir recouvert par le vide était là qui naissait par la puissance de l’ardeur …En ce temps-là, en l’Un murissait le désir …Le premier germe de pensée …Le lien qui unissait à l’être le non être, au quarté de leur cœur les sages le trouvèrent …D’un bord à l’autre s’étendit le pont de leur pensée …Était-ce en haut, était-ce en bas ?...Il y avait les porteurs de semences, il y avait les puissances …En bas les énergies, en haut l’éclair …Qui sait cela vraiment ? …Qui pourrait dire d'où il est né ce déploiement, d'où ? …Les dieux sont nés de ce jaillissement, ensuite …Qui donc saurait comment il est venu à l’être ? …Ce déploiement, comment il est venu à l’être ? …Qui l’a créé ou non ? … Le témoin du cosmos, au plus profond du ciel, le sait-il ou ne le sait-il pas ?


Intégralité de l’hymne 10-129 du Rig Veda

Nous sommes les oies de Parménide !

Si son nom a quitté nos mémoires, son empreinte est toujours là : " L'être est et le non être n'est pas !".

Qui pourrait dire le contraire, au point que l'on pourrait se demander en la circonstance si la philosophie est bien utile ...

Mais alors, ainsi programmés, que faire de cette révélation confiée à des orientaux, qui, soit dit en passant, furent eux-mêmes légèrement désorientés, en témoigne le peu de commentaires que ce texte énigmatique suscita chez ces remarquables exégètes***.

Mais, l'époque où Parménide a régné en maître sur nos représentations est peut-être en train de s'achever définitivement sous nos yeux, du moins si la physique quantique a pu les dessiller ...

En effet, ne nous demande-t-on pas de penser une matière qui n'aurait pas de masse, et vice versa, un vide qui n'est pas vide, des particules qui ne sont pas des corpuscules, des cordes qui n'en ont que le nom, un espace qui ne sépare plus ?...

En ce sens on peut se demander s'il faut toujours parler de "matière", si, quand on la pousse dans ses derniers retranchements, le sol se dérobe sous nos pieds ?

A tout le moins, peut-on tenter d'entrer à pas feutrés dans ce texte devant lequel la fine théologie négative occidentale ne saurait hausser les épaules !

« Les dieux sont nés de ce jaillissement, ensuite ! »

Pour ce que l’Eglise catholique a fait du christianisme, et par conséquent de nos représentations, pour cette vision frileuse et progressivement réductrice du monothéisme, cette épuration du monde suprasensible, responsable a minima de la mauvaise réputation des anges, ce passage du Rig Véda est incompréhensible !

Pour nous qui tentons de découvrir la vérité, pas à pas, avec ce qu’il faut d’ironie vis-à-vis des prévaricateurs, des ratiocineurs, mais avec dévotion pour le message qu’ils ont trahi, c’est une manière de revisiter cette autre révélation qu’est la Genèse, de la remettre en perspective, car, comme le Big Bang , elle ne dit pas tout de la genèse …

 

* Pour les amateurs de voyages en terre inconnue, de "reset" culturel, je vous recommande de prendre une année sabbatique, le temps de vous acclimater, puis de lire attentivement, pas à pas, "Histoire des origines", du talentueux Emile Bock, paru chez iona en 2004.

**Serait-il le seul à avoir compris l’apocatastase d’Origène ? Toujours est-il que le talentueux Michel Polnareff l’a mis en musique, entêtante, et dont chacun aimerait pouvoir vivre la conclusion : "Nous irons tous au paradis, même moi !"…

*** Indispensable pour cette Inde "natale" : Michel Hulin.

**** C'est contrairement aux apparences - ces ombres projetées de combats épargnés aux êtres sensibles que nous sommes - dans l'Esprit du temps ! Pierre Chaunu m'avait confié, il y a plusieurs décennies, participer à des rencontres entre les différents monothéismes en vue d'une réunification ...




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