Immanence et vide quantique ?

A ceux qui me verraient bien mis à l’index pour ces propos délirants, comme à ceux dont la foi inébranlable exige toujours plus de preuves rationnelles, je dis pouce ! …

Rassemblons-nous mes frères, calmons notre angoisse existentielle, ôtons d’un geste décidé ces sparadraps que sont nos certitudes, le temps d’un tour d’horizon sur ce qu’entendirent, virent, et pour finir, pensèrent, de notre origine, ceux qui nous précédèrent à la surface de Gaïa.

Et, le temps pour nous de dire merde à notre anachronisme, comme à notre superbe imbécile, ne seraient pas disqualifiés pour avoir été les premiers en cette démarche …

Ce survol désormais possible, non grâce à l’optimisation du trafic aérien, mais au récent désenclavement du savoir, nous emmènera au fil des millénaires, d’une très ancienne science spirituelle hindoue, jusqu’à la mer de Dirac ! …

Cette mer inconnue des estivants, que l’on ne peut apercevoir depuis l’espace, mais qui en dit long sur ce dernier, éternel mutique, source d’incessants bavardages …

Mais entre ces deux destinations ignorées des touristes du savoir, point question de s’affranchir d’une halte au pied de l’Apeiron du grec Anaximandre, ce présocratique qui débaptisa les forces à l’œuvre pour se faire mieux entendre de ceux qui n’entendaient déjà plus rien aux exploits des olympiens, devenus tout juste des noms, rien que des noms, qu’on aurait tôt fait d’oublier … 1

*

*           *

Mais avant d’entamer ce curieux périple, que disait-on du vide ici et là, avant que très récemment, il ne devienne mode, drapé dans le mystère quantique ?

Il fut longtemps dit dans les milieux autorisés que la Nature en avait horreur, consacrant ainsi la décision irrévocable de ceux qui s’étaient finalement décidés pour ce qu’en disait leur observation. 

Mais, en catimini, dans les milieux où l’on se contente de vivre, laissant les phénomènes aux dieux qui s’y promènent, le vide, c’était avant tout pratique !

Cet endroit magique où l’on pouvait se débarrasser de quelque objet provisoirement inutile ; ce lieu de mémoire où l’on peut confier un moment de notre vie à l’oubli, c’est le vide poche !

Ça, c’était avant, avant que l’on ne fouille nos poubelles pour savoir qui nous sommes, au moins qui nous ne sommes pas, puisqu’elles ne parlent que de nos comportements qui visent bien souvent à combler un vide…

Transposé dans l’histoire de la philosophie et de la physique, le vide, bon prince, a toujours accueilli nos spéculations, d’autant plus hasardeuses qu’on le savait muet !

On y trouve donc un peu de tout, quelques disputes à l’ancienne qui, pour avoir été bien menées, sont devenues incompréhensibles, autant d’objets de réflexion n’ayant plus d’objet, deux ou trois représentations obsolètes, des expériences de pensée abandonnées, tout cela oublié, au moins le temps que toutes ces tentatives ne resurgissent du passé sous notre main devenue fébrile, nous imposent, par leur présence insolite, ce dont nous n’avions plus mémoire …

Désormais, ayant migré des grands espaces au plus intime de la matière – de celle dont nous sommes faits, par conséquent ! - il revêt une importance telle qu’il faut la taire, l’étouffer sous les indigestes équations, car sans lui, peut-être n’existerions-nous pas ? …

Alors, qu’en est-il du petit dernier : le vide quantique ?

La meilleure métaphore permettant d’accéder à cet abîme, sans trop y perdre pied, est celle qui décide qu’il s’agit là d’un "prologue" de la matière ! 2

L’image est parlante qui nous permet de ne pas trop nous inquiéter de cet état léthargique des particules, dont l'énergie négative, inférieure à la masse vitale, les dissuade d’apparaître sous les sunlights, sauf à recevoir de ce monde où tout sauvagement s’agite, une dose d’énergie propre à les propulser dans nos représentations, fut-ce de manière furtive …

Pour le dire autrement, le vide quantique, énigmatique, est plein de tous les possibles, mais, entre deux jaillissements, du grand big bang au petit dernier, ce nouveau départ de l’inflation cosmique, il semble rester indécis, "virtuel", disons-nous pour nous ménager un instant de réflexion !

Pour Parménide, impatient d’en découdre avec ce qui pourrait entraver la nouvelle logique, ce concept n’aurait pas fait long feu et, à tout le moins, n’aurait pu générer quoi que ce soit, puisque "le non être n’est pas !"

Qui pourrait dire le contraire ? … ne prit-il pas le soin d'ajouter, puisque l'intelligence nouvelle était le seul rapport au monde alors envisageable …

Il semble bien d'ailleurs qu'elle ait pris goût à ce confort !

Pour les très anciens hindous, incapables d’une quelconque spéculation, à l’époque où celle-ci attendait son heure sous l’horizon de l’histoire, privés d’équations, mais dotés d’une clairvoyance dont nous sommes désormais privés, l’univers se résorbait régulièrement dans un Pra laya, cet état où tout reste en mémoire puis se redéploye sous une autre forme …

Pour Platon, s’il nous revenait, la joie serait grande de constater que l’intelligence des hommes a fini par déchirer l’écran de la maya pour décrire cet état de l’univers où, selon sa vision, gisait le dieu ensorcelé …

Pour le Christ, promis au mystère de la croix, l’heure, il le savait, n’était plus de se faire comprendre, les hommes du temps de Jésus ne s'étaient pas reconnus en celui-ci, mais de se faire entendre de ceux à venir : « Cet univers passera, mais mes paroles resteront ! » 3

Nous sommes allés voir chez Larousse la signification de "prologue", mot polysémique s’il en est, et avons retenu celle-ci : Partie d'un ouvrage dramatique où sont exposés des événements antérieurs à ceux qui se déroulent dans la pièce proprement dite.

Puis, pour se faire une opinion sur une époque où les hommes n’en avaient pas encore, nous nous sommes remémorés les paroles révélées du Rig-Véda : « Il n’était alors ni être, ni non être ! »

Cette double négation nous rétro propulsa dans le temps et dans l’espace, vers ces néoplatoniciens du début de notre ère, qui tentèrent une approche négative, dite apophatique, du mystère de Dieu …

Ce qui avait été entendu devait être désormais compris !

L’Ether

Bien que celui-ci, depuis près de trois mille ans, vague souvenir d'une époque où les hommes savaient, sans savoir qu'ils savaient, ait tenté d’éclairer d’une lueur incertaine les hommes devenus pauvres en esprit 4, Einstein décida qu’il ne jouait en réalité aucun rôle dans la propagation de la lumière …  

Aussi l’abandonna-t-il avec ce qu’il estimait être des croyances du passé : les forces, l’action à distance, la non-localité etc. dans un lieu de collecte des encombrants où il nous faudra un jour prochain, aller rechercher nos racines.

Il ne lui serait pas venu à l’esprit que cet éther, du moins ce à quoi il ne l’avait pas réduit, était aussi en lui, était précisément à l’origine de son cerveau, ce miroir, devenu au fil de millions d’années, ultra sophistiqué, dynamique, et qui lui permettait désormais de percevoir l’univers sous cette forme géométrique qu’il restitua à ceux de ses contemporains capables de se représenter le monde de cette manière.

Le problème n’est pas qu’une représentation soit vraie ou fausse, ce qui compte c’est ce qu’elle fait de l’homme à un moment donné de son évolution !

Le langage humain, ce sculpteur plus ou moins discret, n'est pas non plus figé !

A entendre la communauté des physiciens, il semblerait bien que le temps de la relativité générale soit compté, et si c’est bien le cas, on oubliera malheureusement très vite tout ce qu’elle apporta au psychisme de l’Homme …

Du temps de sa splendeur qui s’achève sous nos yeux, il est vrai que l’on ignorait déjà ce que lui doit un objet devenu quotidien, comme le GPS …

Les égyptiens de la basse époque, à part quelques-uns d’entre eux, avaient également oublié le savoir secret permettant d’édifier les pyramides.

La paradoxale utilité de la physique quantique !

Contrairement à ce que chacun espère, elle ne réside pas dans l’exhumation prochaine de l’origine du monde, aboutissement fantasmé, orgasmique, de cet interminable strip-tease objet de tous nos désirs, mais dans son paradoxal pouvoir de nous aider à reconsidérer des savoirs oubliés, ensevelis jusqu’alors sous les ricanements nerveux de notre bon sens autoproclamé …

La boucle nécessaire ouverte par Socrate est sur le point de se refermer, et Nietzsche, s’il avait choisi de s’incarner dans un avenir qui désormais ne saurait tarder, aurait moins souffert !

Mais le karma a sa raison que la Raison ne connaît pas !

Ainsi, avec le vide quantique, l’Ether est en train de réinvestir un domaine dont notre intelligence l’avait chassé …

Soyons concrets : si nous avions osé parler d’un corps éthérique aux enfants de Darwin, ils auraient crié au blasphème !

Mais enfin, vous n’y pensez pas - se seraient-ils écriés ! – pourquoi, tant que vous y êtes, ne pas affubler le dieu singe, notre ancêtre vénéré, d’une aura, d’un bonnet phrygien ou bien encore de la couronne de la statue de la liberté ?

Il est vrai que les enfants de Darwin ont fait des petits, et qu’il en traîne encore un certain nombre dans les allées du pouvoir … pardon, du savoir !

Et, si un physicien les informe que le vide quantique est en nous, ils restent de marbre, voulant ignorer que celui-ci est sauvagement agité en son intimité …

Ce qui tendrait à prouver que deux des nôtres au moins, avaient échappé, pendant qu'il en était encore temps, à la dictature rétrospective du visionnaire des Galapagos; j’ai nommé Héraclite, et un peu plus tard, Plutarque, qui avaient déchiré le voile de la maya, sans l’aide d’aucune équation et avec cette certitude ancienne qui se passait de toute expérimentation.

S’ils pouvaient nous parler, ils diraient aux promoteurs du LHC que le rayonnement cosmique, pour qui a encore la chance de le voir en esprit, est mille fois plus puissant et ô combien plus écologique !

Mais ils ajouteraient, magnanimes, qu’il faut bien que jeunesse se passe, et que les rejetons du vingtième siècle et suivants doivent à leur seule intelligence la modélisation des premières pièces du puzzle !

Peut-être ajouteraient-ils, pour tenter d’entrer en contact avec nous, qu'il est urgent de remettre la véritable évolution en perspective ! …

La question de savoir si Dieu est immanent ou transcendant, est-elle humaine, trop humaine ?

A moins que, tout simplement, elle ne soit qu’occidentale, superfétatoire, lointain résultat du débat qui opposa deux hommes au psychisme différent …

Platon, le maître, et Aristote, l’élève qui devint le maître de ceux qui savent !

C’est dire que nous n’avions plus le choix, il fallait donc honorer celui que nous étions capables de comprendre …

Le premier, dernier des initiés, voyait encore l’Idée hors de la chose, mais l’élève qui ne l’entendait pas de cette oreille, fit école auprès de tous ceux qui, comme lui, mutatis mutandis, confièrent à la Raison ce qui n’était plus perçu en esprit !

"L’idée", attrapée au lasso de la Raison, rebaptisée "la chose en soi", n’était donc plus objet de vénération, mais d’étude …

Si l’on considère notre Liberté comme moteur de l’Histoire, ce putsch conceptuel n’était-il pas nécessaire ?

Loin, très loin des débats houleux qui accouchèrent de l’Occident, une voix se fit entendre timidement, si timidement qu’elle n’est pas encore parvenue aux oreilles de nombre des enfants du soleil couchant : « Je suis en toutes choses, mais aucune chose n’est en Moi ! »

Ainsi, Dieu serait non local, ôtez-moi d’un doute, cela dépasse l’entendement !

 

*

*        *

Avant, bien avant que l’évolution ne se décide pour la cécité créatrice d’Aristote, pour les anciens hindous, la question ne se posait pas en ces termes : ceux qui avaient reçu le Veda, le transmirent oralement aux quelques attardés dont les oreilles pouvaient encore entendre, bientôt relayé par la tradition orale, puis écrite, quand ils s'aperçurent qu'ils n'étaient plus qu'une poignée et qu'il était temps de quitter la scène...

En laissant toutefois quelques traces du drame qui venait de s'y dérouler ! ...

Mais bientôt advint une nouvelle génération de mutants, qui entreprit d’accommoder ce qui lui restait de clairvoyance avec une approche nouvelle, rigoureuse, méthodique, en un mot scientifique, à une époque où la philosophie grecque n’avait pas même commencé de se dégager lentement de la pénombre des mystères.

Cette science spirituelle a pour nom Samkhia !

Elle est essentiellement une observation de la génération, puis de la procession des âmes à partir de ce que l’on pourrait appeler une mer immatérielle, un flot spirituel, jusqu’aux phénomènes qui agitent le monde sensible, et parmi eux, celui si singulier, phénoménal qui interroge et s’interroge : l’Homme.

Pour se faire une idée de ce qu’ils voyaient en esprit, on pourrait citer Erwin Schrödinger lorsque, dans un tout autre contexte, il voulut mettre son équation en image : « Ce que nous appelons particule n’est pas un fragment individualisé de matière, mais une crête d’écume sur un train d’ondes ! »

En cela il ne disait rien de bien différent de ce que vit Démocrite, avant qu’Aristote, idéologue au service de la nouvelle logique, ne falsifie son propos, inaugurant ainsi plus de deux millénaires de quiproquo et d’errance matérialiste. 5

Dont il faut se dire, si le sens de tout cela est bien la Liberté, qu'elle était nécessaire ! 

Le plus étonnant dans cette image de l'oriental de Vienne, c’est qu’elle correspond à une étape bien précise de la procession des âmes, que les observateurs hindous appelaient "Buddhi", nous y reviendrons.

Je ne sais si cette métaphore a rendu accessible son équation au commun des mortels, mais, belle comme une équation de Dirac, elle pourrait débuter notre explication du Samkhya !

A la surface de la mer immatérielle, lisse jusqu’alors, se forment soudain de petites rides, puis quelques petites vagues qui s’amplifient, et enfin des gouttelettes, attachées pour un court instant à leur base. C’est le premier stade de la différenciation (Buddhi).

Mais, pour entamer leur lente procession, cette aventure de l’individualisation et donc de la Liberté, elles doivent emporter un petit morceau de cette matrice ("Prakriti" chez les hindous), avec laquelle commence un bras de fer dialectique contraignant sa liberté d’action.

Le Samkhya décrit, non pas ce qu’est l’âme, elle contient tous les possibles, mais son rapport avec ses différentes enveloppes, "figure" imposée à chaque étape de la procession descendante, et jusqu’à l’incarnation, pour ce qui concerne ce phénomène que nous appelons l’Homme.

Pour revenir rapidement au sujet qui nous occupe, sachons qu’au processus de différenciation initial vient s’ajouter celui de la condensation, maya qui eut un tel succès auprès de l’homme occidental, qu’il n'a plus d'yeux que pour son ultime étape: le corps physique ! …

Les anciens grecs avaient bien vu en images le déroulement de ce drame, c'est le mythe du rapt de Perséphone !

Et pour en terminer, provisoirement, sans trop édulcorer cette approche globale, ce qui nervure ce que nous appelons le réel, le monde des phénomènes, ce sont les trois "Gunas" !

Ces trois rapports plus ou moins équilibrés entre l’âme et son enveloppe, et qui expliquent l’infinie variété des phénomènes, de l’Homme jusqu’aux couleurs …

Ainsi, un individu dominé par ses sens est en état de "tamas", d'obscurité, quand de cet autre, en état de "sattva", on dit un peu vite que c’est un pur esprit, alors qu’il est encore parmi nous, quant à cet autre encore, tentant d’harmoniser sans bruit sa part d’éternité et son enveloppe fugitive, qu’il est en état de "rajas".

Les trois "Gunas", ces trois rapports entre l'esprit et la matière, fut-elle immatérielle, peuvent rendre compte de l'intégralité des phénomènes que nous avons sous les yeux, comme de ceux pour lesquels nous sommes devenus "persona non grata" ! 

Pour les couleurs, ce mélange de lumière et d’ombre, l’orange des tenues de nos amis bouddhistes correspond, dans le Samkhia, à l’état de "Satwa", quand le violet et le bleu des vêtements sacerdotaux de l’Eglise romaine, correspond à la domination de l’ombre, pour le dire autrement, à l’incarnation.

Mais ceux-là le savent-ils encore ?  

L’Apeiron d’Anaximandre

Au XIXème siècle, l’Occident, alors sous emprise d’un Darwinisme d’autant plus puissant qu’il fut condamné par les religieux, fut confronté "par ailleurs" à un univers où la pensée ne s’arrête pas à quelques observations, n’y prend point appui pour régler de vieux comptes, discréditer des révélations par nature plus ambitieuses ...

Cet univers dont on ne savait pas l'existence, c'est cette science spirituelle des anciens hindous, le Samkhya évoqué plus haut, approche globale, phénoménologique, bien avant Husserl, qui décrivait une mer originelle, immatérielle, où tout est indécis, à l’état latent, potentiel, infini, sans limites, ni externes, ni internes.

La culture grecque n’étant, à l’époque, pas encore lettre morte emportée par quelque vent mauvais, on aurait pu en déduire, très logiquement, que l’on avait sous les yeux, en quelque sorte, l’Apeiron du présocratique, Anaximandre !

Dans l’hystérie iconoclaste (dont le wokisme n’est qu’une pâle réplique s’acharnant sur les restes qu’on voulut bien lui laisser), qui disposa de ce siècle et du suivant, il semblerait que ce rapprochement ait été oublié …

Mais, si cela avait été le cas, comme cela s’imposait aux représentations des modernes marteleurs de bas-reliefs, on en aurait déduit qu’Anaximandre le bateleur avait présenté comme sa théorie ce qui n’était qu’une carte postale retour d’Inde …

Ainsi le voulait la dictatoriale représentation occidentale des phénomènes qui ne sauraient être, comme chacun sait, que locaux !

Cette même représentation, fille de l’idéologie du bon sens, causa l'insolite retard du petit Albert, paradoxalement en avance sur son siècle, et vint mourir dans l’indifférence générale, au début des années 1980, à la lumière du laser dirigé par un "gaulois" sympathique à la "moustache réfractaire", retranché depuis lors dans un sorte d'anonymat et répondant au nom d’Alain Aspect.

Il est vrai – qu’il s’en contente ! - que si l’on se souvient encore de Louis XVI, qui pourrait dire le nom de son bourreau ?

Mais il est une autre source d’interrogation, physique, métaphysique, et plus utilement encore, anthropologique, dans ce qui aurait pu, à l’époque où régnaient les philologues et autres dé-constructeurs, nous être présenté comme un boniment : c’est le spectacle de ces couples d’opposés qui s’échappent momentanément de l’Apeiron, mais doivent payer cette liberté provisoire d’un retour rapide à l’indéterminé.

Est-ce, pour ne prendre qu’un exemple, ce défi vital qui motiva Stanley Kramer pour le choix du thème de son film La Chaîne ?

Et, plus largement, tout bien considéré, une préfiguration de notre propre vie ?

La mer de Dirac

La mer, toujours et encore, mais il s’agit ici d’une métaphore ! …

Si l’origine de l’eau sur Terre, la formation des océans et des mers, reste à ce jour indéterminée, celle de Dirac se forma à partir d’un continent perdu de vue …

1927 !... résumons cet instant où le psychisme de l’Homme ajoute une nouvelle couche à sa géologie, la question étant de savoir si celle-ci est seulement cumulative ou interactive …

Bref, l’équation de Schrödinger permettait enfin d’accéder au mystère d’un monde qui, pour être encore sauvagement agité, ne témoignait pas moins d’une époque où tout s’était ralenti, bien sagement, afin que des couples puissent se former, et, prolifiques, engendrer cette myriade de phénomènes dont l’Homme n’est pas le moins phénoménal.

Mais, quid alors de ce monde qui vit à cent à l’heure, pardon, à 300 000 km/s, et n’avait pas le temps de faire des petits ?

Alors, Monsieur Paul dessina une belle équation dont il fut fier dans un premier temps, mais qui s’avéra bientôt cacher un monstre, un alien qui, comme le diable remis au goût du jour par David Elbaz, avait su jusqu’alors se faire oublier …

Il ne s’agissait rien de moins que d’un univers à l’envers, de particules d’énergie et de masse négatives …

Pour le dire autrement, de la mer de Dirac, n’était pas sorti un poisson devenu amphibie, archétype de l’évolution, mais un monde étrange, celui de l’antimatière qui était sur le point de gagner la partie, quand soudain ! …

Reste à retrouver Celui qui avait brandi le carton rouge dans ce match à huis-clos, et pour quelle raison que notre raison ignore !

Le vide quantique

Mais tout passe, tout casse, tout lasse, et la mer de Dirac s’est retirée depuis lors en quelque endroit discret, si l’on peut dire !

De la mer, nous passâmes aux champs, mais attention, de ces champs que nul cadastre ne saurait circonscrire, parcourus d’une onde qui pourrait à la rigueur faire fonction de sillon …

Endroit indescriptible et primordial où l’énergie la plus basse n’est pas de tout repos, où la fluctuation se fait sans l’ombre d’un mouvement, et qu’un peu de chaleur pourrait ramener à la vie !

Mais, peine perdue, aucune métaphore ne saurait nous parler de ce monde, seules les équations … à conditions qu’elles soient belles !

C’est ce que disait Monsieur Paul, qui mijotait longtemps, très longtemps ce qu’il avait à dire, au point que ses contemporains s’impatientèrent …

Alors, devant cette hypercomplexité, cette plasticité du vide quantique, cette soumission muette à nos vues hésitantes, l’énigmatique Rig Veda, ne deviendrait-il pas soudain plus limpide, plus familier ?

 

« … Il était alors ni être ni non être …

… le devenir recouvert par le vide était là … »

Parmi les toutes premières paroles de l’hymne X-129 du Rig Veda

 

                                                             

1 – Cette laïcisation des forces à l’œuvre n’annonce-t-elle pas la grande crise nominaliste du moyen-âge, qui ne serait somme toute, qu’une réplique à une époque où le Moi, de plus en plus conscient de lui-même, commence à douter de ce qu'il estime être ses productions ? …

2 – formule tirée d’une conférence sur "l’ultime atome", qui réunissait Etienne Klein et Heinz Wismann le 23 mars 2015. Agora des savoirs -You Tube.

3- "L’évangile de saint Marc" : dix conférences tenues à Bâle du 15 au 24 septembre 1912 par Rudolph Steiner. Disponible aux éditions Triades Paris. Cet évangile qui, comme celui de Jean, commence non sans raison(s) au baptême de Jésus dans le Jourdain, s’intéresse plus particulièrement aux trois ans de l’incarnation de cette entité qu’en occident nous nommons le Christ. Il est des quatre, celui qui cerne au plus près la dimension cosmique de ce mystère qu’il nous faut désormais découvrir !  

4 - Les pauvres en esprit cités dans l’évangile, ne sont pas, comme notre anachronisme et notre indigence pourraient nous le laisser croire, les laissés pour compte de l’intelligence, mais tout au contraire, ceux qui, comme vous et moi, sont, par elle, cette activité du Moi, privés d’accès au monde spirituel, de "la chose en soi" pour ceux que cette notion gêne, en vue de notre libération.

En effet, si, brutalement, nous avions accès au mystère du cosmos, qu’adviendrait-il de nous ?

La physique quantique peut imaginer ce que nous pourrions découvrir si nous n’étions pas limités à la lumière visible, quand la mythologie grecque nous présente une scène édifiante que nous ne savions plus lire :

Sémélé, simple mortelle, mère de Dionysos, dont le père n’est autre que Zeus, personnification du cosmos, maître ensemenceur, exige qu’il tienne sa promesse initiale de ne rien lui refuser et de se montrer tel qu’il est dans sa réalité suprasensible. Pris à son propre piège, Zeus s’exécute et Sémélé meurt foudroyée …

5 - Voir note 2.

6 – Quelques peintres de la renaissance savaient encore que la couleur des habits révélait le degré de spiritualité du personnage. Désormais, on ne sait plus lire les tableaux de cette manière, mais, très curieusement, l’on attribue une certaine couleur à telle ou telle partie du cosmos, sachant qu’elle signifie pour les initiés, un certain type d’activité ... 

7- La Bhagavad Gîta

8 - Voir note 2. Des "pelotes" disait en réalité Démocrite, selon les travaux de Heinz Wismann  qui réussit à enlever la couche félonne, la couche aristotélicienne - ou le maquillage, comme on voudra ! - afin de retrouver le tableau original composé d'une "matière" toute différente de celle que nous avions imaginée.

 

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