L’atome, comme l’ange, n’a pas de corps !

Pour l’ange, était-ce bien utile de le préciser, chacun le sait ! …

Qui, dites-moi, se laisserait encore prendre à cette supercherie ? … Mais pour l’atome, vous m’en direz tant, qui, en revanche, ne saurait désormais que l’atome est un système planétaire ? … 

Soit ! … Votre constat dressé ce jour sur l’état de nos représentations, n’est pas faux !

Mais alors, dites-moi, pour quelle raison les mêmes qui firent le ménage pour ce qui concerne l’ange, ont mis la poussière sous le tapis pour ce qui concerne l’atome ? …

De quoi s’agit-il ?

Eh bien, n’en déplaise au plus grand nombre, le modèle planétaire de l’atome a fait long feu !

En toute discrétion cependant, si l’on en juge au peu de bruit que fit sa disparition ! …

Pour éviter de culpabiliser ses adeptes, ces passionnés d’un jour, toujours plus pressés par ce qui ne saurait attendre à la surface des choses, il faut bien dire à leur décharge, que le monde scientifique lui-même, ne fit pas preuve du plus élémentaire recul, du moindre doute sur la viabilité de ce système planétaire, exporté sans trop de précautions dans le monde quantique, devant par conséquent laisser son indispensable gravité à la douane ! …

Et pourtant, en cette époque de dématérialisation frénétique qui entraîne la faillite de nos imprimeries plus sûrement que le renouveau de nos forêts 1, l’on dit de cette image, comme de tout ce qui parvient à s’attarder un court instant dans nos cerveaux malmenés, qu’elle a "imprimé" !

Serait-ce une forme d’hommage, un dernier adieu subliminal à Gutenberg ? Nul ne le sait parmi ceux qui essorent cette dernière expression à la mode …

Ainsi, nous nous sommes moqués des anges et de ceux qui y croyaient, comme ces derniers s’étaient esclaffés des exploits des dieux de l’Olympe …

Ce besoin atavique de l’image, comme de bientôt la moquer, dès lors que nous pensons accéder au mystère par de nouveaux moyens, devrait au contraire nous contraindre à l’humilité, à mesurer la lenteur du rythme de notre évolution psychique ainsi qu’à célébrer ses brusques accélérations ! …

Pour tout dire, lorsque, par une grâce étrange, nous sommes soumis à l’une de ces dernières, à ne point nous gausser de l’une pour admirer l’autre, mais à les reconnaître toutes deux nécessaires !

En route vers nous-mêmes, progressivement décontaminés de tout résidu de cette nature qui fut si longtemps nôtre, par l’abrasive abstraction, nous ne savons plus grand-chose de ce que nous sommes vraiment, ignorant que notre pensée n’a pas toujours existé.

On peut même dire qu’elle est chose nouvelle, apparue en Grèce, quelque part entre Homère et Socrate, s’extirpant lentement de la pénombre des mystères, remplaçant tant bien que mal notre relation au monde qui se faisait jusqu’alors exclusivement par l’image 2 .

Non point d’une image qui viendrait habiller un concept, comme en a décidé sottement notre anachronisme, ou comme Platon déjà, avec ses allégories qui ne sont pas des mythes, mais qui, par sa signification ramassée, immédiate, impérative, nous dit, non ce qu’il convient de penser, il n’en est pas encore l’heure, mais ce qu’il convient d’éprouver …

Le temps était donc venu d’une nouvelle relation au monde !

Aristote, cet enfant d’Œdipe et son "logos ivre" !

Bien entendu il convient d’éclaircir les raisons de ces deux rapprochements insolites, se disputant à qui mieux-mieux la palme de l’étrange !

L’expression le "logos ivre" est d’Aristote lui-même, pour dire à sa manière qui ne s’interdisait pas le mépris dès lors qu’il n’y comprenait que couic, surréaliste avant l’heure, tout le bien qu’il pense des visions d’Héraclite, avant d’inaugurer son ère, dont, ironie de l’histoire, nous nous extirpons à grand peine depuis Galilée, un peu groggys, comme s’il s’agissait d’une mauvaise cuite ! …

Quant au premier rapprochement, apparemment incongru, destiné aux intrépides qui ne se poussent pas du col mais ont la force de pousser la Porte des Lions, il permet d’entrevoir un monde dont personne jamais ne nous parla !

Un multivers qui se passe de la théorie des cordes, mais pas des chaînes qui pendent à nos cous …

Qu’est-ce en effet qu’un enfant d’Œdipe, et en quoi le maitre de ceux qui savent, l’aurait-il été ?

L’Œdipe qui nous intéresse n’est pas celui qui a tué le Père, même si ce dernier n’est pas celui qu’on croit, mais celui auquel nombre d’entre nous ne croient plus !

Non, l’Œdipe qui nous intéresse, à double titre, c’est celui qui se retrouve devant la sphinge et qui, pour sauver sa peau, doit répondre à la question du jour, à laquelle ses prédécesseurs ne surent répondre et durent par conséquent périr !

" A double titre "car Œdipe, en répondant convenablement à la question - comme Abraham, en d’autres circonstances ! - sauve sa descendance, qui, en ce dernier défi, n’est autre que nous !

"La question du jour" ?

En effet, ce que le mythe ne dit pas complètement mais suggère : ceux qui, décontenancés, ne surent pas répondre à cette question qui, à leurs yeux, n'en était pas une, n'investiguait que la surface des choses, les apparences,  avaient péri, n'ayant su évoluer au point de ne plus rien savoir du mystère de l'Homme, de la "chose en soi"! …

La sphinge elle-même, pour qui sait lire les symboles, n’était-elle pas une décadence du sphinx ?

Bref, grand bien nous fasse, Œdipe répond comme chacun devrait savoir le peu qu'il sait : celui qui se déplace à quatre pattes, puis sur deux, pour finir sur trois, c’est l’Homme.

Ce faisant, il sauve sa peau et sa descendance - vous, moi ! - car, paradoxalement, il ne sait plus rien de ce qu’est l’Homme, mis à part ce qu’il en voit de l’extérieur, mais plus rien de son mystère, de sa lente édification, du travail patient du cosmos tout au long des millions d’années.

Pour ceux qui n’auraient pas compris le témoignage du mythe, de cette tragédie qui met en scène l’expulsion de notre prédécesseur du théâtre qui nous vit naître, ne voit plus le monde qu’au travers du sacrosaint raisonnement adossé aux cinq sens, le mythe, comme en un dernier clin d’œil, si l’on peut dire, insiste sur ce fait qu’Œdipe, de toute sa vie n’a jamais rien vu venir ! …

A la fin, il se crève les yeux, rejoignant ainsi les poètes qui, tel Homère, sont aveugles, mais riches en esprit, n’ont pas encore perdu le lien avec les muses, ou bien encore le roi aveugle, cet autre attardé de l’évolution, qui se fait raconter par son cocher ce qu’il se passe, ce qu'il se dit, dans le camp adverse, au début de la Bhagavad-Gîta …                                                                 

Pour la Grèce aussi, il nous fallait une image !

Depuis que nous tentons d’apprivoiser cet autre mystère qui advint en Grèce, entre les VIIIème et IVème siècle avant J.C., les mots nous manquent, alors, trahis par la pensée abstraite qui avait sans doute les yeux plus gros que le ventre, il nous fallait une image, ou à défaut, quelques mots qui, une fois assemblés feraient l’affaire !

Longtemps l’on parla du "miracle grec" !

Était-ce alors notre ultime manière, subliminale, de dire merde à Parménide pour qui, jamais ô grand jamais, de l’être n’aurait pu surgir du non être ?

Ou bien la manière paradoxale, un peu honteuse, qu’eurent les positivistes de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ?

Désormais, il est vrai, on ne parle plus de miracle grec, trop connoté en cette époque où la laïcisation se fait tatillonne …

On préfèrera alors une expression comme "coup de force " qui, forte de l’effet produit, ne se voit pas contrainte de décrire celles qui furent en présence, en impose par l’irruption qu’elle suggère, cette singularité qui fait que rien ne pourra plus être pensé comme avant ! 3

Plus près de nous, cette Ecole du savoir qui façonne nos représentations depuis près de quatre siècles, ne sait rien de ce qu’il y avait avant le big bang, incapable ni de l’imaginer ni d’en reproduire les conditions – qui pourrait lui en vouloir ? - mais, ne voulant rien savoir, et là est tout son crime, de ce qui existait avant l’émergence de la philosophie, car le témoignage existe, il est pléthorique, ne se contredit jamais, mais les témoins ne furent jamais convoqués …

Puisque, bonne élève de l’Eglise - soi-disant exécrée ! - et de Platon, le désormais mal aimé, son prédécesseur en matière de déconstruction, elle s’interdit par je ne sais quelle allégeance, de recourir au mythe, seul moyen d’explorer la conscience de l’Homme d’avant le premier homme qui prononça deux mots étranges à la face du monde : moi je ! … et dans l’instant s’isola …

Mais pour nous, arrières petits-enfants d’Œdipe par notre père Darwin, le front de la connaissance est ailleurs ; pour l’heure, on s’interroge beaucoup sur cette période où Homo sapiens aurait croisé Neandertal : se sont-ils accouplés, ignorés, exterminés ?

Restons positifs, la question s’avère légitime car, avant la rencontre, leurs squelettes présentaient des dissemblances, pourrait-on trouver alors un genre de compromis sous un quelconque éboulis qui pourrait suggérer un accommodement furtif ? …

Une rencontre oubliée !                         

Par contre, l’environnement de l’Homme n’étant plus envisageable au-delà du ciel des Galápagos, quel huluberlu pourrait bien s’interroger sur cette rencontre d’un autre type, cosmique, entre Aristote le philistin, opportuniste génial, et Héraclite, inadapté notoire, attardé de l’évolution, riche en esprit, incapable d’expliquer clairement ce qu’il voit encore …

Il est vrai que cette dernière n’a pas laissé de traces matérielles, pas le moindre os à ronger, pas le plus petit tesson de poterie, tout juste quelques querelles idéologiques qui préfigurent les nôtres …

Juste un mépris qui tient en trois mots, où pointe cependant le dépit de ne savoir que penser quand il s’agirait de voir : "Héraclite, c’est le logos ivre !"

La sentence en sa raideur a traversé les siècles, annonce le technocrate, cet accusateur distingué !

Tout ce qui dépasse son entendement, ne peut être que le propos d’un ivrogne, d’un oublié de la logique nouvelle et qui dégoise au coin de la rue, ou accoudé à quelque comptoir d'échanges en matière grise …

Bien entendu, lorsque Aristote découvre un fragment d’Héraclite sur lequel celui-ci annonce, énigmatique, que "le chemin droit et le chemin courbe sont le même", il faut bien dire que pour se faire une opinion, il n’avait pas été informé de ce que la trajectoire de la Terre se fait en droite ligne, mais, bonne fille, suit une autre loi qui est la courbure de l’espace-temps …

On s’interroge encore moins sur cette rencontre de Phérécyde de Syros avec cet autre lui-même, quand, décrivant pour la première fois de manière conceptuelle, la lutte entre le bien et le mal à l’œuvre dans l’ensemble des phénomènes observables, l’image réelle, saturée de réalité, du serpent cosmique Ophionus surgissait dans sa conscience bousculée …  

Au XIXème siècle, en présence de ce genre de spécimen, on disait que c’était un fou !

A-t-on vraiment progressé depuis, si ce n’est en transférant notre incompréhension fondamentale de l’altérité vers un vocabulaire plus sophistiqué, et qui met à égale distance le soi-disant malade et le psychiatre …

 

Heureux les pauvres en esprit !

La mésinterprétation de cette parole désormais étrange, paradoxale, mais qui venait à point nommé dans une histoire en pleine évolution - mutation serait plus exact, "reculer pour mieux sauter" pourrait aussi le faire ! - fait du galiléen le plus grand anthropologue de tous les temps !

Il ne reçut jamais le trophée pour l’ensemble de sa brève carrière, mais Dieu sait s’il fut le seul à vraiment aimer son sujet - vous, moi ! - puisqu’il implorera le pardon pour ceux qui le persécutaient, alors que tous ses successeurs, bien moins savants que Lui, auraient voulu, en cette circonstance, imposer leur point de vue ! …

Dans l’actuelle compétition, le "struggle for life made in Galapagos", les chances de survie d’un "pauvre en esprit" sont comptées …

Une fois de plus, l’escamotage de notre véritable histoire, augmenté de notre anachronisme crasse, font que les mêmes mots désignent des phénomènes bien différents.

Dans la bouche du galiléen, les "pauvres en esprit" ne sont pas ceux qui manquent d’intelligence, mais qui, comme vous, comme moi, et comme cela devait se produire en vue de notre liberté, sont coupés de leur source, parce que précisément, leur intelligence, cette activité du Moi, les en éloigne tout en cherchant à les en rapprocher …

Cela peut de prime abord paraitre paradoxal, mais sans ce paradoxe, point de recherche scientifique, point de philosophie, point d’Homme en somme, au moins tel qu’il est devenu !

Revenons sur ce moment crucial où l’Homme se rend compte qu’il ne peut revenir sur ses pas; il est daté, et les épistémologues s’honoreraient en interrogeant le contexte de cette rupture, ou de ce nouveau départ, selon le point de vue.

Les mots qui suivent sont-ils le résultat d’une expérience initiatique de Démocrite, ou les tint-il d’un initié : « Tel qu’en réalité est le réel, nous en sommes à tout jamais exilés, car il est dans l’abîme ! » ?

Toujours est-il que tout y est du drame psychique qui survint à cette époque, et que certains vécurent intensément : initiés, philosophes, dramaturges, en leur âme et conscience !

En effet, si l’on est exilé, c’est bien que l’on ne vît plus là où nous sommes nés, et, qui plus est, il est dit que nous ne pouvons pas y revenir, ne serait-ce que par le souvenir, puisqu’il a sombré dans l’abîme ! …

S’il en était besoin, ce seul terme évoque, "stupeurs et tremblements", la terreur de l’initié qui prétendait sur le tard tutoyer l’infinité de l’univers à l’aide de sa seule pensée, le sentiment de perdre pied, de dissolution de sa conscience dont il pensait, avant de sortir de son corps physique, qu’elle le rendrait maître du monde !

Je suis venu rendre témoignage à la vérité !

A cette affirmation a priori péremptoire, pour le moins décalée en ce moment tragique où les hommes qui piaffent dehors ne savent plus sur quelle branche se poser, Pilate répond par une question qui n’en est pas une …

Il aurait même pu se contenter d’un haussement d’épaule, mais alors nous n’aurions rien su de la quête plusieurs fois séculaire des hommes de l’avant. C'est ainsi qu'on l'entend marmonner, désabusé : « Qu’est-ce que la vérité !? »

Signant ainsi la vanité d’un combat perdu entre l’intelligence nouvelle et ce monde devenu mystérieux, qu’elle ne put réduire à un simple objet que l’on dissèque, à ce monde désormais sans âme, tandis que celle de l’Homme s’affirme toujours plus, et dont nous attendons paradoxalement qu’il la soumette à notre jugement ! …

Signant ainsi la victoire du scepticisme, la fin dramatique du recours à la pensée pour rendre compte du cours des choses, avant de s’en aller vaquer à ses occupations, à la vérité du moment, certes moins ambitieuse, mais pour lui plus palpable.

Alors, il dit à qui ne veut pas l’entendre : « je ne vois en lui nulle faute ! »

 

1 - La grande peste de 1348 avait fait mieux et plus vite pour le renouveau de nos forêts, au prix toutefois de la rupture des communications de l’époque et de la disparition de près d’un tiers, si ce n’est la moitié, de la population européenne. Paradoxe que nos écologistes feraient bien de méditer !

2 - Non que ce séisme n’ait parcouru que ce seul pays, mais que, c’est dans cet "ici et maintenant" de la Grèce antique, qu’il est actuellement le mieux documenté. Voir à ce sujet notamment les nombreux travaux de Jean-Pierre Vernant et du collège international de chercheurs qu’il convoqua pour cette tâche.

3 - Expression employée par Heinz Wismann dans "L’ultime atome", une conférence donnée en compagnie de son ami Etienne Klein le 23 mars 2015, ou sous forme d’un essai à deux voix chez Albin Michel. 

Toutefois, le même, auquel il faut rendre grâce pour son rétablissement de la vérité concernant la vision de Démocrite sur la structure intime de la matière, bien loin du matérialisme qu'on lui prêta, affirme, en homme "bien de son siècle", que le "coup de force" des Grecs est d’avoir tout voulu ramener à l’Un, ce qui représenterait, selon lui, un cas unique parmi les différentes civilisations. 

Ici est le point d’orgue de notre suffisance, de notre docte ignorance, car, les platoniciens, en accord avec l’évolution psychique, et non avec la doxa du XXIème siècle, n’ont "fait que" conceptualiser le mystère orphique de "l’Un et du multiple", jusqu’alors vécu en images.

Quant aux autres civilisations : avant, bien avant cette métamorphose qui organise le passage progressif de l'image au concept, cette vision de l'Un fut révélée aux sages hindous dans le très énigmatique Rig Veda. Dont le prologue (Hymne X-129) ne fut jamais, ou si peu, commenté dans les pourtant si subtils Upanishads; selon les travaux de l’indispensable Michel Hulin.

Pour ceux des grecs qui ont la faveur de notre philologue, tel Anaximandre et Démocrite, et dont les "spéculations" inédites se retrouveraient dans les découvertes de la physique quantique, on doit à la vérité d'exhumer une science spirituelle hindoue, bien antérieure, et qui décrivait déjà une origine différenciée de notre univers.

Il s'agit du Samkhya, l'école apparentée au Yoga de Patenjali. Nous reviendrons longuement sur ces différentes visions qui se font écho, faisant fi de l'espace-temps, lors de notre prochain article.

 

 

  

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