La respiration de l’univers !
Il n’était alors ni être ni non être !
(…) L’Un respirait sans souffle …
Hymne X-129 du Rig Veda
Ainsi, par cette double négation pour le moins déstabilisante, l’Un, à tout le moins son messager, dit au multiple, et par conséquent, au bout du bout, à vous, à moi : « comment pourriez-vous avoir la moindre idée à mon sujet, puisque pour vous, seul l’être est, quand le non être n’est pas !
En quelques mots, c’est tout un pan de notre univers mental et
culturel qui s’effondre !
Culturel, car, que dire, pour commencer, des prétentions des
néoplatoniciens, la fine fleur de nos spéculatifs, quant à la paternité de la
théologie négative ?
Et qui plus est, que dire de Parménide, ce papa poule des
occidentaux qui nous avait intimé l’ordre d’aller jouer là où ce n’était pas
trop dangereux !
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Il s’agit d’un texte révélé, et non d’une spéculation
philosophique ou théologique dont les hommes n’auraient d’ailleurs pas été
capables à ce moment de leur histoire psychique.
En témoigne la quasi absence de commentaires de cette énigme
métaphysique, ontologique, dans le corpus pourtant si subtil des Upanishad, et qui
auraient permis d’intégrer tant bien que mal cette parole dont la nôtre ne
saurait rendre compte.
Afin de réhabiliter nos néoplatoniciens dont l’influence fut
bientôt immense dans la chrétienté médiévale, sans oublier l’Islam, notre
mémoire oubliée, mais bien plus encore, de redécouvrir le sens de cette évolution
qui ne s’enseignait pas aux Galapagos, ce qui fut révélé à nos ancêtres clairvoyants
et qu’ils retinrent mais ne purent comprendre, fut conceptualisé
dans les premiers siècles de notre ère …
Quand Jean écrit : au début était le Verbe, le Verbe était
Dieu, et le Verbe s’est fait chair ! On peut ricaner, ne pas être
d’accord, penser que c’est une vue de l’esprit, mais du moins peut-on tenter d’imaginer
que le Verbe cosmique s’incarna dans l’un des nôtres nommé Jésus, en sa parole !
On peut donc réfuter ce qui serait un pur produit de notre
imagination, mais comment aurait-on prise sur ce qui la dépasse sans
vergogne ?
Fort heureusement, et fort mystérieusement, en Occident, ce
passage du Veda nous épargna son abyssale révélation, ses apories, pendant deux
ou trois millénaires, jusqu’à ce qu’il vienne rabaisser le caquet de ce curieux
XIXème siècle, autosuffisant, qui, ultime apothéose, avait conclu que point n’était besoin d’une nouvelle recherche, tout ayant été compris !
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« Pour en revenir à Parménide », version spirituelle de « tous les chemins mènent à Rome ! », l’un des nôtres, et non des moindres, s’était levé en ce temps lourd de menaces, en vue de restaurer les règles du jeu de l’esprit occidental, malmenées par les assauts du temps et de ceux qui s’y empressent !
Le néant est une idée destructrice d’elle-même ! avait-il
brandi devant les fauteurs de trouble …
Bergson savait sur quel terrain aller jouer, en savait les limites
! ...
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L’un respirait sans souffle !
C’est donc que l’Atman et le brahman ne faisaient
qu’un !
Ainsi, l’univers, vous, moi, devrions notre vie à cet
étrange désir de l’Un de respirer autrement !
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Pour tenter de partager ce qu’ils ont compris du mystère de l’univers,
les astrophysiciens ont souvent recours à des analogies …
Comment ne pas les comprendre, tant l’exercice est difficile
?
Prenons le concept de son expansion, désormais admis par la
plupart d’entre nous, par ouï-dire et sans examen préalable, comme la plupart
du temps !
Celle-ci, résultant d’une mystérieuse équation déjà
séculaire, et qui emportera bientôt les galaxies hors de notre vue, n’avait-elle
pas fait un four auprès d’un public averti, au sein duquel figurait en bonne
place son propre auteur, un dénommé Einstein ?
Afin de lui permettre de digérer cette conséquence
inéluctable de sa première équation, l’analogie du gâteau aux raisins qui
gonfle au fur et à mesure de cette agitation de l’air que nous nommons chaleur,
aurait-elle su le convaincre ?
Cette recette de la voisine Lombardie était-elle alors inconnue à Berne ? …
toujours est-il que celui qui préféra sa vision du monde aux prédictions de ses
propres équations, resta ferme sur ses positions, l’univers était
statique !
A ce stade, pouvons-nous en conclure provisoirement que l’univers est comme
Dieu : il ne se donne à voir qu’à certains d’entre nous, et encore, jamais
dans sa réalité, mais en fonction de l’attente et de la capacité psychique de
ceux qui sont honorés de cette rencontre ! …
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Ne vous en formalisez pas : seules les équations sont capables de décrire ce monde interdit à nos yeux de chair, et si elles permettent de procéder à des expériences de laboratoire, elles sont impropres à se faire comprendre de nos sens, sauf à utiliser des images du monde sensible, un peu comme le monde spirituel tente de le faire lors de nos rêves, avec tout autant d’imprécision, d’approximations, de difficultés d’interprétation …
Ainsi en va-t-il de l’atome qui n’existe pas, n'en déplaise aux descendants de Démocrite, en dehors de
nos représentations, qui plus est évolutives : hier système planétaire, il
apparaît désormais à certains comme une corde dont la danse frénétique
expliquerait la complexité du réel …
Le Big Bang, cette onomatopée qui visait initialement à
décrédibiliser cette thèse qui a désormais pignon sur rue, doit-il son paradoxal
et immédiat succès à ce qu’il associe, l’espace de deux mots, le son et
l’image ?
La singularité initiale qu’il suppose n’est, de l’aveu même
des physiciens théoriciens, "qu'un
cache sexe sur l’origine du monde, jusqu’alors non déflorée !"
Et puisqu’ils ont recours à l’analogie, avec tout le respect et la reconnaissance que nous leur devons, pouvons-nous présenter la nôtre ?
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Tout est parti de l’attribution de
ce prix Nobel de physique 2011 qui, à l'examen, ne tint qu’à un souffle, tant la récente mise
en évidence de l’intrication quantique le disputait à la mesure de l’expansion
…
C’est cette dernière qui finit par
l’emporter ! …
En coulisses, ou dans
l’infra-conscient de ceux qui étaient appelés à se prononcer, le choix était
cornélien : après avoir été expulsés du centre de la création par la bande
à Copernic, était-il moins dévalorisant de nous sentir de plus en plus petit,
ou de plus en plus étranger à ce monde, à ce que nous en disait hier encore le
couple félon de nos sens et de notre bon sens ?
Le jury du Nobel a tranché dans
le sens d’un sursaut de dignité : ne vaut-il pas mieux, à tout
prendre, que l’univers s’éloigne de nous, car au moins sommes-nous encore là,
plutôt que d’avouer notre bévue plus que millénaire à son sujet, car si cela était
définitivement avéré, nous ne serions plus rien !
Dites-moi votre représentation du
monde, je vous dirai qui vous êtes !
Pour en revenir à notre analogie,
dont les physiciens pourront nous dire - si jamais l’envie leur en prenait ! - si elle est
fonctionnelle, les différents mouvements de l’univers ne trouveraient-ils pas
une correspondance dans notre respiration ?
L’expansion ou dilatation, dans
l’inspire; la décélération ou contraction, dans l’expire !
L’Un respirait sans souffle !
Lorsque le petit de l’Homme vient
au jour, il chasse brutalement de ses poumons le liquide primordial, et d’un
seul geste, dans un cri fondateur, le remplace par l’air qui l’accompagnera
jusqu’à son dernier souffle !
Y aurait-il là plus qu’une
allégorie ?