Le supplice de l’électron !
« Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner ! » Michel Audiard.
Notre dialoguiste préféré avait-il déjà vu l’espace comme
une poubelle infernale ? …
Pour en revenir au sujet que nous n’avions quitté qu’en
apparence, chez la plupart de ceux qui s’intéressent à la physique quantique,
l’atome reste une sorte de système solaire où les électrons font office de
planètes.
Si l’on en reste à cette image qui fit époque, et
semble-t-il s’attarde, que dirions-nous a contrario d’un univers au sein duquel
notre planète change intempestivement d’orbite, sans prévenir qui que ce soit, surtout
pas ceux qui vont mourir, sacrifiant au passage une partie de cette énergie qui
la maintenait à distance respectable du soleil, propice à la vie, accessoirement,
pour se rapprocher enfin de celui qui l’attire si fort qu’elle s’en fit un
dieu !
Le réchauffement climatique, désormais si redouté, serait alors
chose bien douce, au regard du chaos qui en résulterait, mais que nous ne
saurions envisager, inconscients de cet incroyable réglage cosmique qui mena
jusqu’à nous, pauvres pantins pathétiques dont la vie ne tient qu’à un fil …
Mais, si le modèle était conforme à sa copie, une lumière
immense embraserait alors le ciel, au point d’éteindre celle qui, régulière,
généreuse, s’élevait à l’orient au petit matin de nos espérances renouvelées.
Fort heureusement, l’électron n’est pas une planète ;
comment d’ailleurs pourrait-il nous supporter si l’on sait que déjà notre regard
le dérange ! …
La pédagogie « fumeuse » a donc fait long feu, qui
ne s’applique, ni à la course de notre planète autour de son soleil, ni même à
la danse de l’électron.
Danse qui, pour être apparemment anarchique, est toutefois
sévèrement codifiée, comme il en était sous le règne du Roi Soleil, car, s’il
peut se rapprocher de l’objet de son désir, comme tout courtisan, c’est à
distance convenue, et sans pouvoir jamais l’étreindre …
Au-delà des convenances, à Versailles, ce centre provisoire
du monde, comme dans le cosmos, la vie de chacun en dépend ! …
Sans ce doux supplice, cette possibilité de pouvoir se
rapprocher, mais sans trop, de ce proton qui l’électrise, acceptant pour ce
court état de grâce, une perte partielle de son énergie, point de lumière,
point d’ordre, point de vie ! …
*
* *
L’époque qui a commencé au début du XXème siècle et
s’accélère sous ceux de nos yeux qui ont des oreilles pour entendre, sera, n’en
doutons pas, vue par nos successeurs comme un gigantesque « reculer pour
mieux sauter » !
Nous avions déjà observé ce phénomène en biologie, mais,
sauf erreur de ma part, il ne fut pas convoqué pour ce qui concerne les
mouvements de notre psychisme.
Reculer en effet, parce que tout s’effondre !
Rien, à l’évidence, ne restera de ces représentations qui
nous avaient permis de nous reconstruire, d’apprivoiser le monde qui se
présentait sous un jour nouveau, après que notre Moi, destructeur de l’ordre
ancien, peu respectueux de son semblable, avide de tout, ait dû se contenter des
miettes du grand festin où les convives de naguère, pouvaient se régaler sans
étiquette aucune, de la « chose en soi »
Tout est chaos, rien ne reste donc, pas même cette confiance
aveugle en la science triomphante de la fin du XIXème siècle qui pensait,
Berthelot en tête, avoir fait le tour de la question !
Et pour finir, rien qui vaille dans ce bon sens, le si mal
nommé, qui nous fit si souvent tomber dans le panneau, malgré les
avertissements de Platon, qui, il est vrai, ne faisaient pas partie de l’examen
du permis de conduire notre vie …
Reculer, non pas d’effroi, mais de stupeur, devant ce monde en
miettes, redevenu étrange, remettre en question tout ce qui ne semblait plus en
poser…
Et, ce qui apparaitra à ces enfants d’une liberté nouvelle, c’est
que les physiciens, ces surdoués, tout à la fois nés dans, et créateurs d’un
monde inconnu, contre-intuitif, qui ne parle plus ni à notre œil, ni à notre
raison, mais aux seules équations, en ont conçu, nécessité oblige, trois
phobies : celle de l’Esprit, celle adjacente des causes finales, et pour se
protéger de tout ce qui pourrait occasionner un retard dans leur libre investigation
: la peur de la récupération …
Trois phobies donc, et un objet transitionnel : la
matière !
Pour être parcimonieux, ces quelques exemples, ne suffiront
pas, je le crains, à éviter le pugilat :
Ils ont si peur de la récupération par ce qu’ils nomment la « superstition »,
cette ombre qui s’étendait sur les hommes depuis des millénaires avant qu’ils
ne la dissipent, mais en réalité, ce cache-sexe, ce fourre-tout où se stimulent
et s’enlacent leur peur viscérale de l’Esprit, leur haine et leur mépris de
tout ce qui précède, tels qu’ils en oublient toute raison dès lors qu’il s’agit
des textes révélés.
En effet, que nous dit l’astrophysique ?
Après le big bang (cette blague devenue culte, puis modèle à
penser, tant elle fut prise au premier degré !), la matière n’est
qu’entropie, dégradation de la primitive énergie, désordre, agitation
désordonnée.
L’histoire de l’univers attend son heure sous l’horizon, façon
de parler, car à cet « instant » la nuit ne se distingue pas du jour,
en d’autres termes plus « tendance » : otage de ses géniteurs du moment,
la lumière emprisonnée attendait en vain que quelqu’un veuille bien appuyer sur
l’interrupteur …*
C’est alors que, environ trois cent quatre vingt mille ans plus
tard, lassée sans doute de cet espoir, la lumière finit par se dégager de ce
salmigondis immangeable, ni fait ni à faire, disait-on dans les cuisines
infernales de l’univers, d’éléments épars en proie à une agitation frénétique …
pour, peu rancunière, aussitôt l’organiser ! …
Que nous disent les mythes ou les textes révélés ?
Le tohu-bohu, les ténèbres sur l’abîme, précédèrent la
lumière, c’est du moins ce qu’affirme la Genèse !
Les ténèbres étaient noyées dans les ténèbres, en ce
temps-là ! : c’est l’éclairage du Rig veda !
Quant à la cosmogonie des anciens Grecs, elle nous parle en
images du chaos primordial …
*
* *
Alors, messieurs, il s’agirait de s’entendre : si ces
textes ne sont pas révélés, avec tout ce que cela suppose d’un monde que vous
ne sauriez supposer, il vous faut bien imaginer, eu égard à l’insistante
concordance de ce qui ressort de vos équations et de ces descriptions
disséminées dans le temps et dans l’espace, qu’il y ait eu quelques premiers
témoins physiques de ce drame cosmique, mais plus encore, une tradition orale, non
pas millénaire, mais parcourant les générations pendant près de quinze
milliards d’années, ce qui parait difficile à envisager, vous me l’accorderez, à la lecture de l’état civil de l’humanité !
Pour ce qui concerne la mise à l’écart systématique,
doctrinale, de l’esprit, dès lors qu’il s’agit de soulever un coin du voile sur
les mystères de l’univers, vous avez, comme l’on dit vulgairement, « de
qui tenir » !
En d’autres termes, vous êtes certes les enfants d’une
époque, mais de celle qui commença au quatrième siècle …
Une vision simplement historique et par conséquent superficielle,
fait de vous les enfants de Giordano Bruno, Galilée, Newton, via les Lumières,
ignorant que le premier qui ne vit plus rien de l’esprit à l’œuvre, en fit le
sel de son œuvre, c’est saint Augustin qui, de bonne foi, si j’ose dire,
mutatis mutandis serait plus exact, ne l’apercevait plus dans ce monde qui
s’offrait à ses seuls sens.
Mutatis mutandis, parce que son psychisme nous annonce, et
c’est la raison pour laquelle il fut rapidement mal à l’aise dans son premier
engouement pour le manichéisme, cette dernière vague d’une spiritualité
plusieurs fois millénaire, qui l’abandonna tel un bois mort sur d’autres
rivages, et vint mourir en 1244 au pied du Prat des Crémats.
Les disciples de Mani, étaient parmi les derniers à avoir encore
une réelle vision de l’esprit à l’œuvre dans le monde sensible, dans la marche
des étoiles, dans la course du soleil, et c’est là la raison du profond malaise
d’Augustin qui n’y voyait plus que couic, abandonnant aux fantasmes la vision
de l’esprit ailleurs qu’en cet endroit où l’homme n’est pas ...
Plotin avait imprimé son mépris du monde dans son psychisme laissé
en jachère par un monde spirituel parti sans laisse d’adresse, sur la pointe
des pieds, soucieux de notre liberté.
Comment pourrions-nous comprendre, sentir, cette relation au
monde de ceux qui nous précédèrent à la surface de Gaïa, nous, dont la seule
grille de lecture est anachronique, dont les mailles trop lâches ne savent
retenir nos projections, notre superbe imbécile que nous commençons seulement à
remettre en cause, non pas en ce qui concerne nos ancêtres, step by step, mais
envers les animaux ! …
*
* *
Tout est parti d’étoiles qui se déplacent à une vitesse non
autorisée, du moins si l’on en croit le radar paramétré aux équations …
Les gendarmes de laboratoire sont alors bien en peine de
décrire l’effraction, ils n’ont rien vu, alors bien naturellement le premier attribut de
ce phénomène étrange sera le noir; il n’a pas de précèdent, pas de jurisprudence,
alors, tentons d’apprivoiser la bête avec un référent que l’on connait bien, ou
que l’on croit connaître : la matière.
Pour en revenir à l’atome, chacun, depuis Démocrite, a sa
petite idée !
Sans aller aussi loin dans le temps, le modèle du système
solaire tel que décrit en première partie de cette petite balade libertaire, a dû laisser
place à la danse codifiée de l’électron, sautant d’une orbitale à l’autre, en
toute apparente liberté, du moment
qu’il renonce à s’écraser sur le proton, crash qui signifierait l’impossibilité
du monde comme de l’instant que nous venons de passer ensemble.
Eh bien cette représentation est également fausse au nom du
principe d’indétermination …
Les physiciens quantiques avancent à l’aveugle, c’est une
nécessité, dès lors que l’on entrevoit ce qu’il en est vraiment de notre
liberté, mais, ce faisant, en concluant au fil du temps, que l’atome n’est ni
ceci, ni cela, et encore moins réductible à notre possibilité de
représentation, en lui retirant progressivement tout ce qu’on lui avait ajouté
pour tenter de le comprendre, ils nous permettent d’accéder à la difficile approche
de l’Un par la contre-intuitive théologie négative, dite apophatique pour
mettre à distance ceux qui n’y auraient pas droit…
*Cela figure au début de l’Hymne à la Création du Rig Veda, mais,
pour en revenir au Big Bang, effectivement, quand on n’a plus rien à se dire,
ou que l’on sait que l’autre n’y entend rien, pourquoi ne pas communiquer par
onomatopées ? Cela s’est passé sur la BBC le 28 mars 1949, quand Fred Hoyle
qui ne croyait pas à ce modèle explosif trouva refuge dans cette image qui,
pensa-t-il, devrait le discréditer à jamais ! …