Suffit-il de mourir pour connaître Dieu ?

 

En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui ! Clémenceau.

Il n’est pas l’heure de se fâcher avec des personnages importants ! Voltaire, sommé, en ses tout derniers instants, de renier le diable.

Pour en revenir au titre, quelle étrange question, me direz-vous !

Entre ceux qui croient qu’après la mort, il y a « autre chose », et ceux qui, une fois privés de leur corps, ne se voient pas d’avenir, il y a désormais un point commun, et que l’on peut exprimer en deux mots : « On verra ! » …

« Qui vivra verra ! » peut-on rétorquer à ceux qui refusent l’idée même de cet après, car, en effet, s’il n’y a rien, que pourrait-on bien voir ?

A moins que ce manifeste manque de logique, ne dissimule un secret espoir !? …

Pour ceux qui tremblèrent de père en fils sous la pluie d’imprécations tombant comme vache qui pisse des hauteurs de la chaire, tressaillaient à chaque éructation du prédicateur de l’enfer, la mort équivalait à une comparution immédiate, dans l’attente du jugement dernier … pour ceux donc qui venaient se faire admonester à l’appel de la cloche impérieuse, Dieu au moins ressemblait à quelque chose ! …*

Revêtu de la robe de magistrat, juge intraitable, représentant du pouvoir en place, il vous attendait au tournant ! …

Mais, bien entendu, nous les intelligents, sommes bien loin de tout cela, l’obscurantisme n’a-t-il pas cédé la place aux Lumières autoproclamées, la crainte eschatologique, diffuse, lancinante, à la terreur immédiate, bien réelle du moment …

La morale est désormais notre affaire, quand bien même nous n’entendons plus en tirer un quelconque profit, car Dieu sait si, enfin libérés de la calotte et du bâton, nous ne saurions agir en fonction d’une hypothétique rétribution post mortem ! …

« Dieu sait !», que peut-on dire de ce tic de langage, avant d’en être définitivement débarrassés ?

En effet, cette expression n’est-elle pas curieuse ?

Au temps où elle voulait encore dire quelque chose, Dieu savait donc par avance ce qu’il aurait à juger ?

Mais, cette époque est révolue, « Dieu merci ! » …

Pourtant, certains hésitaient entre la radicale « table rase » cartésienne, et le pressentiment que tout n’est pas aussi simple qu’il nous fut dit de ce monde qui prolonge le nôtre ?

Il n’y avait donc plus de temps à perdre, plus le loisir de tergiverser, de se prélasser dans les premiers succès de la légitime révolte, alors que la révolution, assoiffée d’immortalité, de plaire aux dieux inconnus, exigeait des têtes, un point de non-retour …

Ainsi donc, le procès fut bâclé, et le bébé jeté avec l’eau du baptême … 

Au-delà des outrances, des manipulations, nonobstant l’évidente perversité de certains imprécateurs juchés entre terre et ciel, pourvoyeurs d’indulgences sonnantes et « trébuchantes », permettant « deux en un ! », de vous construire un post mortem plus cool, en même temps que le coûteux édifice de Saint Pierre de Rome, au-delà donc de ce que nous avons désormais peine à croire, de notre émotion légitime, ces prévaricateurs n’avaient-ils pas détourné à leur profit, un certain savoir du monde spirituel ?

Car celui-ci pourrait nous intéresser dans notre tentative de répondre à la question initiale : « Suffit-il de mourir pour connaître Dieu ? ».

Ils ne le savaient pas, ces pères de l’occident, et nous non plus, nés sous x et orphelins du savoir, mais notre âme, dont, nous venons de l’entrevoir, l’Eglise romaine s’est occupée « à sa manière », est chose nouvelle en occident !

« Chose nouvelle », car, inconnue de l’épopée homérique, de ses héros, pathétiques pantins aux mains des olympiens qui se font la guerre à l’anglaise, comme on joue aux échecs, les uns avec des hommes, et les autres, avec des hommes ! …

Les olympiens, à l’abri légendaire de leur île entourée d’ignorance, n’avaient pas pressenti la fin de la partie, n’auraient su imaginer être un jour échec et mat, et qui plus est par ce cheval de Troie, cette invention des hommes, cette usurpation de la ruse dont, seuls, ils avaient jusqu’alors le secret …

L’âme apparaît avec l’individu, ce mutant, dans le miroir qui lui est mystérieusement tendu en Grèce, quelque part entre Homère, l’aède légendaire, qui, pour être "présent au passé", reste aveugle à ce qui est, entre cet esclave des muses et celui qui devra se libérer en réponse à l'impérieux appel de Delphes : « connais-toi toi-même ! » **

Aveugle en partie, toutefois, car au début de l’Odyssée, ce voyage étrange et rétrospectif dans la grande aventure psychique de l’humanité, ceux qui revinrent de la guerre de Troie, n’étaient plus tout à fait les mêmes, saufs, assurément, de la tutelle des dieux de l’Olympe qui, c’est largement oublié, ne résiste pas à cette émancipation et se délite.

Foin de l’épopée, au diable le mythe ! … après plus de deux millénaires d’ignorance quant à notre véritable naissance, nos modernes chercheurs s’aperçurent sur le tard, avec les seuls moyens autorisés par la raison, d’un bouleversement dans l’évolution psychique de notre engeance, d’un « surgissement » de l’individu !

Mieux vaut tard que jamais !  Dit-on…

Mais, n’est-ce pas trop tard, ou bien encore trop tôt ? … 

C’est, qu’en bons élèves de l’Ecole, ce clone non assumé de l’Eglise, ils s’étaient privés de l’immense savoir des mythes, annonciateurs bavards et inlassables de l’irruption de ce nouvel homme. ***

Les sophistes, dont nous n’aurions rien su ou presque, si Platon ne les avait détestés, avaient tiré par contre les conséquences de ce séisme destructeur de la relation de l’Homme au cosmos, des hommes entre eux, de l’ancienne clairvoyance, de la conscience de groupe, de la tribu, en résumé, de tout ce qui résultait de la loi du sang, de la consanguinité en somme, affirmant qu’il convenait désormais de déterminer la valeur de l’individu, ce nouvel élément non aperçu jusqu’alors sur l’Agora qui, il est vrai, n'avait alors pas reçu son permis de construire...

Pour en revenir à ce qui précède : ses mauvaises fréquentations, son appétit malsain, congénital, pour le pouvoir temporel, suffit-il à expliquer le fourvoiement de l’Eglise dans cette caricature de Dieu, de la chair, dans ce mépris du monde ?

En termes triviaux, elle avait de qui tenir !

De Platon tout d’abord, pour qui l’incarnation de l’âme, cette nouvelle venue dans l’histoire de l’Homme, est vécue comme une déchéance; des gnostiques par la suite, sans compter l’imagerie manichéenne, qui considéraient à qui mieux mieux, l’Homme comme un échec, ou comme un banni, résidu inconsolable d’un combat cosmique …

Certains de nos contemporains, ont bien vu les dégâts de cette attirance morbide, éprouvée par des théologiens hors sol, pour les thèses de leurs concurrents désormais hors de combat …

Mais personne jamais, ne tenta de mettre au jour les obscures raisons de Platon, l’un des tout premiers à tenter de faire confiance à la pensée, cette toute nouvelle relation au monde qui faisait s’éteindre l’ancienne, l’imagination créatrice qui devait tout à une forme de clairvoyance, mais rien encore au fougueux attelage du raisonnement et des cinq sens, abandonnant à un futur Champollion, les traces de son activité dans ce que nous appelons les mythes.  

Notre ignorance sur ce point, qui va jusqu’à s’ignorer elle-même, est le prix à payer de la « table rase » mise en œuvre par les pères de l’Eglise, dans le prolongement du surprenant dédain de Platon pour ces « contes de nourrice ».

Ici, il faut nous affranchir d’un anachronisme dont il est en partie responsable, en partie, parce qu’après s’être mis à distance de ces récits qui l’avaient bercé enfant, et, pour mieux se faire comprendre des retardataires de l’évolution, il construisit de toutes pièces des allégories tel que le si mal nommé mythe de la caverne …

A la différence de l’allégorie, le mythe n’est pas un concept qui trouverait à s’exprimer par l’image, mais une primitive relation au monde qui précéda la nôtre et ne s’éteignit que très progressivement, si l’on sait, pour ne prendre qu’un exemple, que plusieurs siècles après Platon, Jésus, pour se faire comprendre du plus grand nombre, eut recours aux paraboles. 

Un ou deux autres toutefois : les fables de La Fontaine ne coulent-elles pas toujours de source ? … quand, de nos jours encore, invariablement, la mémorisation d’une publicité par les CSP+ est infiniment plus forte, dès lors qu’il s’agit de la chose vue, au détriment de la chose lue.

Donc, pour nous qui nous déplaçons dans le temps avec nos préjugés, notre anachronisme, les psychologues parlent de nos valises contenant les mêmes erreurs, le mythe est une mise en image d’un concept à l’attention des benêts que, bien entendu, nous ne sommes plus...

Pauvres de nous ! … Il est pourtant ce qu’il nous reste de la relation de l’Homme avec les mystères du cosmos qui se donnaient à voir par le biais d’images empruntées au monde sensible, un peu comme dans nos rêves, un peu comme dans cet intermonde imaginal qui n’a rien d’imaginaire, et que nous avons, lui aussi, oublié depuis près de trois siècles.

Exhumer ce type de relation entre l’Homme et le monde suprasensible, est de la plus haute importance, pour peu que l’on veuille tenter de répondre à la question initiale : Suffit-il de mourir pour connaître Dieu ?

Contextualiser la venue de Platon !

Certes non, n’en déplaise à l’opinion qui a cours et s’attarde, celui-là ne vint pas par hasard !

Un séisme, récemment mis au jour, venait de se produire dans le psychisme des anciens grecs.

Cela aurait pu aller plus vite, nous épargner bien des erreurs, n’étaient les ukases de l’Ecole, cette nouvelle église disqualifiant, sans plus trop savoir, par vitesse acquise, la mythologie, cette mine à ciel ouvert pour qui s’intéresse vraiment à notre odyssée …

Ce qui donc fut exhumé dans d’autres champs de fouilles moins prometteurs mais moins compromettants, un mythe, le rapt de Perséphone, en avait décrit la genèse de manière saisissante …

Il s’agit, ni plus ni moins, de la tragédie cosmique qui accoucha progressivement du nouvel homme, de vous, de moi, en somme !

Pour traduire ce mythe en termes abstraits, nous le rendre digeste, disons avec nos mots, que la conscience, jusqu’alors extérieure à l'Homme, devient alors plus étroitement intriquée au corps physique de chacun, abandonnant progressivement cette forme d’insouciance, de béatitude, quittant, non sans regrets, le champ de jeu immense, enchanté et intemporel de la clairvoyance, pour les possibilités restreintes du couple formé par les cinq sens et le raisonnement, ce dernier centralisant tant bien que mal, et recyclant la masse d’informations entrante.***

La relation de cette tragédie, macro-micro cosmique, diverge selon que l’on est poète, mystique ou philosophe.

Le premier nous chantera ce bel accord des sens qui butinent ici et là quand la raison en fait son miel !

Trop proches du drame par leurs visions rétrospectives, les mystiques d’orient et d’occident n’étaient pas d’humeur à batifoler, quand leur venaient d’autres images, comme celle du château fort de l’âme, ou bien encore de cette muraille dont elle est désormais entourée …

Mais, au regard de l’aventure occidentale, de notre exil, disent les orientaux, une question se pose : tout bien considéré, cette prison n’est-elle pas garante de notre liberté ?

Dans le langage du mythe, Perséphone, la conscience humaine, libre jusqu’alors de fluer dans les phénomènes, de flirter avec cette "chose en soi" qui désormais nous échappe, est enlevée par Pluton, le roi des enfers, notre corps, devenu roi depuis lors !...

Et c’est bien d’enfer qu’il s’agit, car lors de ce séisme, tout s’inverse, tout est chaos : le souterrain, royaume des ombres, bourbier réservé au vulgaire, comme disait Platon, sans trop de compassion pour les non-initiés, s’invite au plancher des vaches !…

C’est désormais cet instant de notre vie, entre naissance et mort, qui devient insupportable, à l’occasion duquel le corps emprisonne l’âme qui, prise dans les rets des apparences, à terre mais non vaincue, tente de reconstituer le monde au travers des étroites fenêtres de nos cinq sens, de tisser des liens entre tous ces phénomènes devenus étrangers …

Et "Dieu sait", nous dit la science si ces fenêtres sont étroites ! …

Il nous faudra en reparler, savoir exactement ce qui nous fut réservé ! 

A peu près à la même époque, Gautama dit le Bouddha, a un mauvais réveil !

Si, de toute évidence, il partage ce constat sur la réalité de cet enfer, il en conclut qu’il ne faut rien négliger pour s’en échapper, n’y jamais revenir …

Pour qui a choisi l’exil occidental, de poursuivre l'aventure, contre toute logique mais avec son aide, sait conduire son regard objectif sur ce monde qui, pour être douloureux n’en est pas moins sublime, s’attarder aux merveilles de la nature, à ce qu’elles nous disent de la marche des lois, de l’image qu’elles reflètent, et pour peu qu’on l’y conduise de façon juste, celui-ci ne sera pas étonné de découvrir que l’araignée qui tisse sa toile, contre vents et marée, colonise les mythes grecs, alors que les femmes, ces âmes inaperçues des héros, remettent indéfiniment, à l’exemple de Pénélope, sur le métier leur fragile ouvrage …

Les physiciens quantiques ne sont-ils pas la moderne figure de Pénélope ?

Mais, me direz-vous, trêve d’atermoiements, le passé ne pourrait-il attendre, alors qu’on ne sait déjà pas à quoi s’attendre !

Sans prétendre à l’exhaustivité, contraints de "faire avec", nous avons tout d'abord convoqué ces mythes que l’on croyait morts et enterrés, puis, les initiés de la Grèce antique, quand ils ne la risquaient plus à divulguer le secret de leurs expériences, les mystiques d’occident et d’orient ensuite, pour qui nos ricanements étaient un moindre risque, et pour finir, façon de parler, ceux des nôtres qui furent condamnés à vie par le tribunal intemporel de l’EMI (expérience de mort imminente), au moins le temps de réintégrer leur corps, de témoigner, de se réformer, le cas échéant …

Le mythe tout d’abord, qui, par l’image, vaut mieux qu’un long discours : Sémélé, simple mortelle, aimée de Zeus, avait fini, diabolique exigence, par obtenir de son amant céleste qu’il se montre enfin sous son « vrai jour ».

A cette folle demande, il succombât, elle aussi d’ailleurs, qui mourut consumée dans l’instant !

A un tout autre endroit de l’histoire des hommes, Moïse, malgré ses relations au plus haut niveau, s’entend dire : « tu ne me verras pas ! » Un buisson ardent vint au devant de son aptitude ! ...

Retour de ces mystérieuses expériences de mort dont témoigna Platon dans le Phédon, les initiés de la Grèce antique finirent par délivrer le message suivant : « Qu’une divinité t’apparaisse ! Elle sera tout ou rien. Elle n’est rien si tu t’avances vers elle comme au-devant des évènements journaliers. Elle est tout si tu es préparé intérieurement à cette rencontre. Ce qu’Elle est en elle-même ne te concerne pas, mais qu’elle te laisse comme tu es, ou qu’Elle fasse de toi un autre homme, voilà ce qui importe ! » ****

Ce qu’elle est en elle-même ne te concerne pas !

Que dire de plus ? … On pourrait s’arrêter là ! Une illustration de cette difficulté que la mort n’aplanit pas, de ce retour à l’envoyeur, nous est, si besoin était, fournie par les expériences des mystiques d’occident comme d’orient.

Ils ne revinrent pas tous dans le même état d’âme, loin s’en faut, de leur excursion au pays des esprits : "Souvent, lorsque je m’éveille…", Plotin ne trouve pas les mots pour décrire cette fabuleuse rencontre avec l’Un, son hébétude, sa mélancolie, et pour finir, son incompréhension de se retrouver à nouveau dans ce corps dont, comme ceux de son époque, il ne sait plus l’esprit ! …

Chez les platoniciens de Perse, chers à Henri Corbin, et avec lui, tous ceux qui, depuis peu, se sentent lésés par l’amnésie occidentale, les états d’âme au retour de ce monde imaginal qui n’a rien d’imaginaire, sont contrastés : quand Sohrawardi exulte à l’unisson de Plotin, Mir Damad, fondateur émérite de l’Ecole d’Ispahan, fait part de son insondable tristesse lors de son "débriefing"… *****

Cependant, ces témoignages sont-ils dignes de foi ? … comme nous disons désormais qui ne saurions employer les bons mots, sans pour autant confondre celle-ci avec le début d’une preuve !

Pour nous faire une plus juste idée, il nous faudrait passer au banc d’essai de notre incrédulité des vivants, à tout le moins des contemporains, qui, à défaut d’être revenus de tout, seraient revenus de la mort !

Et justement il s’en trouve !

Ce sont les rescapés de l’EMI, à qui, à partir des années 1970, l’on tendit le micro, éberlués par tant d’attention, eux qui jusque-là n’osaient en parler à quiconque par peur de passer pour quelque peu brindezingues …

Alors, comme d’habitude, devant ce retour de la "superstition", se levèrent machinalement de belles âmes en blouse blanche pour affirmer urbi et orbi que le cerveau n’a pas d’âme, trouver coûte que coûte une explication tangible à l’apparition de ce phénomène fauteur de trouble …

Il est vrai que si la science avait encore les moyens de son inquisition, ces pauvres fous relâchés par mégarde, seraient accusés d’hérésie et brûlés en place publique après être morts lors d’un accident de voiture …

Mais, mutatis mutandis, le jugement est désormais réservé à tout un chacun. Sur leurs dires, des statistiques ont été établies, des analyses rondement menées.

Allons droit au but, dans l’intérêt du sujet qui nous occupe : les EMI ne nous disent rien sur Dieu, tout au plus voit-on surgir ici et là, à l’occasion de ces témoignages éminemment respectables, des êtres de lumière …

Cependant, en poussant un peu plus loin l’investigation, et qui pourrait nous intéresser, nous découvrons des expériences contrastées, car, si le plus souvent elles sont positives, voire extatiques, elles s’avèrent parfois négatives …

*

*       *

Pour conclure, cette investigation n’a pas la prétention d'être exhaustive, nous pourrions par exemple la prolonger de ce que l’Un tenta, dans le Rig Veda, de nous dire de l'origine, de ce "qu'il" était avant que d'être, de son désir gros des dieux et de la création qui s'ensuivit ...

Message énigmatique qui, malgré cette grâce qui nous fut faite, reste difficile à conceptualiser, en témoigne l’étrange silence des Upanishad sur cette révélation, eux par ailleurs si loquaces et si subtils …

Ne serait-il pas intéressant alors de confronter cette communication restée sans descendance -contrairement à la Genèse - à l’effort inédit de certains philosophes mystiques occidentaux, comme Plotin ou Proclus, pour se hisser à un niveau jamais atteint, au moyen de l'approche dite négative.

Cette tentative de rencontre « au sommet » mérite un développement spécifique auquel nous nous essayerons très bientôt sur la Porte des Lions.

Pour conclure provisoirement, il existe un lieu oublié de l’occident depuis près de trois siècles, auquel s’éveille celui qui meurt, un intermonde, entre notre monde sensible et le monde intelligible, divin pour le dire autrement, lieu de rencontre entre l’Homme et les dieux qui se montrent sous telle ou telle forme immatérielle selon l’aptitude et le désir du nouveau-né ...

L’initié avait donc raison, Dieu n’existe pas en dehors de ton regard !

Pour tenter de comprendre ce à quoi nous ne nous attendions pas, pour éviter aussi d’en tirer les mauvaises conclusions, l’exploration récente de l’infiniment petit nous apporte des clés.

En effet, n’a-t-on pas découvert que le regard détermine le réel, ou ce que nous pensions être tel, que la mesure précède l’état et le gouverne ?

Pour se servir de cet outil conceptuel mis à notre disposition par une génération de physiciens tous nés sitôt la fin du Kali Yuga (âge sombre), attardons-nous à l’évolution sémantique de Heisenberg quant à son principe d’incertitude qui, ainsi nommé, conduisait à des conclusions contraires à ce qu’il avait vu, lui préférant désormais, et afin que nul n'en ignore, le principe d’indétermination.

Le principe d’incertitude ne désigne pas en effet l’incapacité du sujet observant, comme il fut déduit à la hâte, mais l’instabilité ou, plus exactement, la potentialité de l’objet observé avant que notre regard le convoque …

Dans ce monde à l’abri de notre regard sensible et partant, de nos illusions, la propriété de l’objet observé dépend donc du regard qui se pose sur lui, comme du moment où il se pose. 

L’objet échappe ainsi à toute détermination et impose au sujet de reporter son analyse sur la nature même de son regard, sur sa véritable attente …

Jusqu’à il y a peu en Occident, Dieu était l’objet de notre vénération, savait-on sourdement que depuis l’éternité, il nous tend le miroir ?

*

*       *

 

*Le péché et la peur – La culpabilisation en Occident – De Jean Delumeau, aux Editions Fayard, septembre 1983. Un pavé de 742 pages dans la mare où d’aucuns nous laissaient patauger …

**voir à ce sujet le magnifique travail de synthèse de Jean-Pierre Vernant – Mythe et pensée chez les Grecs, aux Editions La Découverte, juillet 2012. Etudes de psychologie historique qui voient littéralement « surgir » l’individu, à ce moment de la Grèce où ce dernier venu, en quête de salut, supplante le héros assoiffé de gloire. L'immortalité se conquiert désormais sur un autre champ de bataille. En cet instant où tout bascule : Achille n’a-t-il pas confessé à Ulysse, de passage aux enfers, qu’il préfèrerait désormais être mendiant sur le plancher des vaches que roi dans l’Hadès, lui qui, hier encore, ne rêvait que de cette gloire synonyme d’immortalité pour celui qui l’obtint (L’Odyssée) …

*** La mise en pièces de Dionysos Zagros, le rapt de Perséphone, la descente d’Orphée aux enfers … Pour une autre lecture des mythes : L’Exil oublié de Pierre-Marie Baslé, 2014,sur Amazon.

**** Le Christ, parlons-en! ... mais allons à l'essentiel : pourquoi à ce moment-là, pourquoi à cet endroit-là ? Si vous vous êtes déjà posé cette question fondamentale qui intéresse au plus haut point l'aventure humaine, mais, curieusement, assez peu les "chrétiens" : Le christianisme et les mystères antiques de Rudolph Steiner aux Editions Anthroposophiques Romandes -  1204 Genève - Suisse.  

***** Cette confusion entre « imaginal » et « imaginaire » prouve à quel point nous ne nous savons même plus être en exil ! … Pour en revenir à la troublante diversité des expériences mystiques, et sans tirer de conclusion hâtive, notons que Mir Damad, sous influence encore de la tradition gnostique, se représente notre monde ainsi que notre statut, comme le résultat d'un  combat perdu par la lumière, une scorie en quelque sorte, d'un drame cosmique initial; ainsi entendit-il une clameur sinistre, à moins que ce ne fut l'appel désespéré de Mani ! ...  

*

*        *

 

Pour finir, approchons-nous à pas feutrés d’une rencontre au « sommet » qui eut nécessairement lieu entre Spinoza et Dieu en cette année 1677 du calendrier grégorien, au moins tel qu’il l’avait imaginé ! …

Arrivé à la fin de sa vie, au carrefour de la logique qui ajoute, et de l’approche apophatique qui retranche, l’influenceur discret de nos opinions, avait décidé de la nullité des causes finales, car enfin - écrit-il dans l’Ethique - si Dieu avait créé le monde dans un but bien précis, par utilitarisme donc, c’est qu’Il n’était pas l’Un à qui rien ne saurait manquer ! …

C’est, de ce point de vue au moins, indubitable !

Ajouter quoi que ce soit à l’Un, c’est retrancher, avaient subtilement décidé les néo-platoniciens, et sur ce point Spinoza ne trouva rien à ajouter !

Lors de cette rencontre, sous quelle forme l’Ineffable, s’est-Il montré à lui ?

S’est-il présenté sous forme d’énigme ?

Lui a-t-il demandé s’il était possible dans cet univers dépourvu de raison  de continuer avec le diktat du « ou » ou bien s’il fallait s’habituer à l’immensité du « et », à la nécessaire coexistence des vérités contradictoires ?

 

 

 

 

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