Le temps n’est-il pas venu d’en finir avec nos ricanements ?

Ce complexe de supériorité que nous avons dissimulé sous le masque de la « modernité » peut-il résister plus longtemps à la thérapie sauvage qui nous est assénée par la nouvelle physique ?

Pour ne pas vous embarquer dans la zone interdite, truffée de pièges, qui sépare physique et métaphysique, nous nous contenterons de quelques exemples concrets où ce qui nous faisait rire hier encore, mérite un nouvel éclairage …

Aujourd’hui, le premier exemple, et non des moindres, concerne ces quelques mots mystérieux, surréalistes, prononcés par le Christ quelques heures avant de monter sur la croix : « ceci est mon corps, ceci est mon sang ! ».

En évoquant cette zone interdite, je pensais à cette période que "les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ! …", à cette guerre froide lors de laquelle ceux que le régime soviétique oppressait, votaient avec les pieds, au risque de leur vie …

En d’autres termes, s’enfuyaient loin d’un système auquel ils ne croyaient plus.

Tout ceci nous semble si loin !

Pourtant, nombre de nos contemporains ont choisi cette façon de voter pour s’extirper d’une autre institution dont les murs n’ont certes pas subi l’assaut rageur des pelles et des pioches, mais qui n’a plus les moyens, ni intellectuels, ni coercitifs, de les retenir.

Les raisons de cet exode sont multiples, mais, si l’on y prête attention, elles furent souvent déclenchées par un ricanement.

Le mystère de ces paroles du Christ lors de ce dernier repas, mais bien plus encore, l’embarras manifeste de l’Eglise romaine, récemment sommée de s’expliquer sur cet aspect central du rite, est une des causes du départ de ceux qui préférèrent hausser les épaules, en l’absence d’une réponse cohérente, quand d’autres avaient déjà haussé le ton, allant jusqu’à moderniser les  vieilles accusations des romains des premiers siècles, agitant le chiffon rouge d’un cannibalisme honteux, catacombesque, qui n’aurait osé se donner en spectacle dans l’arène des violences convenables ! …

C’est que les temps avaient changé, dit-on sans trop réfléchir, alors que ce qui change, c’est le psychisme de l’Homme, en perpétuelle évolution, et qui portait désormais un regard oblique sur ce mystère qui ne se donnait pas à l’intelligence mais à la seule foi.

Puisque nous en sommes à douter de tout, la première question qu’il convient de se poser est, que fut-il vraiment dit ce soir-là, mais au-delà des apparences, qui parlait ainsi : Jésus, où l’entité encore présente sous l'apparence d'un être humain ? *

Sur ce qui fut transmis, le débat entre philologues, non dénués d’arrière-pensées, fut interminable, et finalement non fécond, tant est complexe cette véritable géologie de traductions, de l’araméen au grec, au latin, puis, dans la langue qui nous sert à acheter des yaourts …

Paradoxalement, c’est de savoirs oubliés, voire escamotés par des théologiens qui, comme les pharisiens, confisquèrent progressivement une grande partie du mystère**, que nous pouvons attendre quelque éclaircissement. 

Tout d’abord, contextualiser : l’entité cosmique, solaire - les premiers chrétiens savaient encore cela ! - que certains appellent le Christ, ou bien encore le Verbe, s’était incarnée à une époque charnière au cours de laquelle l’ancienne relation au monde, vécue en images, laissait progressivement place à la pensée abstraite, c’est toute l’histoire du passage du mythe à la rationalité, ou, pour le dire autrement, de la fascination à la liberté.

A cette époque, celui qui attire les foules, sait, en sa grande sagesse, qu’aucun de ses auditeurs, et jusqu’au sein même du groupe des apôtres, n’est au même stade d’évolution ; c’est la raison pour laquelle, aux uns, il s’adresse au moyen de paraboles, et tient, aux autres, un langage conceptuel, abstrait, que nous sommes désormais mieux à même de comprendre, encore que ? …

A ceux qui avaient déjà pris pied dans l’univers froid de la pensée abstraite, avaient pour cela acquitté le prix de l’oubli, il fallait rappeler que, très longtemps, l’Homme avait considéré le fait de s’alimenter comme un geste spirituel, car, certes non doté de notre intelligence, mais clairvoyant, il savait l’esprit partout à l’œuvre dans ce que nous appelons la matière, ce phénomène parmi tant d’autres.

Quelques traces de cette primitive communion nous en restent dans la relation qu’établissent certains entre leur alimentation et leur psychisme, ou d’autres encore qui bénissent machinalement ce qu’ils s’apprêtent à ingurgiter …

Mais, pour en revenir à ce point de bascule, à ce stade de l’évolution psychique, en ce bas moyen-âge dont notre superbe aime à faire l’impasse, au tournant du XIIIème siècle donc, l’Eglise romaine, pour une fois désunie, accepta que certaines de ses ouailles à qui la foi du charbonnier ne suffisait plus, puissent accéder à ce mystère au moyen d’un concept aux allures alchimiques, affublé, qui plus est, d’un nom mystérieux : « la transsubstantiation » !

A n’en pas douter, plus d’un trublion dût en rester coi !

Ce mot étrange, apparemment destiné à laisser le pékin moyen à juste distance, désigne la transformation d’une substance en une autre ; encore faudrait-il s’entendre sur la signification du mot « substance », ce qui n’était pas le cas en ce temps de remise en cause, mais, à la décharge des scolastiques, n’est toujours pas tranché.

A tout le moins, c’était reculer pour mieux sauter, car expliquer le surnaturel par le surnaturel n’était pas forcément la bonne solution, de notre point de vue anachronique en tout cas …

En effet, plus étrange encore, était-ce la peur du bûcher, l’habitude de rester sur sa faim en ces périodes de disette répétées, ou l’envahissement d’un intellect un instant surmené par quelque durable torpeur, ce qui est désormais vécu comme un bricolage, a tenu le haut de la chaire sept siècles durant ! …

Mais, après ce long temps de répit, étouffé sous le joug, le ricanement bientôt reprit ses droits, et l’Eglise romaine qui ne le disait plus, soucieuse de son pouvoir toujours, et donc désormais de plaire, retira de son discours cette tentative insolite d’approche intelligente, pour retourner promptement à ce qu’elle jugeait être sa zone de confort … 

Depuis l’admirable effort de la Scolastique qui éprouva, à point nommé, le besoin de se battre avec ce que la Révélation comportait de scandaleux pour la raison en plein essor, l’Eglise romaine, ivre de pouvoir, nourrie, repue, de l’intelligence de Thomas, le si bien nommé, à l’abri de la veille spirituelle des sbires de l’inquisition, s’est endormie sur ses lauriers, n’a pas su changer de front, car, bientôt, la nouvelle révélation ne proviendrait plus de ce texte qui en porte le nom, mais de l’écriture jusqu’alors secrète de la nature. ***

E= mc2

Que vient faire ici, me direz-vous, cette équation ?

Tout d’abord pour cette étrange raison que, seule, entre toutes celles qui noircissent les tableaux énigmatiques, elle imprima nos représentations, à défaut, c’est une évidence, de notre compréhension ! 

Sa notoriété résulte d’un malentendu vieux de soixante-quinze ans, car, quitte à vous décevoir, si cette formule recèle effectivement une bombe, cette dernière n’a strictement rien à voir avec celle à laquelle vous pensez ! ****

Par contre, lâchée au beau milieu de nos représentations, elle pourrait nous amener sans ménagement à mourir à nous-mêmes, à notre fameux bon sens, à cette intuition qui ne nous sauve des apparences, qu'en apparence ! …

Que dit donc cette équation qui, une fois bien comprise, ne laisserait aucun d’entre nous égal à lui-même, nous pousserait hagards sur des routes incertaines, loin, toujours plus loin, du centre de l’explosion, de ce monde en ruine, orphelins de nos certitudes qui nous avaient permis jusque-là de pousser un peu plus loin ?

Rien de moins que :

1.     Un objet dit matériel, quel qu’il soit, vous, moi, une hostie (pour être raccord !), mais, pour faire bon poids, une pierre, ce morceau d’univers réputé stable, immuable, clos sur lui-même, est en réalité sauvagement agité en son sein, chacune des particules qui le composent apparaissant et disparaissant simultanément. Les physiciens appellent cela "la danse frénétique des particules", et, plus étonnant encore, c’est cette frénésie qui lui confère l’essentiel de sa masse, et non, comme on pourrait le penser, la somme de ses particules …

2.      La masse c’est donc essentiellement de l’énergie ! Einstein l’avait écrit à un ami, sans être sûr de ce qu’en pensait le Dieu auquel il pensait : « mesurer la masse, c’est mesurer l’énergie ! ».

3.     Qui plus est, plus étrange encore, la propriété d’un objet peut devenir un autre objet ; pour exemple, la vitesse d’une particule, engendrer une nouvelle particule, sans que la particule initiale n’en soit " affectée" ! … *****

4.     Enfin, certains physiciens vont plus loin avec la si mal nommée "théorie des cordes", quand on devrait dire "théorie des vibrations", en ceci qu’il n’existe qu’une corde, mais une infinité de vibrations que jusqu’alors nous avions décrites comme des particules élémentaires. Là aussi notre choix des mots (cordes, matière noire) en dit long sur notre référentiel, puisqu’en l’occurrence, il ne s’agit pas, rassurez-vous, d’une corde avec laquelle un matérialiste convaincu, confronté à ce spectacle étrange, déciderait de se pendre …

Quel est donc ce message énigmatique délivré aux hommes de son temps comme de ceux à venir, et par conséquent, de vous, de moi ?

L’entité cosmique que Zoroastre appelait de ses vœux et, pour mieux se faire comprendre des siens, Ahura Mazda, la grande aura solaire, les grecs Christos, ou bien encore, le Verbe, pour ceux qui, comme Jean, étaient apparentés aux mystères de l’école d’Ephèse, savait le passé, le présent, le futur, mais notamment que les hommes du temps de ce Jésus, choisi entre tous pour cette rencontre inédite, ne voyaient plus le monde en esprit, leur regard s’arrêtant à la surface des choses, aux apparences, ne fluait plus dans l’intimité des phénomènes, dans la « chose en soi », ce graal, cet inatteignable, des philosophes et désormais des physiciens.

Souvent, la mythologie grecque parle de cette évolution majeure de la conscience !

La Porte des Lions devra y revenir encore et toujours, tant tous se sont conjugués depuis deux mille ans pour la marginaliser, clercs et modernes, ces frères ennemis de la vérité !

Mais pour en revenir à ces hommes d’avant, à titre d’exemple, Héraclite et, sur le tard, Plutarque, ont vu en esprit et décrit ce qu’implique l’équation E= MC2.

Cependant, l’éducation du cerveau, et par-dessus tout notre liberté, exigeaient que cela fut retrouvé par le raisonnement …

Ce qu’Il dit également, mais l’acharnement séculaire des théologiens à dissimuler sa dimension cosmique, nous interdit de le comprendre, c’est que désormais, une fois son corps d’emprunt retourné à la poussière, Il va fluer dans les éléments …

 

*voir à ce sujet ce qu’en dit l’Evangile de Marc, préfigurant en quelque sorte les légitimes interrogations du Coran sur le mystère du Golgotha, sur ce qu’il s’est réellement passé. Correspondances déjà mises en lumière par La Porte des Lions, notamment dans les deux articles intitulés : « Le jeune homme en robe blanche » et « Le Crucifié, l’Evangile et le Coran ».

**il ne s’agit pas d’un a priori, mais d’une accusation du galiléen qui contribua vraisemblablement à la décision finale, à tout le moins à ce que les uns et les autres crurent avoir décidé !…

***A tout seigneur, tout honneur ! Ce constat de la décadence d’une institution près de deux fois millénaire, qui ne sut s’adapter aux enjeux de l’évolution du psychisme humain, est un des moments saillants des trois conférences que donna Rudolph Steiner en mai 1920, regroupées sous le titre : « La philosophie de Thomas d’Aquin ».

**** Etienne Klein, physicien et philosophe, humoriste à ses heures, pour un public manifestement  en retard, a fait en ce sens un travail remarquable pour dire tout ce que cette équation ne dit pas de la bombe atomique, mais bien plutôt, de l’éparpillement, pour ne pas dire de l’atomisation, de nos représentations en ce qui concerne la matière.

***** Aurélien Barrau qui, chacun le sait, est tout sauf un dévot, choisit si bien ses mots que nul lapsus ne saurait s’immiscer dans son exposé, parla à ce propos de transsubstantiation …

 

 

 

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