Ne serait-il pas l’heure de tenter d’en finir avec nos croyances ? …
Commençons, si vous le voulez bien, par l’une des plus ancrées, mais qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne squatte notre horizon que depuis peu …
Depuis peu, car, en effet, qu’est-ce que deux ou trois
siècles au regard du temps long de l’évolution ?
Cette bizarrerie, venue sur le tard, qui nous caractérisera vraisemblablement
aux yeux de nos successeurs à la surface de Gaïa, résulte de notre actuelle représentation
du monde et tient en quelques mots : "hors de notre cerveau, point de
pensée !"
Il fallait y penser ! …
Osons espérer cependant, pour le respect de notre mémoire,
que ceux qui viendront seront plus indulgents avec nous que nous le sommes avec
ceux qui nous précédèrent …
La réalité c’est que, depuis des millénaires, personne,
cerveau au poing, n’aurait osé faire ainsi main basse sur ce mystère qui nous
caractérise.
Les philosophes grecs, s’extirpant lentement d’une
représentation du monde en images, s’estimaient quant à eux « aimés des
dieux » lorsqu’une pensée désormais abstraite s’allumait en eux.
Sans aller si loin, au XVIIème siècle encore, un penseur
ayant déjà pignon sur rue, appelé à un grand avenir au-delà même des frontières
hexagonales, évoqua, erreur de vieillesse ? ... à cet âge où l’on n’a plus rien à
perdre, où l’on a fait le tour des niaiseries qui vous valurent tant d’honneur,
coucha donc sur le papier l’existence non
moins rare de ces entités vitales qui montaient incognito du cœur vers le
cerveau, titillaient la glande pinéale, hier encore mystérieuse, et pourtant bien
connue des mythes et du secret Vatican, interface entre l’Homme et le cosmos, participant
ainsi à cet autre mystère qu’est notre conscience, quand elle va jusqu’à se
prendre elle-même pour objet.
Entités vitales, disons-nous, « spiritus animals »,
disait-il alors à l’attention de ceux qui en perdirent leur latin ! …
Tout ceci n’est pas très cartésien, me direz-vous, et vous
avez raison, enfin, jusqu’à un certain point, car cette description est de …
Descartes lui-même, étalée sans vergogne dans son traité des « Passions de
l’âme » …
Sachant cela, j’avoue que lorsqu’un quidam annonce ou ponctue
son propos d’un : « c’est bien connu ! » ou d’un « je
suis cartésien ! » je souhaiterais alors avoir la foulée explosive de
Usain Bolt, à défaut de la vitesse de libération d’une fusée design by Tesla …
Mais pour en revenir à ce dont vous ne revenez toujours pas :
patatras, l’idole s’effondre ! … à qui donc alors faire confiance ?
En réalité, les choses sont un peu plus compliquées que nos
réactions ne l’imaginent. Il s’agit donc de les remettre en perspective !
A l’évidence, Descartes parle en l’occurrence de ce qu’il ne
voit pas, et, à moins d’être complètement barré, ce que l’histoire de la
philosophie n’a pas retenu, il a repris cette vision quelque part …
Pour ce qui concerne cette période où le savoir disponible n’excédait
pas encore les limites de l’érudition, l’investigation ne nécessite pas de gros
moyens, c’est à Aristote qu’il a emprunté cette vision qui a le don de nous
faire doucement sourire à défaut d’y réfléchir.
Soit ! Aristote n’était pas clairvoyant, mais au moins
fréquenta-t-il ceux qui l’étaient encore, par atavisme pour peu d’entre eux, ou,
plus récemment, par le biais de l’initiation, comme Platon son maître, et, sur
ce point, il décida de leur faire confiance, laissant provisoirement à
l’écurie, l’attelage frétillant, impatient d’en découdre avec un avenir
prometteur, composé de ses cinq sens et de son gros cerveau …
D’accord ! me direz-vous encore, mais Descartes, lui
que l’on croyait raisonnable ! … pensez-donc, plus de vingt siècles après
cette démission oubliée du maître de la logique ! … ce que vous dites est
proprement incroyable, ne serait-ce pas un fake new ? Il nous faudra
vérifier ! …
Vérifiez, vérifiez, ce que vous trouverez in fine, c’est que,
quoi que l’on en pense, Descartes était dans le bon timing de notre évolution psychique
; en homme de son temps, il essaya de conceptualiser ce que d’autres avaient vu
en esprit, quitte à ce que, notre pensée devenue abstraite n’étant pas pour
autant apte à saisir d’un seul coup tous les mystères de l’univers (qu’en
ferions-nous d’ailleurs ?) … cela
puisse faire penser parfois à un laborieux bricolage …
Mais, loin de notre anachronisme, de nos idéologies, à sa
décharge, il ne savait rien de la radioactivité, du rayonnement qui en résulte,
emportant loin, très loin, particules matérielles et immatérielles !
Aurait-il sauté de joie en apprenant la mauvaise nouvelle :
ne sommes-nous pas nous-mêmes radioactifs, perdant plusieurs milliers d’atomes
à chaque seconde ? … D’ailleurs, qui
le sait désormais ? … en tout cas surement pas vous dont le sourire soudain
se fige !
Et pour faire bon poids, si l’on peut dire, mais qui
pourrait en donner à ce que les anciens ont vu en esprit, que pouvait-il savoir
de ces milliards de neutrinos qui nous traversent en permanence, venus directement du cosmos
pour certains, ayant préalablement traversé la terre pour d’autres, que rien
ou presque n’arrête, surtout pas notre conscience ?
Cela nous a-t-il traversé l’esprit avant que de nous moquer
de sa touchante tentative ?
Ce que savaient les clairvoyants qu’Aristote n’était plus, mais
auxquels il fit pourtant confiance, c’est que l’éthérisation du sang, son rayonnement
dirions-nous aujourd’hui, était en partie arrêté par le cerveau, produisant un
renflement désormais invisible à nos yeux de chair, et que cette rencontre du
troisième type avec les influences cosmiques produisait la pensée.
De ces visions en esprit il nous reste quelques traces
indéchiffrables, malgré les progrès gigantesques des moyens de la police
scientifique qui n'en croirait pas ses yeux.
Pour qui emprunte les sentiers abandonnés par l’histoire
officielle, apparaît une scène oubliée où tel artiste de l’antiquité traduisait
la vision d’un clairvoyant, ou bien d’un initié, par des formes ou images
accessibles à la nouvelle conscience ; ainsi furent immortalisés le très
exact bonnet phrygien dont la révolution française "inconsciemment" s’empara, le
casque d’Athéna, puis, un peu plus tard, plus symbolique, plus conceptuel déjà,
l’aura des saints …
Il est toutefois une autre manière d’aborder ce mystère qui occulte
le rôle exact du cerveau !
Faut-il le rappeler aux supporters de l’IRM avant que ne
soit sifflée la fin de la partie : le langage sait plus de choses sur nous que
nous n’en savons sur lui !
Et pour une simple raison, c’est qu’il préexiste à notre
actuel intellect.
Ainsi, vous êtes-vous déjà posé la question suivante qui
ne nécessite pas d’autre investissement que celui de notre sagacité : pourquoi
employer la propriété du miroir pour décrire l’acte de penser ?
Je réfléchis !
D’où vient l’étrange polysémie de ce mot ?
Quelle drôle d’économie avons-nous fait en employant le même
mot pour caractériser notre activité cérébrale et la propriété de ce mélange
d’argent et de verre qui remplaça ce plan d’eau primordial où Narcisse
s’aperçut pour la première fois !
Comme le langage, dont il est contemporain, le mythe en sait
plus long sur nous que nous n’en savons sur lui ! …
Ou qui ne voulons rien en savoir, serait plus exact !
Ce dire du langage, tout aussi mystérieux que notre
subconscient, contient pour le sujet qui nous occupe, une autre pépite :
« le sommeil est réparateur ! »
Cette vérité est, vous me le concéderez, communément admise,
car chacun, depuis la nuit des temps, peut en constater les effets …
Demi-vérité cependant, mais qui en dit long sur notre
mutation psychique, car ce n’est pas le sommeil qui nous répare, mais un
processus étrange dont nous ne savons plus rien, et qui se déroule notamment
dans l’intimité de notre cerveau pendant le temps de cette perte de conscience
quotidienne, qui s’amenuise malheureusement au fil des ans et nous conduit
cahin-caha à la mort.
Ce n’est pas pour rien que la privation de sommeil est une
torture pratiquée par tout régime qui veut endormir les consciences. Le film L’Aveu
de Costa Gravas en 1970, devrait être proposé comme sujet de
« réflexion » aux supporters de l’IRM avant qu’ils ne confondent la
science avec leurs slogans …
Ces expressions patrimoniales, quasi-automatiques, corvéables
à merci, au moins lorsque l’on cherche l’adhésion de son interlocuteur ou d’un
auditoire, feront un jour, je l’espère, l’objet d’une datation, selon qu’elles
expriment une vérité désormais occulte, dormante, comme « je
réfléchis ! » ou notre oubli du mystère de l’univers, de notre
rapport permanent au cosmos comme dans : « le sommeil est réparateur ! »
où il ne s’agit plus que de la surface des choses mais plus de « la chose
en soi ! » .
Alors, à tous ceux d’un lointain passé, comme à ceux qui
viendront dans un futur proche, à l’échelle de l’évolution tout au moins, je
demande une seule chose, épargnez-nous votre commisération !
Enfin, à tous ces spectateurs obnubilés par le jeu d’ombres
et de lumière concédé à l’IRM par notre cerveau qui n’en demandait pas tant, je
souhaiterais rappeler ce message de Platon que nous avons rangé indûment dans
la bibliothèque poussiéreuse des mythes, alors qu’il s’agit d’une allégorie
qui, par conséquent, peut s’adresser à notre intelligence devenue conceptuelle.
Désormais la caverne est inondée de lumière, non, pas celle
dont parle Platon, dont nous ne savons plus rien ! …
Elle se nomme désormais « laboratoire », inondé de
lumière physique, contraignant les ombres à se réfugier dans cette autre
caverne en cours d’exploration et dont la voûte est notre calotte crânienne.
Certes, lors de l’acte de penser, telle ou telle partie du
cerveau est le lieu d’une activité, et les supporters de l’IRM alors s’enthousiasment, se rassurent, se congratulent, ne sont-ils pas arrivés à leur but?... c’est là qu’à l’évidence tout
se passe ! …
Mais quand les lumières du stade sont éteintes, il faut bien
revenir à la vie, s’extirper de l’enthousiasme, accepter que tout ne s’est pas
déroulé comme on l’avait souhaité, que toutes les analyses, tous les
paramètres, toutes les combinaisons, ne sauraient suffire à décrire la
complexité du réel, sinon, d’ailleurs, quel serait l’intérêt du match ?
Les initiés antiques disaient : si l’on nous donnait
les clés du mystère de l’univers, et par conséquent de notre présence éphémère,
qu’en ferions-nous ?
Enfin, pour répondre à ces idéologues déguisés en neurobiologistes, voici quelques observations issues de leurs propres rangs, qu’ils écartent, de la même manière que les systèmes totalitaires écartaient les dissidents :
1. Ce n’est pas le cerveau qui crée le langage mais
le langage qui crée le cerveau
2. Descartes, l’un des tout premiers, discernait
chez certains des aversions inexplicables pour le commun des mortels, « héritées »
de celles de leur mère, alors qu’ils baignaient encore dans le liquide
amniotique.
3. Nous savons désormais que le cerveau labile du
fœtus se structure, notamment en entendant les paroles qui lui parviennent sourdement
de sa mère, comme les échanges qu’elle peut avoir avec son entourage, sans
compter ses émotions négatives ou la musique pour ceux qui en eurent la faveur
ou la défaveur …
4. Nous savons depuis longtemps que la dominante
cérébrale résulte du geste répété de telle ou telle main, la droite,
généralement, qui « imprime » l’hémisphère gauche …
5. Nous savons depuis longtemps que la dominante de
tel ou tel hémisphère selon que nous avons décidé d’apparaitre en occident ou
en orient, résulte de l’emploi d’une écriture totalement abstraite comme
l’alphabétique, ou idéographique, symbolique, comme l’écriture chinoise …
6. Par contre, nous ne savons pas encore, par
manque de recul, la répercussion cérébrale de la disparition de l’écriture à
l’aide d’une plume ou d’un stylo, au profit du clavier, et par conséquent du
geste symétrique de la génération dite « deux pouces »
Cette liste n’est assurément pas exhaustive, mais, comme il en est de nos idées reçues sur Descartes, indique que la vérité est peu de chose en face de notre idéologie, par nature sélective, pour ne pas dire peureuse ! …
Enfin, de ceux qui nous remplacerons à la surface de cette
terre, j’implore la bienveillance pour ceux de mes frères qui ne savent pas qu’ils raisonnent
dans le champ étroit de notre actuelle conscience, cette prison paradoxalement garante
de notre liberté, de notre émancipation de ce monde spirituel dont nous sommes issus, mais
qui, mystérieusement, nous permit de créer ce nouveau venu sur la scène cosmique : notre
Moi !