Les temps sont accomplis !

La sentence, pour avoir été longtemps énigmatique, est désormais inaudible …

Notre intelligence, ce juge de paix corvéable à merci, ne saurait en effet acquiescer à ce morcellement du temps, à cette mission dont il serait chargé, et pour tout dire à la supercherie des causes finales …

Certes, force est de constater qu’avec le temps qui passe, l’évolution ne laisse rien en l’état, pas même nos opinions, et, depuis que nous avons augmenté nos représentations de la longue durée, une image kaléidoscopique nous tient tout à la fois lieu de genèse et de destin : c’est celle de ce petit primate recroquevillé, qui lentement se met en marche, se déploie, pour se retrouver dans sa posture initiale devant un écran d’ordinateur …

Notre intelligence ne peut en effet pas rendre compte de ces temps accomplis, et ce, pour une bonne raison, c’est qu’elle n’y avait pas voix au chapitre ! …

Pour le dire autrement, elle attendait son tour sous l’horizon de l’Histoire …

Nous n’en savons plus rien parce que nous avons tant et si bien fait table rase du passé que celui-ci attend, ici et là, des chercheurs qui auraient l’intuition que la relation de l’Homme au cosmos s’est passée très longtemps des services de l’intelligence …

« Ici et là », c’est-à-dire au détour de tel ou tel mythe, de tel ou tel texte sacré, qui exigent une lecture, non pas dénuée d’intelligence, mais de sa folle prétention à décider de la vérité …

Qu’est-ce alors qui fut accompli ?

Pour aller droit à l’essentiel, on pourrait résumer ces milliers d’années d’évolution qui précédèrent notre temps, à une douleur, à une nostalgie, à un mot : expulsion !

Expulsion tout d’abord du monde spirituel, à considérer non pas de manière matérialiste, mais comme une déflagration dans le psychisme de ceux qui nous précédèrent à la surface de Gaïa …

Expulsion de la nature, dont nous ne voyons plus que l’apparence et qui nous fait douter de jamais percevoir « la chose en soi » *…

Expulsion de la tribu, ce premier échelon de l’identité qui ne sait rien encore de l’individu …

Expulsion de l’hérédité par le mélange des sangs, ce résultat méconnu de la guerre …

Expulsion des mémoires akashiques, en d’autres termes, de la connaissance du temps passé, que convoquait encore Homère en appelant aux muses …

Expulsion de soi-même dans la mesure où notre moi de tous les jours, de celui que l’on croit bien connaître, n’est décidément pas à la mesure de notre véritable Moi …

Expulsion progressive de ce monde vécu en images, pour laisser place au nouveau décryptage du gros cerveau attelé aux cinq sens …

Des mythes et des textes sacrés, disais-je !

Oui, le rapt de Perséphone, la mise en pièces de Dionysos Zagreus, la descente d’Orphée aux enfers, la confrontation de Thésée avec le minotaure, etc.  nous parlent de ce passage progressif des temps accomplis à notre temps …**

Les Védas, les Upanishad, la Bhagavad-Gita, sont les derniers témoignages de ces temps enfuis …

Les évangiles, dont celui selon Marc, qui commence par cette sentence, nous parlent également de ce moment où l’Homme hésite encore entre la clairvoyance atavique et les ténèbres pédagogiques de l’intelligence conceptuelle, ou Jésus, bien avisé de ce monde intermédiaire, pour l'avoir choisi, parle aux uns au moyen de paraboles, aux autres de concepts, et se donne à voir à certains dans cette conscience de rêve éveillé qui s’attarde à proximité de l’eau …

 

*sur ce sujet, découvrir le constat de Michel Bitbol, épistémologue, sur Google, avec les mots-clés " Philosophie de la physique quantique" ... France Culture, 55 minutes, 29/04/2017 ...  

** pour cette nouvelle lecture des mythes : L’Exil oublié, de Pierre-Marie Baslé, est sur Amazon.

 

 

 

 

 

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