L’homme qui connaissait son destin !

Va vers toi !

Deviens ce que tu es !

Est-il dit depuis la nuit des temps à ceux qui ont des oreilles pour entendre …

Mais avant d’atteindre ce but, que n’atteignent malheureusement pas tous les hommes, loin s’en faut, à commencer par votre serviteur, que de contradictions, que de malheurs incompris, que d’ignorance, à commencer par celle, abyssale, de ce que nous sommes vraiment !

Les contradictions sont celles dans lesquelles nous nous engageons tout au long de notre courte vie, corps et âme, de toute bonne foi, sûrs d’être dans la vérité, avec plus ou moins de réussite, jusqu’à la catastrophe qui souvent met fin à cette illusion.

Le réflexe est alors d’en vouloir à la cause de cet échec, et cette cause a bien souvent la figure de l’autre, surtout si nous l’avons aimé !

Il ne nous viendrait pas à l’esprit que c’est nous qui, bien souvent, inconsciemment, l’avons provoquée, car la situation pour laquelle nous avons tout donné, n’était, nous ne le savions pas, qu’une expérience, une étape dans le difficile chemin qui mène à notre vérité, contraire ô combien à ce que nous sommes vraiment et dont nous n’avions pas conscience.

Celui qui a exprimé ce mystère de nos pérégrinations spirituelles, et par conséquent de nos vies, de nos chaos intérieurs, n’est pas un psychanalyste, c’est un philosophe, jugé au moins aussi obscur que notre infra-conscient, aussi hermétique que notre destin, c’est Hegel ! *

Mais, revenons-en à l’homme qui connaissait son destin !

Qui d’entre nous l’a jamais rencontré ?

Avant de savoir si nous en sommes dignes, il semble important de vérifier au préalable que nos actuelles représentations sont compatibles avec ce qu’il en fut dit, ou, à tout le moins, que nous saurons les faire taire, le temps venu d’une communication sur cet être à part !

Pour commencer il conviendrait de s’interroger sur ce rapport étroit de deux aspects inséparables de la vie où celle-ci n’a apparemment plus voix au chapitre, j’ai nommé la mort et l’oubli, si présents dans les représentations des anciens égyptiens et de leurs élèves grecs …

Sur ce rapprochement devenu inopportun, et s’il s’agit vraiment de réfléchir à cette inéluctable fin que nous évacuons toujours plus de notre mémoire, bon nombre d’entre nous répondrons, sans autre conviction, qu’avec le temps, on finira par oublier celui qui n’est plus !

Or, il ne s’agissait pas du tout de cela pour nos anciens, mais bien plutôt de ce malheur absolu qui assaille celui qui a rendu son dernier souffle et va errer telle une ombre, une fumée diaphane, dans l’Hadès …

En Grèce, nous en avons déjà parlé dans le blog, à l’époque où s’affirme l’individu **, en tant qu’il devient conscient de son altérité, le phénomène s’inverse, ou plutôt, la préoccupation devient tout autre, car l’oubli s’empare de l’âme prête à se réincarner ... tout ce qu’il se passa avant, vies antérieures, décision karmique, choix d'une nouvelle expérience, est occulté, pour ce court instant que, dans nos actuelles représentations, nous appelons la vie …

Il est vrai qu’en Occident, après la période désormais oubliée de la première table rase, du mépris des nouvelles élites à l’égard d’une antiquité en débâcle, aplanissant méthodiquement le moindre de ses reliefs, martelant ses bas-reliefs, après cette sombre période de rééducation des masses, sous la houlette du parti-pris des conciles, trop ancienne sans doute, et à la fois trop proche,  pour être dénoncée … après cette période oubliée, nous nous croyons libres de nos pensées, mais l’empreinte inconsciente est toujours là, la rééducation multiséculaire a porté ses fruits, et nous ne saurions concevoir, jamais ô grand jamais,  que tout ce qu’il nous arrive, c’est nous qui l’avons décidé, avant même que de naître !

Alors, step by step :  si, par pure hypothèse, nous pouvions savoir ce qu’il va nous arriver, que pourrions-nous bien faire de cette information ? …  À supposer, autre hypothèse, que nous puissions intervenir, modifier le cours des choses, le cours de notre vie ? …

Mais une autre expérience de pensée est en notre pouvoir et qui pourrait en dire plus long sur notre vie comme sur nos souvenirs : acceptez cette idée d’avoir vécu en tant que volonté, que conscience, avant votre gestation in utero, acceptez l’idée que c’est vous qui avez choisi vos parents, l’époque, le pays de votre incarnation … et voyez ce que votre vie ainsi revisitée en dit !

Si vous faites des cauchemars, ne me faites pas de procès !

Mais, si l’on revient à l’état actuel de nos représentations, où la plupart d’entre nous ne conçoivent la vie que comme un cours passage, plus ou moins absurde, entre naissance et mort,  je vous propose une autre expérience de pensée qui consisterait, par pure hypothèse, à ramasser en un seul tableau, tous nos malheurs à venir, juxtaposés, sans ponctuation, sans possibilité d’en réchapper, de s’immiscer entre deux, le temps d’un souffle, d’interpréter, de pardonner, sans le puissant antidote de l’incompréhension, de la haine et de la rancœur, que nous resterait-il si l’arrêt cardiaque n’avait pas eu raison de nous, à part la fuite ?   

Mais nous sommes ainsi faits que ces visions nous sont épargnées, que notre corps tout entier résiste, car soumis à une conscience amoindrie …***

Pourtant, il a été donné à l’un d’entre nous de voir ce tableau, alors que tout lui souriait, alors que, porté par la foule en liesse, il aurait pu changer le cours de l’histoire, bouter les romains hors des frontières, être adulé par ceux qui voyaient en lui celui qu’ils attendaient depuis si longtemps, mais, contre toute attente, contre toute logique, il accepta par avance ce funeste destin, cette mort atroce, ignominieuse …

Pour être étrange, déroutante, violente, la scène est décrite de manière factuelle dans l’Evangile de Matthieu :

A l’écart de la foule toujours plus nombreuse, toujours plus enthousiaste, le galiléen demande à ses proches ce qu’eux pensent de lui, lorsque, comme s’il n’y suffisait pas dans ce concert de louanges unanimes, Simon, le pécheur du lac de Tibériade, impulsif, visionnaire, incapable du moindre calcul, contrairement à Judas, l’intellectuel de la bande, s’avance et proclame : « Tu es le Fils de Dieu ! » … 

A cette époque où les mots ont un sens, à cette époque dont nous ne savons plus grand-chose par la volonté et l’indigence conjuguées de l’Eglise de Rome, cela signifie qu’il est plus qu’un homme, plus qu’un fils de l’Homme, c’est-à-dire d’un initié, il est le réceptacle d’une entité suprasensible ! … 

Mais, pour revenir à nos actuelles représentations, quoi de plus normal, me direz-vous ! … Simon, le futur Pierre, admire cet homme dont il a fait son maître, n’a-t-il pas tout quitté pour le suivre ? …

La suite l’est un peu moins ! … 

Et sur ce point l’Eglise se tait ! 

Fort de cette reconnaissance de Simon, qu’il accepte comme n’étant précisément pas celle d’un aveuglement partisan, d’une quelconque logique, mais le résultat immédiat de sa connexion atavique avec le monde suprasensible, le galiléen tourne le dos à ses disciples, au sens propre et, au sens figuré, leur demande de n’en rien dire à personne, puis entreprend alors de décrire sa fin, proche, incongrue à ce moment de gloire, indigne, lamentable …

A cette description, Simon, qui vit à une époque charnière de l’évolution psychique, sautant d’un plan de conscience à un autre, réagit fortement avec l'un de ces raisonnements qui sont désormais les nôtres ! …  il s’insurge contre ce destin qu’il n’imagine pas pour son maître, par-dessus tout scandalisé par sa résignation, comme si tout avait d’ores et déjà été décidé … 

La réponse, brutale, violente, apparemment imméritée, à tout le moins inexplicable au regard de notre seul bon sens, ne tarde pas à tomber : « Arrière Satan ! ».

Car ce qui est folie aux yeux des hommes est juste à ceux de Dieu !

 

*car ce véritable penseur, ce philosophe du Tout, ne s’est penché sur le Moi de l’Homme que dans la mesure où il tenta de mettre à nu le Moi de l’univers ! …

** quelque part entre Homère et Socrate ; voir à ce sujet les travaux du merveilleux Jean-Pierre Vernant.

*** la silencieuse mythologie Grecque nous avertit de cet interdit dans l’état actuel de notre conscience : Sémélé exige en effet que Zeus, son amant, personnification imaginale **** du corps astral, se donne à voir sans artifice, sans l’illusion de ce corps humain qui l'a tant séduite ... Elle se consume alors à la vue de ce spectacle insoutenable …

**** voir à ce sujet les travaux du non moins merveilleux Henri Corbin, qui trouva en Iran, auprès des soufis, des platoniciens de Perse, un trésor que l’Occident avait possédé puis ignoré ou bradé, sous prétexte de défendre un monothéisme par leur doctrine asséché, et surtout mal compris ! …

 

 

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