La force est de retour !
Deux mots, il aura suffi de deux mots, pour que chacun commence à se faire son cinéma ! …
Comme l’on savait par avance ce qu’ils répondraient, point
n’était besoin de demander aux physiciens quantiques et autres astrophysiciens ce
qu’ils pensaient de cette interprétation où le spectacle donnait à voir ce
qu’ils n’avaient fait qu’entrevoir …
Ironie de l’histoire, près de cinquante ans plus tard, ce concept
de force, hier encore dévalué, banni du jargon scientifique, tant il était
vintage, connotait une époque révolue, des univers ignorés, méprisés le plus
souvent, comme la métaphysique, l’occultisme, l’action à distance, la religion,
toutes ces formes de l’ignorance crasse, ce concept disais-je, effectue son
grand retour dès qu’il s’agit d’expliquer l’inexplicable …
Au début du vingtième siècle, la science voulait se
débarrasser de ce passé encombrant, la force ne faisait plus époque, et dans
aucun milieu, jusqu’au petit peuple qui se pressait au bas de l’ascenseur
social, reniant tant bien que mal ses racines … le travailleur de force, ce
sacrifié mutique, entrait dans le non-dit de cette famille hypocrite et
nombreuse qui voulait s’embourgeoiser !
Mais plus encore, ce concept de force à l’œuvre supposait à
l’évidence, pour l’esprit scientifique, une mise en échec, puisque, si l’on
peut en décrire les effets, il est très compliqué, voire impossible de
l’objectiver …
Nous en étions là il y a peu encore, cinquante ans pour tout
dire, la science était conquérante, non à la frontière du mystérieux macrocosme, loin s’en faut, mais
dans le no man's land des cerveaux, ce microcosme prêt à tout pour exister, balbutiant à tout
propos « c’est prouvé scientifiquement ! » …
Lorsqu’un grain de sable, une étoile pour tout dire, vint,
par son comportement, détraquer tout l’édifice : l’observation du
mouvement interne des galaxies infirmait la théorie de la gravité, ce qu’il se
passait dans notre système solaire n’était pas reproductible à cette échelle !
L’incendie embrasa soudain le ciel, fallait-il y jeter la
théorie de la gravité ?
Flash-back !
A Rome, le seizième siècle s’achemine vers sa fin, au milieu
des décombres, parsemés ici et là des restes irrésolus de sa splendeur défunte,
d’édifices religieux, fraîchement érigés, qui tentent de donner le change …
Profanée hier encore, pillée, souillée, vidée de ses âmes, par
les descendants de ces barbares sans fard surgis de nulle part, maquillés en
chrétiens, lansquenets allemands aux ordres d’un Comte français, Bourbon de
souche, précocement passé à l’ennemi !…
La Basilique Saint-Pierre vient enfin d’être achevée,
manifeste minéral, un rien clinquant, de la puissance papale, de cette aptitude
satanique à manipuler les âmes, les bourses de cette espèce trébuchante, soudain
gonflées de culpabilité, portant fièrement la coupole céleste qui remet à sa juste
place celui qui franchit le seuil, hommage ostentatoire et bien mérité à une
antiquité qui sut opportunément laisser la place aux nouveaux maîtres …
Dans ce décor de fin d’un monde, loin des regards, dans une annexe où l’indulgence n’est pas de mise, l’atmosphère du tribunal d’Inquisition se fait pesante …
L’inépuisable violence des gardiens du dogme, adossée à son
extrême fragilité, aux soubresauts étouffés de la dégénérescence papale, avait
enfin trouvé un nouveau terrain où exercer ses talents … une fois le cathare épuisé,
il convenait de chercher un nouveau combustible, de poursuivre l’hérésie, où
qu’elle se trouve, où qu’elle se réfugie, non pas dans les chiottes comme il
fut dit récemment, mais au plus profond
du cosmos …
L’affaire qui se présentait en avant-première aux quelques
élus admis au huis-clos, était d’importance : la Terre, notre Terre, ayant
servi à modeler Adam, l’homme fait de boue, lieu de
la chute pour les gnostiques, manichéens, cathares, tous transfuges de l’orient
moribond, est désormais, dans l’esprit d’une nouvelle engeance née dans ses
propres rangs, sur le point de perdre ses prérogatives, son rôle central sous
le ciel étoilé …
Comment faire avec cette nouvelle hérésie, qui ne se
réclamait pas de tel ou tel, les ayant tous consultés, mais d’un appétit de
connaissance qu’aucune foi, qu’aucun dogme, ne saurait éteindre ? …
Le procès était plié avant même de commencer, et la flamme jubilatoire
du bûcher de Montségur fut rallumée sous les pieds de Giordano Bruno, hier dominicain,
apostat pour toujours, qui avait choisi de mettre le soleil au centre, et la
connaissance à la place du dogme ….
Mis à part le petit cercle de ceux qui avaient assisté à cette
naissance honteuse du système solaire, et les quelques milliers de pèlerins canalisés
jusqu’au champ des fleurs où se dressait le bûcher du scandaleux, longtemps,
très longtemps, les paysans de l’Europe chrétienne continuèrent d’assister au
lever du soleil, s’extirpant d’un berceau sur lequel les hommes jamais ne
purent se pencher …
Cependant, ce qui était parti en fumée ce jour-là, c’était
aussi et à jamais, le respect dû à l’Eglise de Pierre qui, au lieu d’orienter
les regards vers le monde suprasensible, vers ce « royaume qui n’est pas
de ce monde », s’était fourvoyée dans la défense d’un dogme qui n’était en
réalité qu’une intuition, une interprétation littérale de la Genèse, une soumission aveugle au regard de chair, perdu, ballotté, dans les illusions du monde sensible.
Mourir pour Aristote, c’est ballot !
Exit l’Eglise de ce débat qui manifestement la dépasse, le
terrain de la connaissance ne resta pas longtemps en jachère, et ceux qui vinrent
et ne voyaient pas en Adam bien autre chose qu’une mise en forme improbable de
la boue terrestre, ou dans sa version moderne, une poussière d’étoiles
surmontée d’un microcosme, commencèrent bientôt, une fois établi leur pignon
sur rue, à chasser les nouveaux hérétiques qui, contre toute observation
scientifique, voyaient l’esprit partout à l’œuvre …
Qu’à cela ne tienne !
Après Eve et Pandora, c’est encore une femme qui, ne regardant pas le cosmos par le petit bout de la lorgnette, va empêcher les hommes de tourner en rond …
Insolentes, les étoiles périphériques de certaines
galaxies tournent trop vite au regard du dogme de la gravité, voilà ce qu'elle trouva en ouvrant la boîte éponyme ! ...
Une fois remis de la première stupeur, une fois établi ce
crime de lèse-majesté, comment combler le vide de notre ignorance, si ce n’est
en ajoutant de la matière, beaucoup de matière, sombre en l’occurrence car, jusqu’alors
restée dans l’ombre, par pudeur, qui sait ?
Quand bien même aucun effort n’a, depuis près de cinquante
ans, détecté la moindre particule de la matière en deuil, jusqu’à susciter de nouveaux
apostats et remettre en cause le dogme de la relativité, à tout le moins sa toute-puissance
à expliquer le monde, mon propos n’est pas de nier cette solution, je n’en ai
ni la volonté, ni la compétence …
Par contre, ce qui est intéressant ici, c’est le réflexe de ceux qui pensent pour nous :
Oh, on a bien tourné autour du
pot, parlant tout d’abord de fantôme cosmique, puis, plus récemment, début d’un
repli en bonne et due forme ? … d’architecte, et pour finir, de forces obscures …