Mais pour finir, ne serions-nous pas les enfants du Déluge ? ...

Sans remonter jusque-là, si l'on passe en revue ce qui nous fut dit quant à nos origines, il faut bien constater que depuis peu, les réponses se sont multipliées ...

Sommes-nous faits de boue, comme Adam, trop rarement présenté sous cet aspect aux enfants d'occident, pris, il est vrai, pour de "petits enfants" ? ... singe évolué comme il est encore enseigné à la nombreuse descendance de Darwin, ou, celui par qui Dieu peut enfin s'apercevoir, pour ces âmes d'enfant qu'attire à elle la démonstration de Hegel ? *

Ce grand écart entre ce que nous dit le texte dit révélé, et les révélations de Darwin, contemporaines, ou presque, des fulgurances de Hegel, pouvions-nous seulement l'envisager, alors que poignaient déjà à l'horizon les prémices de notre mise à l'écart ?...

Copernic, apparemment las de notre nombrilisme planétaire, de la soi-disant vérité de nos observations, n'avait-il pas placé le soleil au centre ?

Était-ce là sa manière, de nous faire passer sous le manteau en cet hiver de la pensée, le message selon lequel le cosmos n'est pas disposé autour de nous, comme le prétendait encore la progéniture dégénérée d'Aristote, vindicative et mortifère, mais, tout au contraire, dispose de nous ?

Mais, les cendres de Giordano Bruno, si présentes dans la mémoire de ceux qui prétendaient hier encore s'en affranchir, avaient refroidi toute velléité de résister chez Galilée.

Celui-ci n'avait-il pas fini par renier la vision de Copernic, à une époque ou l’Église en armes décidait encore de ce qu'il convenait de penser ?

Après un peu plus d'un siècle d'accalmie sur le front des interprétations de ce spectacle étrange qui ne se produit que par nuit claire et tait ses intentions ... silencieuse mais déterminée, une autre mise à l'écart, de la nature cette fois-ci, s'organisa alors sans crier gare : aînée de la Révolution française, la révolution industrielle qui ne s'était pas encore donné un nom, arracha progressivement, mais sûrement, les hommes à cette terre matricielle qu'ils avaient lentement façonnée ...

Cette massive et "irréversible" déportation se fit toutefois sans décret (spolié du minimum vital, ou attiré par une nouvelle "terre promise", chacun n'y fut-il pas candidat ?...), mais eut pour résultat ce nouvel environnement pour déraciné : bidonvilles, maisons de briques et de broc, en attendant les tours et les barres, cadre de vie désespérément minéral, qui, pour être étrange au départ, avait fini par substituer la monotonie au mystère, la suie à la poussière, le sacrifice au sacrifice ! ...

Les physiciens, les ingénieurs, étaient devenus les nouveaux maîtres; plus rien n'échappait à ces dompteurs de la loi de cause à effet, utilisable et corvéable à merci au service de ce nouveau dieu non anthropomorphique, et pourtant si proche des hommes : le progrès!

Il est vrai que ceux qui n'avaient pas les mains dans le cambouis, autrement dit les philosophes, n’auraient su partager l'enthousiasme général; n'avaient-ils pas douté depuis belle lurette, qui du message des sens, qui de notre capacité à le traduire, qui de la possibilité de la raison de trouver jamais celle pour laquelle nous sommes-là, pour laquelle il y a quelque chose plutôt que rien !

Nous étions alors portés par celle qui ne se nommait pas encore "la belle époque"! ... La fête battait son plein - c'est en tout cas l'idée que l'on s'en fait désormais !-, alors que dans certains esprits échauffés, se dessinaient déjà les tranchées du nationalisme, comme en écho à celles qui fissurèrent soudain la communauté des physiciens aux avis jusque-là bien tranchés!

Dès lors que certains d'entre eux revinrent de leur expédition dans le nouveau monde dit microscopique, il fallait, à les en croire, accepter que les lois qui gouvernaient la matière en son intimité, n'étaient pas celles que l'on connaissait, mais contredisaient, qui plus est, le simple bon sens ! ...

Pour faire court, un objet pouvait être ici ou là ... ce qui pouvait encore se concevoir si un quidam non aperçu par l'observateur distrait l'avait déplacé ... mais que nenni ! non seulement personne n'y était pour rien, mais l'objet en question était ici et là, et, qui plus est, en même temps !

On peut l'admettre aisément : la pilule fut dure à avaler, grosse pour beaucoup de certitudes avortées!

L'histoire qui s'en suivit est passionnante, en ce sens que l'homme occidental, pour la première fois, chercha en vain à coloniser ce nouveau monde qui refusait obstinément ses leçons, sa manière de voir, et pour tout dire, jamais n’aurait su ressembler au modèle de l'envahisseur !

Les rôles soudain étaient inversés : c'est le tout petit, le minuscule, qui dit à plus grand que lui ce qu'il lui faut changer dans ses représentations, et notamment abolir cette confiance aveugle qu'il voue à ses cinq sens, couplés à son gros cerveau ...

Je vous laisse deviner les résistances que ce récit de voyage en terre inconnue engendra, c'est là tout le départ chaotique de la physique quantique dans le vacarme et l'effondrement des certitudes chèrement acquises !

Mais, comme s'il n'y suffisait pas, de fil en aiguille, le problème qui se posa fut celui des lois qui gouvernent réellement le monde dit connu ! Et pour tout dire, celui que notre regard avait colonisé ! ...

En effet, ces lois exotiques qui régissent celui qui échappe à notre regard, comme à notre entendement, ne seraient-elles pas également à l’œuvre dans ce monde qui nous paraît si familier, sans que nous n'en sachions rien ?

C'est alors que tout s'inverse, et la conclusion ne se fait pas attendre qui contient son arrêt de mort auprès des adeptes de l'expérimentation et du bon sens, enfin rassemblés dans l'épreuve.

Pour mémoire cette conclusion "logique" et qu'il nous est demandé d'oublier, avant même de le savoir, est que nos sens nous trompent, si ce n'est notre cerveau ! ... serait-il incapable, celui que nous vénérons, de saisir la réalité dans toute sa complexité ?

Alors, il fallait abandonner bien vite ce terrain mouvant, le laisser aux philosophes, ces physiciens qui ont mal tourné, car si, de prime abord, on ne comprend rien au monde quantique, il ne faudrait pas en conclure hâtivement que ce que nous croyons voir du monde dans lequel nous évoluons n'est pas la réalité !

Et, d'ailleurs, que nous importe cette "réalité" qui ne serait pas à portée de nos facultés cognitives?

Pour avoir enfin raison du comportement étrange de ces particules, à grands frais, les physiciens exigèrent des incultes qui nous gouvernent, ce long tunnel souterrain qui se mord la queue, quand, dans le mythe de la caverne, Platon nous fit part d'une idée fondamentale, qui, il est vrai, une fois sortie de l'antique Athènes, n'eut plus droit de cité ...

Or que disait celui-ci, sans autre moyen que sa vision d'un monde que nous ne voyons plus : le monde est illusion !...

Manifestement le physicien quantique et le philosophe sont d'accord sur ce constat : le monde est ce que notre regard en fait !

"Regard" entendu au double sens intriqué de vision et de pensée; ne dit-on pas, par exemple : " quel regard portez-vous sur ce phénomène ?" ...

Désormais notre relation au monde s'établit par la pensée. Il n'en fut pas toujours ainsi, en témoigne si nécessaire le passage qui s'effectua en Grèce antique du mythe à la raison, de l'image au concept, entre Homère et Socrate, entre Épiméthée et Prométhée, pour qui s'intéresse à la vérité cachée des mythes ...

Le psychisme des hommes a évolué, lentement souvent, parfois par sauts brusques. Les catastrophes naturelles font actuellement, grâce aux médias, une fois n'est pas coutume, l'objet d'une prise de conscience, mais, dénaturés que nous sommes, sans autre mémoire que la courte histoire d’Hérodote, nous n'avons plus souvenir qu'elles provoquèrent jadis un changement de conscience.

Parmi les plus célèbres de ces catastrophes, prélude au surgissement d'une nouvelle humanité, est le déluge, paroxysme du désordre dont des dizaines de mythes et de traditions se souviennent, à leur manière imagée, comme d'un épisode de mort et de résurrection concernant une petite partie de l'humanité.

Prises à la lettre, les images par lesquelles il fut raconté, à une époque, il faut le rappeler, où la pensée conceptuelle n'avait pas encore pris place sous la calotte crânienne, suffisent désormais à le discréditer. **

De la même manière anachronique, pour nous, les images de chaos n'affectent que le monde extérieur, oubliant dans la bagarre celui qui bouleversa le psychisme de l'Homme d'avant la pensée.

Mais alors, que peut-il bien se cacher derrière ces images ?

Tout d'abord, dans les traditions restées longtemps orales, en orient comme en occident, lorsqu'il est fait allusion à une arche (Noé), à une corbeille (Moïse), à un cercueil (Adonis), à un coffre (sarcophages égyptiens), il est question, dans le langage des initiés, de mort et de résurrection, qu'il s'agisse d'une partie de l’humanité, ou, un peu plus tard, d'un individu.

Il s'agit donc bien là d'un enseignement délivré au peuple, selon les endroits et les époques, par les prêtres, les sages ou les initiés, et non d'un compte-rendu journalistique avant l'heure ...

Pour ne prendre qu'un exemple de notre indigence : dans la légende de l'arche de Noé, un détail intrigue depuis toujours les philologues, parangons du scientifique nouveau, c'est celui du corbeau qui va et vient entre l'arche et l'extérieur. En effet, dans l'une des deux versions, celui-ci vient curieusement s'ajouter à la colombe, plus populaire pour des raisons qu'il reste à établir.

Le "corbeau" était le premier grade de l'initiation, il avait pour mission de rapporter les nouvelles et les victuailles du monde extérieur, aux initiés de grades supérieurs qui eux, vivaient cloîtrés ...

Le Noé de la bible, le "grand Manou" des indiens, sont des initiés, chargés d'inculquer ce nouveau mode de relation au monde qui nous est désormais si naturel que nous ne savons plus quand il apparut, et qui se nomme "pensée".

Le "man" de Manou, "man" en anglais, "mensch" en allemand, signifie depuis que l'aube de la raison naissante remplaça la nuit des temps : "le porteur de pensée".

Noé, Manou, signifie "le repos" et le "manoah" de la bible où fut emmené ce jeune rameau de l'humanité signifie "le lieu du repos".

Alors, de quel repos s'agit-il ?

Nous ne le savons plus, et en subissons de moins en moins les conséquences, mais ce qu'il se passait alors dans la nature, dans le cosmos, et dans le psychisme de l'homme, était beaucoup plus étroitement corrélé, intriqué, dirions-nous désormais, que ce n'est le cas pour nous.

Ce chaos qui emporta une partie de l'humanité, se dissipa lentement, les choses au dehors, comme à l’intérieur de l'Homme, se stabilisèrent, prirent leur place, et ce nouvel ordonnateur qui les prend en main, ce n'est plus le monde divin, c'est la pensée !

Le psychisme de l'Homme n'est plus le théâtre où se produisent les forces cosmiques antagonistes, un nouveau spectacle s'y joue, celui de l'Homme comme acteur de son destin! 

Alors, je pose cette question à ces messieurs les physiciens, au moins à ceux qui veulent bien lever le nez de leurs expérimentations : cette découverte récente du chaos quantique qui s'apaise lorsque nous entreprenons de le mesurer, ne vient-elle pas, à ce stade de notre évolution, nous rappeler cet état primordial où nous ne savions que "penser" du monde dans lequel nous évoluions ?

Le top départ historique des interrogations de la physique quantique, "fut donné" aux alentours de 1900.

La fin de l'âge sombre, "Kali Yuga", en indien dans le texte, selon les héritiers spirituels de ceux qui relatèrent le drame cosmique du déluge, c'est 1899 ! ...


* Adam, avant même de savoir qu'Eve lui serait un jour adjointe, signifie "l'homme fait de boue"... Quelque part dans la foisonnante mythologie grecque, Prométhée, Héphaïstos, "modernes" dieux potiers, ont recours à cet élément de Gaïa qui, une fois mis en forme et séché, signe ce chef d’œuvre qu'est l'Homme terrestre .

** En attendant la pensée, le mythe se fait à la fois légende et image ! ... 





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