Les mythes en savent-ils plus long sur nous que nos anthropologues ?
Dans le mythe, seule l'image faisait foi, et c'est pour cela que personne n'y croit plus !
"C'est prouvé scientifiquement !"...
De digression en digression, de raisonnements chétifs en démonstrations bancales, la discussion s'enlisait, menaçait de s'envenimer ... alors, sans prévenir, à court d'arguments, il avait brandi ce bouclier magique ...
"Il", c'est le va-t-en guerre amarré au bout du comptoir ... en un tout autre lieu, dans une vie parallèle, il aurait prononcé machinalement cette autre sentence qui ne supporte pas non plus le moindre appel : "les jeux sont faits, rien ne va plus !"
Car, pour ceux qui viendraient d'un lointain futur nous visiter en vue d'analyser le stade d'évolution de nos croyances, un fait majeur s'imposerait : ici et maintenant, on ne joue pas avec la science !
Et ce, qui que l'on soit et où que l'on soit, dans les bars embués comme dans les dîners en ville, où, à une certaine heure, elle vient à la rescousse du verbeux, de l'approximatif, lui permet de se tirer d'un mauvais pas, avec les honneurs !...
Alors, une question se pose : comment la science s'est-elle insensiblement installée dans nos représentations, au point d'être la seule à pouvoir nous parler de nous, de l'univers qui nous entoure, de ce que nous étions hier, et l'univers avant-hier !
La science serait-elle devenue la nouvelle religion du pauvre ?
Revenons à cet instant inespéré où elle eut désormais pignon sur rue : s'est-elle alors interrogée sur son état psychologique au sortir d'une si longue épreuve ?... son émancipation était-elle vraiment indemne de la tutelle qui l'étouffait depuis si longtemps ? ... ne fut-elle pas sujette, "à l'insu de son plein gré", au syndrome de Stockholm ?
En d'autres termes, n'a -t-elle pas fini par reproduire les déviances de cette incontournable Église romaine qui fut durablement, pendant des siècles, son recruteur, son protecteur intéressé, et "lorsqu'il le fallait", son impitoyable bourreau ?
La science observationnelle accoucha au siècle dernier, de Konrad Lorentz. Du comportement des oies, de la première image aperçue par le petit oison, ce dernier déduisit un nouveau concept, gros de conditionnements à venir : l'empreinte !
La première et seule image que la science dite moderne eut, c'est celle de l’Église, sa mère, pendant des siècles, et qu'elle ne saurait répudier ...
Je vais trop loin, diront certains, mais alors, il faut qu'ils me disent : d'où lui vient cette prétention à dire le vrai, alors qu'elle le cherche encore ?
Aurélien Barrau, figure incontournable de l'astrophysique et de la philosophie, fait bien de rappeler, à son tour, que notre science actuelle fera, selon toute probabilité, figure de mythologie auprès de ceux qui viendront ultérieurement sur cette terre.
Peut-on espérer qu'ils soient plus indulgents, et donc plus intelligents que nous ne le sommes à l'égard de la mythologie ?
A défaut de dire le vrai, cette science nouvelle ne mérite-telle pas toute notre admiration, notre émerveillement aussi ?... utile à notre quotidien dont nous ne savons plus qu'il n’exista pas toujours, elle peut s'avérer paradoxalement décisive lorsqu'il s'agit de soulever à nouveau le voile de certains mythes ...
Le mythe, loin de "raconter des histoires", nous parle de notre histoire ! *
Avant toute chose, est-il utile de préciser que la pensée mythique n'est pas notre pensée conceptuelle, et, lorsque nous disons "pensée mythique", c'est par abus de langage, nous devrions parler dans ce cas, d'une autre forme de relation au monde.
Penser que les auteurs des mythes ont "plaqué" des images sur des concepts pour mieux se faire comprendre des leurs est un de ces anachronismes qui font que nous ne comprenons rien au passé, à tout le moins à ce qu'il se passait sous les crânes de nos ancêtres, si, par un nouvel anachronisme nous situons à cet endroit le centre de leur activité psychique **...
Pour corser l'affaire, la frontière entre le monde vécu en images et ce nouveau monde étrange qui est devenu objet de notre pensée, est floue, opportuniste, selon que notre regard se porte ici ou là, dans l'une ou l'autre de ces régions du monde antique encore largement enclavées ...
Ainsi, complexe et malicieuse, mais plus sûrement opportuniste, elle passe parfois à l'intérieur d'un seul et même homme, comme cela fut le cas pour le présocratique Phérécyde de Syros, qui eut été vraisemblablement considéré comme le premier philosophe, si seulement il avait eu le bon goût de taire sa vision du serpent cosmique qu'il nomma Ophionus, et qui s'insinuait ( il aurait pu en témoigner devant le tribunal de notre bêtise crasse !) jusque dans les phénomènes naturels les plus bénéfiques ...
Pour être triste à en mourir, le "politiquement correct" n'est pas né de la dernière pluie, et la plupart des historiens de la philosophie ne sont que des idéologues qui avancent masqués !
Et puisque nous en sommes à l'idéologie :
En Occident comme en Orient, combien sont morts de l'interprétation littérale des textes ? ... de la même manière, prendre à la lettre l'image du mythe, c'est tuer le mythe !
La plupart des textes dits révélés, comme des mythes, qui furent à leur manière, des révélations, résultent de très longues traditions orales transmises aux seuls initiés, mises par écrit très tardivement, comme cela fut notamment le cas, non sans l’extrême réticence des brahmanes, pour le Veda des hindous ... avant d'échouer dans nos mains inexpertes et grossières.
Non, le déluge n'est pas un scoop de la Bible !
Plusieurs dizaines de versions provenant de différents peuples, nous indiquent qu'il s'agit-là d'un phénomène de dimension planétaire, ancien, très ancien, et, qu'au fil des millénaires, des répliques se produisirent, sous diverses formes.
Intéressons-nous aujourd'hui à l'étrange mythe de Deucalion, parent par certains cotés de celui du Noé de la bible, mais à la fois si différent, si riche aussi, et qui nous révèle la manière dont les anciens grecs ont vécu et raconté cet autre événement traumatisant et fondateur.
En deux mots : Deucalion, fils de Prométhée, et sa femme Pyrrha échappent au déluge en se réfugiant sur le mont Parnasse. Ordre leur est alors donné par Thémis, figure importante de l'Olympe, tante de Zeus, de se voiler la face et de jeter des pierres tout autour d'eux pour repeupler la Terre.
Si l'on regarde les choses d'un peu plus près, il s'agit-là de la version de Deucalion, car l'oracle n'a pas dit les choses de cette manière ... ce qu'il fut dit, sans autre explication, c'est : "jetez les os de la grande mère!".
Voilà une transposition qui mérite que l'on s'y attarde :
Pour passer des os aux pierres, et de la grande mère à celle qui supporte nos pieds, Deucalion s'est substitué tout à la fois au rôle de la Pythie et à celui de la prêtresse chargée d’interpréter la parole obscure de la divinité.
La grande mère, la mère originelle, c'est Gaïa; la Terre, et ses os, ce qu'elle a de plus dur, ce sont les rochers !
Sous couvert de cette fulgurance, de cet accès d’intelligence, le mythe nous renvoie sans le dire à une scène fondatrice : non loin de cet endroit, Apollon, le dieu de la raison, de l'ordre, de la mesure, selon Nietzsche qui avait encore toute sa raison et le sens du tragique, avait tué le serpent Python ...
Tuer le serpent, en Grèce archaïque, comme dans l'Inde de Krishna, ce n'est pas faire offense au protégé de Brigitte Bardot, non, c'est passer d'une époque à une autre, d'un psychisme à un autre, reculer pour mieux sauter, quitter la clairvoyance atavique, le rêve éveillé, "le monde du rêve", disent encore les aborigènes d'Australie, la fréquentation du monde spirituel, pour une conscience claire, pour une nouvelle relation au monde d'ici-bas, fondée sur le rapport des cinq sens couplés au gros cerveau, en bref, de la pensée !
Comme plus personne, ou presque, ne le sait, dans l'ancien état psychique, lors de cet interminable rêve éveillé, où ce monde n'avait pas, à nos yeux en jachère, de contours précis, l'homme avait la sensation d'être parcouru par un serpent qui sortait du sol pour s'enfuir au plus haut des cieux...
Celui qui, préfigurant ce que nous sommes, lui écrasait la tête, encourait le risque d'être mordu au talon (Achille).
A ce titre, la mythologie grecque est infestée de ces "pieds enflés" (c'est, au passage, ce que signifie Œdipe !), de ces boiteux, qui ont, même le mythe ne s'en souvient plus, écrasé la tête du serpent ...
A l'est, celui qui vint annoncer aux hommes la fin d'une époque qui s'attardait, de la consanguinité, de la clairvoyance atavique, de l'accès au monde spirituel ... enseigner le yoga comme viatique, en bref, Krishna ! ... dut commencer par vaincre le serpent Kali que lui avait envoyé son oncle attaché au passé, à la fraternité clanique et au commerce avec les dieux ...
Les pierres se transforment alors en autant d'humains ...
Les métamorphoses sont monnaie courante dans la mythologie grecque, mais celle de la pierre, du rocher, du minéral, revient plus souvent qu'à son tour ! ...
Deucalion est le fils de Prométhée et chacun se souvient, qu'ayant déplu à Zeus, cet ami des hommes, fut attaché au rocher de torture.
Sur ce point, les interprétations ne manquent pas, y compris à leur devoir, car lorsque l'on ne sait pas, on se tait ! ce qui à notre époque aurait tendance à produire le contraire !
L'on peut comme cela distiller de fausses informations pendant 24 heures! ...
Le rocher c'est Gaïa, la Terre, le corps physique, bref, tout ce qui fait de notre passage ici-bas une difficile épreuve. Un autre mythe nous parle de cette tragédie et du moment où elle se produisit, c'est le mythe du rapt de Perséphone. *
C'est ici qu'intervient une étrange rencontre, celle de l'occultisme avec la physique quantique et ses applications astrophysiques ...
Ce que certains savent depuis longtemps, mais qu'ils n'avaient pas intérêt à divulguer dans de larges cercles, c'est que le déluge en question, dont la très voisine légende de Pramati et Kali Youga s'est également fait l'écho dans l'Inde tardive, est un déluge cosmique qui laissa pour morts nombre d'humains, et transforma de fond en comble le psychisme de quelques autres, nos véritables parents !
Pour revenir à nos vieilles habitudes, pour dater "la chose", nous avons le témoignage d'Ovide, qui présente cet avantage d'être plus proche que nous de l’événement, et ce, de plus de 2 000 ans ... d'avoir, qui plus est, un véritable appétit, à nos yeux désormais habitués aux "aberrations" quantiques, pour les métamorphoses, au point de commencer son ouvrage par cet épisode grec du déluge : il y est parlé de moissons, de vigne, de fermes, de temples ... donc l'épisode est alors relativement récent, se passe au néolithique largement installé, période découverte et caractérisée par l'occident de la Nouvelle Histoire, à peu près en même temps que le rayonnement cosmique ...
Le mythe de Deucalion, et ceux qui survécurent, intervient donc beaucoup plus tard que le Noé de la bible ou son avatar, le Manou des indiens, qui avaient échappé à une catastrophe tellurique de très grande ampleur, dont parle Platon dans le Timée...
Pourquoi en parler aujourd'hui ?
Parce qu'il n'y a pas si longtemps, nous ne savions pas ce qu'était le rayonnement cosmique, ses dégâts potentiels sur l'Homme, ce fragile enfant du cosmos ...
Pour ne prendre qu'un exemple parmi les plus inoffensifs de ce qui nous assaille à chaque instant : qui d'entre nous sait que nous sommes traversés à chaque seconde par des milliards de neutrinos?
Qui plus est, certains de ces neutrinos ont traversé la Terre avant de nous "emprunter" de bas en haut, pour rejoindre on ne sait quel destin ! ...
Et, sans verser dans la psychose, qui sait que le rayonnement ultra-violet peut modifier notre ADN ? ***
Qui sait enfin, si ce n'est les textes antiques, que le psychisme n'était pas le même sur la montagne, dans la plaine ou au bord d'un lac ... en quoi, pourrions-nous ajouter, cet important différentiel d'exposition au rayonnement cosmique peut-il influer sur un psychisme alors beaucoup moins ancré que le nôtre ? ...
* difficile de faire sa propre promotion, mais comme aucun ouvrage récent ne traite du sujet avec tout le respect qui lui est dû ... "L'exil oublié" de Pierre-Marie Baslé est sur Amazon.
** lire à ce sujet, " Le temps du figuier et le temps de la croix" communication du 19 juillet 2020.
*** "Atmosphère, atmosphère!" : est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ? ... sans aucun doute, car sans elle, nous n'aurions plus beaucoup l'occasion de l'ouvrir ! ...