Descartes, l'enfant caché de Zeus ! ...
Puisque, aussi bien, la parole est désormais aux magazines people, à la rumeur délétère, "à la volaille qui fait l'opinion"*, j'ai décidé de révéler, à mes risques et périls, une étrange filiation, escamotée depuis un peu plus de trois siècles par une omerta qui ne sait plus ce qu'elle doit taire, entre le plus fou des dieux et le plus rationnel des hommes.
A moins que ce ne soit l'inverse ! mais cela est un autre débat : step by step ! ...
A ceux qui voudraient me faire enfermer pour ce forfait qui pourrait indisposer jusqu'à l’écœurement nombre de défenseurs des droits de l'Homme sans dieux, je ne donnerai pas mes sources, à moins qu'ils ne se décident à montrer patte blanche quant à leur sincère quête de la vérité...
Ainsi, ce parangon de rationalisme, cet invité de marque au débat philosophique, si l'on sait que le cartésianisme est au rationalisme ce que Frigidaire est aux réfrigérateurs, ce matérialiste bon teint sous la poudre trompeuse, ce mécanicien en col blanc, inventeur de la philosophie garage, priva d'âme tout ce qui n'était pas lui : l'animal sans défense, la muette nature, et, jusqu'à son propre corps, cette horloge qui, promise à un prochain dérèglement, n'en donne même pas l'heure !...
Encore nous restait-il une âme ! ... mais il avait ouvert les vannes et, Julien Offray de La Mettrie, un petit gars de Saint-Malo, dont on disait volontiers qu'il avait "une machine dans la tête", finira le travail avec l'avènement de "l'homme-machine", cobaye promis aux prochaines expériences transhumanistes et autres chimères de laboratoire ...
"Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée ! "
A tel point, qu'au final, il en revint si peu à chacun ! ... Est-ce bien ce que vous vouliez dire Monsieur Descartes ?
Toujours est-il que la sentence est restée dans les mémoires, mais, curieusement, ne vous profita point !... le commun des mortels aurait-il eu ce commun bon sens de ne point vous l'attribuer, quand d'autres avant vous, et des plus célèbres, y avaient déjà songé ?
Non, ce qui vous fit connaître, c'est une autre maxime, beaucoup plus personnelle, terriblement personnelle, inédite celle-là, et que pourtant chacun put immédiatement s'approprier, tant le fruit était mûr.
"Je pense donc je suis!"
Comment diable en êtes-vous arrivé à ce coup de génie ? ... était-ce le souvenir du temps où, mercenaire, toujours en quête de votre identité, vous jouiez aux cartes dans quelque tripot mal famé de Bavière, entre deux massacres d'une guerre entre "frères en Christ", qui devait durer "trente ans" ? ... trente ans, l'âge auquel Jésus de Nazareth fit toute sa place au Christ ... bref, fût-ce là votre baptême du feu ? toujours est-il que vous décidâtes de miser l'intégralité de votre part sur une combinaison prometteuse, sur cinq mots nouvellement associés, et empochâtes alors le jackpot de la célébrité, urbi et orbi, élu pape d'une nouvelle religion qui avait l'individu pour seul dieu ...
Un tel succès, fulgurant, est, vous en conviendrez aisément, multifactoriel, n'a de soudain que ce qu'il cache de ce qui l'a porté à la lumière ... ce que vous affirmâtes au nom des vôtres, quand bien même ce ne fut pas votre intention identifiée, sourdait depuis peu des consciences, en dépit des menaces d'un ciel toujours plus bas, toujours plus oppressant, annonciateur de terribles orages ....
Une fois l'effervescence retombée et les lampions éteints, que restait-il de votre bon sens ? ... vous restâtes fort démuni lorsque l'heure de la science fut venue ...
Mis à part quelques détracteurs qui s'en donnèrent à cœur joie, personne fort heureusement n'a souvenir du résultat de vos travaux, en physique comme en biologie, où l'inepte le dispute à l’imagination débridée, bien accueilli toutefois par un public prêt à tout entendre, du moment que cela ne vint pas de Rome! ...
Pour ne prendre qu'un exemple, vos lois des chocs en physique s'avérèrent fausses pour l'essentiel, mais, ne pourrait-on vous repêcher, si l'on sait qu'elles stoppèrent net la physique aristotélicienne, lancée à la conquête des esprits depuis près de deux mille ans et que rien ne semblait pouvoir arrêter ?
Votre principe d'inertie, qu'il faut bien vous reconnaître, s'est donc appliqué à l'endroit où vous l'attendiez le moins !
Bref, vous, que l'on ne présente plus, mais dont on ne sait à peu près rien, chamarré d'honneurs pour les uns, d'oripeaux pour les autres, seriez le fils caché d'un dieu qui n'a pas existé !...
Tout cela, dites-moi, n'est pas très rationnel !
Soit ! mais tout bien considéré, toute naissance n'est-elle pas une forme d'expulsion ?
Avant d'être chassé de l’interminable banquet qui réunissait les hommes et les dieux, par le fou de l'Olympe ( Zeus, à l'état civil ), l'homme ne connaissait nul obstacle, nulle adversité, nulle inquiétude, y compris celle qui deviendrait la plus sourde, la plus destructrice, la plus pernicieuse, en ce sens qu'elle agit bien avant de montrer son vrai visage, et commence son entreprise délétère par l'idée que l'on s'en fait ... il faut dire qu'alors, l'ambroisie, liqueur d'immortalité coulait de source ...
Je ne chercherai pas à vous convaincre que ce banquet a réellement eu lieu dans la conscience de rêve des hommes qui nous précédèrent sur cette terre, vous ne me croiriez pas !
Comment le pourrais-je d'ailleurs puisque pour vous, le rêve, c'est ce qui n'existe pas, mais qui pour autant, par un tour de passe passe dont vous eûtes le secret, donna vie à votre doute sans lequel vous n'eûtes jamais été sûr d'exister ...
Si je vous disais que cette conscience était alors aussi certaine que la nôtre l'est désormais du réveil à l'endormissement, vous seriez en droit, de me demander mes sources. Si vous me posiez cette question, c'est que vous ne les avez pas cherchées, et pourtant, elles coulaient déjà à votre époque ... d'aucuns prétendent que vous les avez cherchées mais que vous le les avez pas trouvées... c'est sans doute, vous le savez maintenant, qu'il ne le fallait pas ! ...
Chaque chose en son temps, et le temps était venu de décontaminer la nature de toute projection humaine, ce que vous fîtes avec une belle énergie, prolongeant en cela l'effort des initiés grecs quand Athènes dormait encore, effort herculéen, visant à débarrasser l'idée que l'on se fait de Dieu de tout anthropomorphisme, jusqu'à, près de mille ans plus tard, ne plus s'autoriser à en dire quoi que ce soit, si ce n'est, au pis-aller, de dire ce qu'il n'est pas !...
Il est à remarquer, qu'à dénigrer les dieux du peuple, ils risquèrent alors tout autant leur vie que vous ne risquâtes la vôtre, si, par le talent que l'on vous reconnaît depuis peu, vous n'aviez su dissimuler votre vision du monde sous le vêtement d'une fable ...
Mais, faute de sensibilité, ou bien encore par inertie de vos principes une fois lancés dans les consciences en fusion, le bon sens vous manqua cruellement, c'est le moment ou jamais de le dire, lorsque vous appliquâtes ce régime sec, cette cure de souffrance, à nos frères les animaux.
Mais l'heure n'est plus au bilan de votre vie, à ses égarements, à ses tâtonnements, à ses moments de génie aussi ... prenons le "cogito", celui-là seul aurait suffi à votre gloire, si l'on sait que ces cinq mots assemblés pour la première fois par homo sapiens à la surface de Gaïa, consacrent à eux seuls l'aboutissement du projet secret de Zeus.
Alors, pour respecter votre souci de ne point préjuger de quoi que ce soit, que cela vienne des sens ou de quelque révélation, nous allons procéder en n'affirmant rien qui puisse exiger une quelconque croyance, mais en examinant la viabilité d'une hypothèse.
Et cette hypothèse s'inscrit, comme il se doit, dans un référentiel, incontournable, au moins pour ceux qui préfèrent, pour tenter de se faire une petite idée de la genèse, le livre du désert à celui de la jungle.
Oh bien sûr, les tenants de ce dernier savent, depuis peu, mais de source sûre, que, foin des Elohim et autres démiurges, c'est la chasse qui créa l'Homme !... **
Mais, pour avoir éclairé un temps les esprits qui s'estimaient tels, la thèse fit long feu, car les loups, les orques et autres chimpanzés bientôt vendirent la mèche d'une mère commune ** ...
L'on apprit alors que la jungle de l'Afrique de l'est s'était retirée sur les hauteurs nouvelles pour raison tectonique, obligeant ceux de nos ancêtres poilus restés au bas de la falaise, à se retrancher dans la savane dont les hautes herbes ne lui laissèrent d'autre choix que de se redresser pour tenter d'apercevoir ce qui pourrait bien venir de l'ouest ...
Voilà, si l'on peut dire, un raisonnement sans faille et qui faillit s'installer, dans l'attente incertaine d'un prochain séisme **...
Je pense, donc je suis !
Voilà à peu près tout ce que l'on sait de vous, et qui résume, performance insolite, à peu près tout ce que nous savons de nous !
Ce que l'on sait moins encore, c'est comment vous en êtes arrivé, comme par accident, à ce constat improbable qui mit tout le monde d'accord .
"Je pense donc je suis!" est, pour ceux qui font l'effort de vous connaître, sans a priori, sans émotion parasite, comme vous l'eussiez exigé, le terminus d'un long voyage dans l'imaginaire, aux limites de la folie, vous ne vous en êtes pas caché, au cours duquel vous doutiez de tout, en "dépit du bon sens" : de ces mains, de ce corps dont vous ne saviez plus soudain s'ils étaient bien à vous, de cette vie qui n'est peut-être qu'un rêve, du spectacle fallacieux qu'elle propose sous la direction d'un dieu que vous imaginiez trompeur, dans le meilleur des cas, d'un malin génie plus sûrement encore ...
La folie fut évoquée, par vous-même tout d'abord, puis par vos détracteurs; pour ma part, je pencherais plutôt pour une incarnation difficile ou, si tel n'était pas le cas, pour la mise en scène habile et dramatique de la conclusion à laquelle, consciemment ou inconsciemment, vous vouliez arriver ...
Pour prendre un terme actuel, je dirai que vous fîtes "reset" sur le programme de notre évolution, découvrant ainsi, à vos risques et périls, les impressions, les sentiments confus qui parcoururent l'Homme à l'approche du rocher, de Gaïa, de cet étrange corps physique provisoirement tiré de sa substance, sombre, inextricable, dense, comme une cellule de prison ...
A moins encore que ce ne fut là un de ces trompe l’œil dont vous étiez passé maître, redoutant à juste titre les derniers sursauts de la bête, les ukases d'une Église qui sentait sa fin prochaine, et que réclamait à cor et à écrit le tout jeune crétin savant répondant au nom de Pascal, dont, averti de la chose humaine, vous aviez bien fait de vous méfier ...
Puisque nous y sommes, une chose m'intrigue : avez-vous, en cette paranoïa légitime, envisagé la possibilité d'une accusation de blasphème ?
Je m'explique : Yahvé, le dieu de la Genèse, la figure intérimaire du Christ, n'avait-il pas dit de lui : "je suis le je suis !"
Soit ! ... votre silence narquois m'y invite : mea-culpa, où avais-je la tête ? pour lui, point n'était besoin d'y penser ! Il était en quelque sorte cause de lui-même !
L'honneur du dieu fut sauf, et votre vie prolongée!
Revenons au banquet ! Chacun l'aura bien compris, ce qui importe n'est pas cet interminable moment où les invités s'attardent, où rien ne se passe plus, pas même les plats, mais sa brutale conclusion !...
Expulsion !
Que ce soit du luxuriant jardin d’Éden ou de la table la plus courue du moment (chacun a son image du bonheur, particulièrement à une époque où la pensée conceptuelle attend encore son heure sous l'horizon de l'histoire!), ce qu'il importe de retenir, c'est qu'à un moment donné, nous n'y fûmes plus retenus !...
Quelle faute avions-nous bien pu commettre ?
Zeus me semble beaucoup trop acharné à notre malheur pour être objectif!
Quand à ceux qui, pendant des siècles, du haut de la chaire accusatrice, avaient pris la bible en otage, qu'attendre de plus de cette engeance qu'une demande de rançon propre à nous libérer de fautes imaginaires ?
La moquerie contient toujours une part de vérité, dit-on ! C'est pas faux, comme disent ceux qui considèrent que notre langue n'est pas morte ! ... Pour ma part, je dirais que paradoxalement, elle est une forme de pudeur, une manière détournée de s'approcher du mystère, en exploitant jusqu'à la caricature le peu qu'il donne à voir de lui-même.
Quiconque fait preuve de quelque élégance, ne se moque pas de ceux dont tout le monde se moque ! Et si, par inadvertance, le cas se présentait, qui cela pourrait-il bien intéresser ? ... Non, à tout prendre, la moquerie est souvent plus loquace que l'éloge, car à sa différence, elle témoigne d'un réel intérêt pour son objet ...
En voici un bel exemple :
"Adam et Eve ont fait une erreur de genèse ! "
Pour en revenir à notre question initiale, telle fut la réponse spontanée de Boris Vian, faisant fi du regard oblique de saint Germain, comme du pas pressé, là-haut, des passants attardés, quand au caveau enfumé l'ambiance battait son plein !...
Chacun sait le talent de cet enfant spirituel de Descartes, de cet adepte de la "table rase", *** profanateur de valeurs fanées, graveur sur marbre du "J'irai cracher sur vos tombes!", prince de l'absurde, roi de la provocation subliminale! ...
Car enfin, sous l'apparence folâtre d'un bon mot, propre à effrayer le bourgeois en loden, ne s'agit-il pas là de la meilleure exégèse de la genèse ?
Comment faire plus court sur un débat désormais sans faim ?
Ils étaient donc tous deux inconscients!
L'a-t-il voulu comme cela ? ... je n'en sais rien! ... probablement oui, probablement non, mais savons-nous toujours bien ce que nous voulons dire lorsque nos lèvres s’entrouvrent sur l'insondable mystère qui nous habite? ... était-ce juste un bon mot sur la source de tous nos maux ?peut-être Lacan aurait-il pu abonder dans un sens moins restreint ?... qui sait ?
A ce moment donc de son histoire, sur le point d'entrer dans l'histoire, l'Homme n'est pas conscient !
Boris confirme Moïse : le bien, le mal, l'autre, l'individu, le "moi", le "je", le doute, la conscience de soi, la volonté, le désir, la mort, tout cela n'a pas de sens, ne fait pas sens ...
Cette conscience de soi, du "je", exacerbée, fulgurante, logique, qui fit de vous, Monsieur Descartes, un moderne Prométhée, attaché volontairement, à la plus grande stupéfaction de Zeus, au rocher, à Gaïa, à votre corps physique, vous fûtes le premier à l'avoir identifiée clairement, sanctifiée, partagée, pour le meilleur et pour le pire ! ***
* Alain Souchon, poulailler's song, 1977; dès lors, mon opinion fut vite faite : ce mec est génial !
** les années 1970 furent particulièrement créatives dès lors qu'il s'agissait de retirer au créateur toute possibilité d'avoir créé quoi que ce soit... pour les uns comme Robert Ardrey, c'est la chasse qui créa l'Homme; pour d'autres comme Yves Coppens, nous sommes enfants d'un des derniers caprices de la tectonique des plaques en Afrique de l'est, qui, de fil en aiguille, nous couvrit de peaux de bêtes, en guise de souvenir ...
"Et la chasse créa l'Homme!" fut un best-seller, jusqu'à ce que l'éthologie ne rappelle que la chasse, ouverte à tous les prétendants qui veulent tirer un coup, accoucha ici des loups et là, des chimpanzés, avant de découvrir de toutes nouvelles portées dans les océans, dans les airs !
La théorie de Yves Coppens quant à elle, fut unanimement et durablement saluée, grande première dans ce milieu de sauvages endimanchés, et tint lieu momentanément de doxa pour la communauté scientifique internationale, cocorico ! jusqu'à ce qu'un autre séisme dont l'épicentre se présentant sous la forme d'un os, fut localisé en Afrique de l'ouest, ne vint mettre à bas le brillant échafaudage ...
A cette même époque parut un autre best seller intitulé "Le paradigme perdu", signé par Edgard Morin, prêtre de multiples églises. Commençant par un jeu de mots plaisant, au moins pour ceux qu'un vocabulaire confidentiel ne saurait tenir à distance, l'ouvrage, qui aurait pu aussi bien s'intituler "L'homme à poil ! "ne tarde pas à jeter l'effroi car, en dehors de notre cousinage revendiqué avec ceux qui en sont couverts, tout ce dont nous arguions hier encore pour notre différence, nous est retiré : le langage, l'outil, la société ... mais Edgard, en bon et fidèle serviteur de sa maîtresse l'humanité, nous dote in fine d'un apport décisif à la marche du monde : la démence !
Le tir de barrage de l’intelligentsia post-soixantehuitarde contre tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une genèse spirituelle de l'homme n'a pas été vain.
La plupart d'entre nous, cinquante ans après le cessez-le-feu très provisoire, faute d'ennemis en vue, situe la genèse de l'homme quelque part entre une copie plus ou moins fidèle de ce qui existait déjà, et une erreur tragique, qui a toutefois cette ultime dignité de ne requérir aucun concours extérieur pour programmer son extinction ...
Toujours à la même époque, le "Holon" d'Arthur Koestler ou ses cousines fractales de Benoît Mandelbrot passèrent à peu près inaperçues ...
L'Homme comme tout et partie du tout, le cerveau comme fractale du cosmos ! ...
Qu'avions-nous besoin de ces mystères qui pourraient rehausser l'opinion que nous avons de nous-mêmes, nous réinstaller dans un projet qui ne se fera pas sans nous ?
*** Se faire une opinion par soi-même, en toute autonomie, refusant le message des sens comme de toute révélation, tel fut votre radicalisme, Monsieur Descartes...
Mais il est vrai que votre intransigeant concept de la "table rase" qui y préside, eut quelques répercussions, votre prestige aidant, et l'époque s'y prêtant, dont on pourrait prendre le temps de discuter : du 21 janvier 1793 sur la place de la "concorde de tous au détriment d'un seul", au Kaboul de 1996, en passant par le Phnom Penh de 1975 ...
Mais il est tout aussi vrai que ce serait vous faire un vain procès, si l'on considère ce que l’Église de Rome à fait de la parole du Christ, ou le nazisme des ambitions de Nietzsche ...
A moins que ce ne soit l'inverse ! mais cela est un autre débat : step by step ! ...
A ceux qui voudraient me faire enfermer pour ce forfait qui pourrait indisposer jusqu'à l’écœurement nombre de défenseurs des droits de l'Homme sans dieux, je ne donnerai pas mes sources, à moins qu'ils ne se décident à montrer patte blanche quant à leur sincère quête de la vérité...
Ainsi, ce parangon de rationalisme, cet invité de marque au débat philosophique, si l'on sait que le cartésianisme est au rationalisme ce que Frigidaire est aux réfrigérateurs, ce matérialiste bon teint sous la poudre trompeuse, ce mécanicien en col blanc, inventeur de la philosophie garage, priva d'âme tout ce qui n'était pas lui : l'animal sans défense, la muette nature, et, jusqu'à son propre corps, cette horloge qui, promise à un prochain dérèglement, n'en donne même pas l'heure !...
Encore nous restait-il une âme ! ... mais il avait ouvert les vannes et, Julien Offray de La Mettrie, un petit gars de Saint-Malo, dont on disait volontiers qu'il avait "une machine dans la tête", finira le travail avec l'avènement de "l'homme-machine", cobaye promis aux prochaines expériences transhumanistes et autres chimères de laboratoire ...
"Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée ! "
A tel point, qu'au final, il en revint si peu à chacun ! ... Est-ce bien ce que vous vouliez dire Monsieur Descartes ?
Toujours est-il que la sentence est restée dans les mémoires, mais, curieusement, ne vous profita point !... le commun des mortels aurait-il eu ce commun bon sens de ne point vous l'attribuer, quand d'autres avant vous, et des plus célèbres, y avaient déjà songé ?
Non, ce qui vous fit connaître, c'est une autre maxime, beaucoup plus personnelle, terriblement personnelle, inédite celle-là, et que pourtant chacun put immédiatement s'approprier, tant le fruit était mûr.
"Je pense donc je suis!"
Comment diable en êtes-vous arrivé à ce coup de génie ? ... était-ce le souvenir du temps où, mercenaire, toujours en quête de votre identité, vous jouiez aux cartes dans quelque tripot mal famé de Bavière, entre deux massacres d'une guerre entre "frères en Christ", qui devait durer "trente ans" ? ... trente ans, l'âge auquel Jésus de Nazareth fit toute sa place au Christ ... bref, fût-ce là votre baptême du feu ? toujours est-il que vous décidâtes de miser l'intégralité de votre part sur une combinaison prometteuse, sur cinq mots nouvellement associés, et empochâtes alors le jackpot de la célébrité, urbi et orbi, élu pape d'une nouvelle religion qui avait l'individu pour seul dieu ...
Un tel succès, fulgurant, est, vous en conviendrez aisément, multifactoriel, n'a de soudain que ce qu'il cache de ce qui l'a porté à la lumière ... ce que vous affirmâtes au nom des vôtres, quand bien même ce ne fut pas votre intention identifiée, sourdait depuis peu des consciences, en dépit des menaces d'un ciel toujours plus bas, toujours plus oppressant, annonciateur de terribles orages ....
Une fois l'effervescence retombée et les lampions éteints, que restait-il de votre bon sens ? ... vous restâtes fort démuni lorsque l'heure de la science fut venue ...
Mis à part quelques détracteurs qui s'en donnèrent à cœur joie, personne fort heureusement n'a souvenir du résultat de vos travaux, en physique comme en biologie, où l'inepte le dispute à l’imagination débridée, bien accueilli toutefois par un public prêt à tout entendre, du moment que cela ne vint pas de Rome! ...
Pour ne prendre qu'un exemple, vos lois des chocs en physique s'avérèrent fausses pour l'essentiel, mais, ne pourrait-on vous repêcher, si l'on sait qu'elles stoppèrent net la physique aristotélicienne, lancée à la conquête des esprits depuis près de deux mille ans et que rien ne semblait pouvoir arrêter ?
Votre principe d'inertie, qu'il faut bien vous reconnaître, s'est donc appliqué à l'endroit où vous l'attendiez le moins !
Bref, vous, que l'on ne présente plus, mais dont on ne sait à peu près rien, chamarré d'honneurs pour les uns, d'oripeaux pour les autres, seriez le fils caché d'un dieu qui n'a pas existé !...
Tout cela, dites-moi, n'est pas très rationnel !
Soit ! mais tout bien considéré, toute naissance n'est-elle pas une forme d'expulsion ?
Avant d'être chassé de l’interminable banquet qui réunissait les hommes et les dieux, par le fou de l'Olympe ( Zeus, à l'état civil ), l'homme ne connaissait nul obstacle, nulle adversité, nulle inquiétude, y compris celle qui deviendrait la plus sourde, la plus destructrice, la plus pernicieuse, en ce sens qu'elle agit bien avant de montrer son vrai visage, et commence son entreprise délétère par l'idée que l'on s'en fait ... il faut dire qu'alors, l'ambroisie, liqueur d'immortalité coulait de source ...
Je ne chercherai pas à vous convaincre que ce banquet a réellement eu lieu dans la conscience de rêve des hommes qui nous précédèrent sur cette terre, vous ne me croiriez pas !
Comment le pourrais-je d'ailleurs puisque pour vous, le rêve, c'est ce qui n'existe pas, mais qui pour autant, par un tour de passe passe dont vous eûtes le secret, donna vie à votre doute sans lequel vous n'eûtes jamais été sûr d'exister ...
Si je vous disais que cette conscience était alors aussi certaine que la nôtre l'est désormais du réveil à l'endormissement, vous seriez en droit, de me demander mes sources. Si vous me posiez cette question, c'est que vous ne les avez pas cherchées, et pourtant, elles coulaient déjà à votre époque ... d'aucuns prétendent que vous les avez cherchées mais que vous le les avez pas trouvées... c'est sans doute, vous le savez maintenant, qu'il ne le fallait pas ! ...
Chaque chose en son temps, et le temps était venu de décontaminer la nature de toute projection humaine, ce que vous fîtes avec une belle énergie, prolongeant en cela l'effort des initiés grecs quand Athènes dormait encore, effort herculéen, visant à débarrasser l'idée que l'on se fait de Dieu de tout anthropomorphisme, jusqu'à, près de mille ans plus tard, ne plus s'autoriser à en dire quoi que ce soit, si ce n'est, au pis-aller, de dire ce qu'il n'est pas !...
Il est à remarquer, qu'à dénigrer les dieux du peuple, ils risquèrent alors tout autant leur vie que vous ne risquâtes la vôtre, si, par le talent que l'on vous reconnaît depuis peu, vous n'aviez su dissimuler votre vision du monde sous le vêtement d'une fable ...
Mais, faute de sensibilité, ou bien encore par inertie de vos principes une fois lancés dans les consciences en fusion, le bon sens vous manqua cruellement, c'est le moment ou jamais de le dire, lorsque vous appliquâtes ce régime sec, cette cure de souffrance, à nos frères les animaux.
Mais l'heure n'est plus au bilan de votre vie, à ses égarements, à ses tâtonnements, à ses moments de génie aussi ... prenons le "cogito", celui-là seul aurait suffi à votre gloire, si l'on sait que ces cinq mots assemblés pour la première fois par homo sapiens à la surface de Gaïa, consacrent à eux seuls l'aboutissement du projet secret de Zeus.
Alors, pour respecter votre souci de ne point préjuger de quoi que ce soit, que cela vienne des sens ou de quelque révélation, nous allons procéder en n'affirmant rien qui puisse exiger une quelconque croyance, mais en examinant la viabilité d'une hypothèse.
Et cette hypothèse s'inscrit, comme il se doit, dans un référentiel, incontournable, au moins pour ceux qui préfèrent, pour tenter de se faire une petite idée de la genèse, le livre du désert à celui de la jungle.
Oh bien sûr, les tenants de ce dernier savent, depuis peu, mais de source sûre, que, foin des Elohim et autres démiurges, c'est la chasse qui créa l'Homme !... **
Mais, pour avoir éclairé un temps les esprits qui s'estimaient tels, la thèse fit long feu, car les loups, les orques et autres chimpanzés bientôt vendirent la mèche d'une mère commune ** ...
L'on apprit alors que la jungle de l'Afrique de l'est s'était retirée sur les hauteurs nouvelles pour raison tectonique, obligeant ceux de nos ancêtres poilus restés au bas de la falaise, à se retrancher dans la savane dont les hautes herbes ne lui laissèrent d'autre choix que de se redresser pour tenter d'apercevoir ce qui pourrait bien venir de l'ouest ...
Voilà, si l'on peut dire, un raisonnement sans faille et qui faillit s'installer, dans l'attente incertaine d'un prochain séisme **...
Je pense, donc je suis !
Voilà à peu près tout ce que l'on sait de vous, et qui résume, performance insolite, à peu près tout ce que nous savons de nous !
Ce que l'on sait moins encore, c'est comment vous en êtes arrivé, comme par accident, à ce constat improbable qui mit tout le monde d'accord .
"Je pense donc je suis!" est, pour ceux qui font l'effort de vous connaître, sans a priori, sans émotion parasite, comme vous l'eussiez exigé, le terminus d'un long voyage dans l'imaginaire, aux limites de la folie, vous ne vous en êtes pas caché, au cours duquel vous doutiez de tout, en "dépit du bon sens" : de ces mains, de ce corps dont vous ne saviez plus soudain s'ils étaient bien à vous, de cette vie qui n'est peut-être qu'un rêve, du spectacle fallacieux qu'elle propose sous la direction d'un dieu que vous imaginiez trompeur, dans le meilleur des cas, d'un malin génie plus sûrement encore ...
La folie fut évoquée, par vous-même tout d'abord, puis par vos détracteurs; pour ma part, je pencherais plutôt pour une incarnation difficile ou, si tel n'était pas le cas, pour la mise en scène habile et dramatique de la conclusion à laquelle, consciemment ou inconsciemment, vous vouliez arriver ...
Pour prendre un terme actuel, je dirai que vous fîtes "reset" sur le programme de notre évolution, découvrant ainsi, à vos risques et périls, les impressions, les sentiments confus qui parcoururent l'Homme à l'approche du rocher, de Gaïa, de cet étrange corps physique provisoirement tiré de sa substance, sombre, inextricable, dense, comme une cellule de prison ...
A moins encore que ce ne fut là un de ces trompe l’œil dont vous étiez passé maître, redoutant à juste titre les derniers sursauts de la bête, les ukases d'une Église qui sentait sa fin prochaine, et que réclamait à cor et à écrit le tout jeune crétin savant répondant au nom de Pascal, dont, averti de la chose humaine, vous aviez bien fait de vous méfier ...
Puisque nous y sommes, une chose m'intrigue : avez-vous, en cette paranoïa légitime, envisagé la possibilité d'une accusation de blasphème ?
Je m'explique : Yahvé, le dieu de la Genèse, la figure intérimaire du Christ, n'avait-il pas dit de lui : "je suis le je suis !"
Soit ! ... votre silence narquois m'y invite : mea-culpa, où avais-je la tête ? pour lui, point n'était besoin d'y penser ! Il était en quelque sorte cause de lui-même !
L'honneur du dieu fut sauf, et votre vie prolongée!
Revenons au banquet ! Chacun l'aura bien compris, ce qui importe n'est pas cet interminable moment où les invités s'attardent, où rien ne se passe plus, pas même les plats, mais sa brutale conclusion !...
Expulsion !
Que ce soit du luxuriant jardin d’Éden ou de la table la plus courue du moment (chacun a son image du bonheur, particulièrement à une époque où la pensée conceptuelle attend encore son heure sous l'horizon de l'histoire!), ce qu'il importe de retenir, c'est qu'à un moment donné, nous n'y fûmes plus retenus !...
Quelle faute avions-nous bien pu commettre ?
Zeus me semble beaucoup trop acharné à notre malheur pour être objectif!
Quand à ceux qui, pendant des siècles, du haut de la chaire accusatrice, avaient pris la bible en otage, qu'attendre de plus de cette engeance qu'une demande de rançon propre à nous libérer de fautes imaginaires ?
La moquerie contient toujours une part de vérité, dit-on ! C'est pas faux, comme disent ceux qui considèrent que notre langue n'est pas morte ! ... Pour ma part, je dirais que paradoxalement, elle est une forme de pudeur, une manière détournée de s'approcher du mystère, en exploitant jusqu'à la caricature le peu qu'il donne à voir de lui-même.
Quiconque fait preuve de quelque élégance, ne se moque pas de ceux dont tout le monde se moque ! Et si, par inadvertance, le cas se présentait, qui cela pourrait-il bien intéresser ? ... Non, à tout prendre, la moquerie est souvent plus loquace que l'éloge, car à sa différence, elle témoigne d'un réel intérêt pour son objet ...
En voici un bel exemple :
"Adam et Eve ont fait une erreur de genèse ! "
Pour en revenir à notre question initiale, telle fut la réponse spontanée de Boris Vian, faisant fi du regard oblique de saint Germain, comme du pas pressé, là-haut, des passants attardés, quand au caveau enfumé l'ambiance battait son plein !...
Chacun sait le talent de cet enfant spirituel de Descartes, de cet adepte de la "table rase", *** profanateur de valeurs fanées, graveur sur marbre du "J'irai cracher sur vos tombes!", prince de l'absurde, roi de la provocation subliminale! ...
Car enfin, sous l'apparence folâtre d'un bon mot, propre à effrayer le bourgeois en loden, ne s'agit-il pas là de la meilleure exégèse de la genèse ?
Comment faire plus court sur un débat désormais sans faim ?
Ils étaient donc tous deux inconscients!
L'a-t-il voulu comme cela ? ... je n'en sais rien! ... probablement oui, probablement non, mais savons-nous toujours bien ce que nous voulons dire lorsque nos lèvres s’entrouvrent sur l'insondable mystère qui nous habite? ... était-ce juste un bon mot sur la source de tous nos maux ?peut-être Lacan aurait-il pu abonder dans un sens moins restreint ?... qui sait ?
A ce moment donc de son histoire, sur le point d'entrer dans l'histoire, l'Homme n'est pas conscient !
Boris confirme Moïse : le bien, le mal, l'autre, l'individu, le "moi", le "je", le doute, la conscience de soi, la volonté, le désir, la mort, tout cela n'a pas de sens, ne fait pas sens ...
Cette conscience de soi, du "je", exacerbée, fulgurante, logique, qui fit de vous, Monsieur Descartes, un moderne Prométhée, attaché volontairement, à la plus grande stupéfaction de Zeus, au rocher, à Gaïa, à votre corps physique, vous fûtes le premier à l'avoir identifiée clairement, sanctifiée, partagée, pour le meilleur et pour le pire ! ***
* Alain Souchon, poulailler's song, 1977; dès lors, mon opinion fut vite faite : ce mec est génial !
** les années 1970 furent particulièrement créatives dès lors qu'il s'agissait de retirer au créateur toute possibilité d'avoir créé quoi que ce soit... pour les uns comme Robert Ardrey, c'est la chasse qui créa l'Homme; pour d'autres comme Yves Coppens, nous sommes enfants d'un des derniers caprices de la tectonique des plaques en Afrique de l'est, qui, de fil en aiguille, nous couvrit de peaux de bêtes, en guise de souvenir ...
"Et la chasse créa l'Homme!" fut un best-seller, jusqu'à ce que l'éthologie ne rappelle que la chasse, ouverte à tous les prétendants qui veulent tirer un coup, accoucha ici des loups et là, des chimpanzés, avant de découvrir de toutes nouvelles portées dans les océans, dans les airs !
La théorie de Yves Coppens quant à elle, fut unanimement et durablement saluée, grande première dans ce milieu de sauvages endimanchés, et tint lieu momentanément de doxa pour la communauté scientifique internationale, cocorico ! jusqu'à ce qu'un autre séisme dont l'épicentre se présentant sous la forme d'un os, fut localisé en Afrique de l'ouest, ne vint mettre à bas le brillant échafaudage ...
A cette même époque parut un autre best seller intitulé "Le paradigme perdu", signé par Edgard Morin, prêtre de multiples églises. Commençant par un jeu de mots plaisant, au moins pour ceux qu'un vocabulaire confidentiel ne saurait tenir à distance, l'ouvrage, qui aurait pu aussi bien s'intituler "L'homme à poil ! "ne tarde pas à jeter l'effroi car, en dehors de notre cousinage revendiqué avec ceux qui en sont couverts, tout ce dont nous arguions hier encore pour notre différence, nous est retiré : le langage, l'outil, la société ... mais Edgard, en bon et fidèle serviteur de sa maîtresse l'humanité, nous dote in fine d'un apport décisif à la marche du monde : la démence !
Le tir de barrage de l’intelligentsia post-soixantehuitarde contre tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une genèse spirituelle de l'homme n'a pas été vain.
La plupart d'entre nous, cinquante ans après le cessez-le-feu très provisoire, faute d'ennemis en vue, situe la genèse de l'homme quelque part entre une copie plus ou moins fidèle de ce qui existait déjà, et une erreur tragique, qui a toutefois cette ultime dignité de ne requérir aucun concours extérieur pour programmer son extinction ...
Toujours à la même époque, le "Holon" d'Arthur Koestler ou ses cousines fractales de Benoît Mandelbrot passèrent à peu près inaperçues ...
L'Homme comme tout et partie du tout, le cerveau comme fractale du cosmos ! ...
Qu'avions-nous besoin de ces mystères qui pourraient rehausser l'opinion que nous avons de nous-mêmes, nous réinstaller dans un projet qui ne se fera pas sans nous ?
*** Se faire une opinion par soi-même, en toute autonomie, refusant le message des sens comme de toute révélation, tel fut votre radicalisme, Monsieur Descartes...
Mais il est vrai que votre intransigeant concept de la "table rase" qui y préside, eut quelques répercussions, votre prestige aidant, et l'époque s'y prêtant, dont on pourrait prendre le temps de discuter : du 21 janvier 1793 sur la place de la "concorde de tous au détriment d'un seul", au Kaboul de 1996, en passant par le Phnom Penh de 1975 ...
Mais il est tout aussi vrai que ce serait vous faire un vain procès, si l'on considère ce que l’Église de Rome à fait de la parole du Christ, ou le nazisme des ambitions de Nietzsche ...