Le temps du figuier et le temps de la Croix !

Quel drôle titre, me direz-vous !

Y eut-il jamais un "temps du figuier" ? ... et, si c'est bien le cas, pourquoi celui-ci n'a-t-il pas laissé la moindre trace dans la mémoire des hommes ...

Quand au "temps de la croix", cette vieille lune, n'a-t-il pas déjà fait son temps ?

Quel intérêt, par conséquent, de rapprocher un temps qui n'existe plus, d'un temps qui n'en finit pas de mourir?

"Avez-vous beaucoup de temps à perdre ?"... tel aurait pu être votre mot d'adieu !

Mais si vous êtes encore là , laissez-moi vous dire que c'est bien vite oublier qu'il fut un temps, pas si lointain, où la croix était un supplice tendance ...

Pour ceux qui sont régulièrement invités au spectacle de l'histoire, les esclaves de cette mode ne montèrent-ils pas par milliers, comme un seul homme, sur la forêt de bois mort qui poussa subitement de part et d'autre de la Via Appia en 73 avant J.C.?

Je sais bien que Nietzsche, s'il nous revenait contre toute raison, m’objecterait, qu'à la différence du galiléen devenu subitement docile, les partisans de Spartacus n'avaient pas tendu l'autre joue avant que le bourreau qui les chevauchait ne puisse enfin clouer leur dernière main restée libre ...

Voilà bien la question : pourquoi s'était-il soudain laissé faire, ce galiléen, par des romains pourtant en faible nombre et qui redoutaient par dessus tout une nouvelle insurrection de ce peuple rebelle?

Pourquoi avait-il courbé l'échine devant les pharisiens et autres sadducéens qu'il accusait hier encore de souiller la maison de leur Père ?

Où était l'énergie de celui qui, hier encore avait mis ce temple à feu et à sang, fouetté les vendeurs de quincaillerie et autres indulgences, sans que nul ne songea même à s'interposer ?

Où était l'orateur inspiré qui, d'un mot, aurait pu renverser la situation, prendre le pouvoir, mais qui au grand dam de ses fans, porta sans maudire cette croix de bois mort, tant bien que mal, dans les rues enfiévrées et versatiles de la Jérusalem sous bracelet électronique, avant d'y être cloué comme une vulgaire pancarte sanguinolente, à l'adresse, par dessus l'épaule des badauds et voyeurs assemblés, des agitateurs en herbe qui parcouraient en tout sens une Palestine alors en jachère : "A bon entendeur salut! ", le message était clair ! ...

Pilate, ne pouvant compter sur l'intervention rapide des légions stationnées en Syrie, ne fit pas dans le détail, et l'histoire s'en souvient !
Alors, une fois le "pire évité", le roi des juifs, écorché, comme le plus vil des hommes, il s'en lava les mains ! ... chacun sait cela, l'expression n'a-t-elle pas fait date ?

Mais, si nous transposons la scène à nos modernes salles de bain, ou bien encore au désormais vieux divan de nos introspections, devant qui s'en est-il vraiment lavé les mains ?

Devant ceux qui étaient là, naturellement, les hébreux ! répondit l'écho ...

Mais, n'était-ce pas, plus secrètement, un message subliminal adressé à Tibère qui, depuis belle lurette, avait eu vent par estafettes empressées des immenses pouvoirs du trublion, en avait nourri mille projets, pour lui et pour l'empire ? *

Pour lui, tout d'abord, dont le corps de tous les excès pourrissait lentement au soleil de Capri, accessoirement pour l'Empire, mais d'abord pour sa gloire, car, comment faire mieux qu'Auguste qui, s'il eut le génie de créer le Panthéon, n'eut pas l'idée et/ou l'occasion d'y faire entrer un dieu vivant ?

Jésus ! ...

Combien d'encre n'a-t-elle pas coulée à son sujet ? ...

Combien de sang aussi, versé en son nom ? ... par ceux-là même qui s'en réclamaient, sans plus rien savoir, apparemment, ni de sa parole sans équivoque aucune, ni de la relation étroite du sang et de l'esprit !

Il nous faudra y revenir ...

L'encre tout d'abord !

Bien souvent, si souvent, trop souvent ... pour noircir du papier, comme on dit des "écrivains" payés au feuillet, et qui finissent par noircir leur sujet avant de rejoindre l'ombre qu'ils n'auraient jamais dû quitter...

Ces derniers temps, la religion de ceux-là fut vite faite : la croix n'intéresse plus grand monde, mais les aventures de Jésus et Marie-Madeleine, voilà qui serait de nature à booster les ventes ! ...

Cependant, tout passe, tout lasse, comme le sait si bien le marketing, au point d'entretenir cette fuite en avant qu'il nomme dans l'entre-soi des profiteurs, "achat compulsif" : l'idylle qui, si elle eut vraiment lieu, se serait bien passée de tout gala, n'aura qu'un temps au hit parade du voyeurisme ... demain il faudra donc trouver quelque "révélation" sordide, propre à se refaire sur la bête (dans le cochon tout est bon!), enfonçant une fois de plus, une fois encore, dans sa chair martyrisée, le clou rouillé de la misère humaine ...

"Je suis la vérité!"

Pour quelques acharnés, ceux du groupe désormais clairsemé que cette affirmation extravagante n'a pas eu le don de faire sourire, il sembla urgent de propager leur opinion, oubliant dans leur précipitation, une vérité première, c'est que précisément, l'opinion que l'on se fait de la vérité, empêche d'y accéder.

Il faut bien dire que, depuis le début de cette aventure humaine par défaut, les débats autour de la véritable nature du galiléen, furent interminables, acharnés, sanglants.

Auraient-ils pu, aurions-nous pu, lui éviter ce nouveau calvaire ?

A la décharge des impétrants fraîchement nommés et autres fanatiques d'une église qui se cherchait déjà, il n'existait pas à cette époque de portique de décontamination des opinions ... à moins que ... Socrate ? ...

Mais Socrate, finalement lassé de ce monde et qui, épuisé par l'exorbitante prétention de sa toute nouvelle intelligence, rendit, hors la vue du tribunal, son tablier à son Daïmon, ne présida à aucun concile !...

Comment d'ailleurs aurait-on pu y convier celui qui affirmait ne rien savoir si ce n'est tout de son ignorance, et interrogeait, sans ménagement aucun, ses propres questions dès lors qu'elles se présentaient à sa conscience ?

Libre d'une telle exigence, chacun pu donc, fort de ses a priori, de ses interprétations, adossées à une tradition boursouflée de jeunesse, prétendre détenir la vérité !

Mais, plus vraisemblablement, comme chacun d'entre nous, en proie à la blessure ontologique originelle, à notre peur viscérale de l'inconnu, de cette mort dont nous ne savons plus rien, métamorphosée en subite volonté de convaincre, ils sont partis à la conquête de l'opinion ...

Comme le tout nouvel acheteur essaye de convaincre son entourage de se lancer à son tour dans l'aventure pour calmer son angoisse post-achat.

Le marketing, nouvelle religion universelle, sait beaucoup de choses sur nous !

Bref, les enfants de Socrate, qui pour la plupart ne savent plus rien de lui et moins encore de son exigence, ont curieusement oublié tout rationalisme au moment d'aborder ce mystère ...

Peu soucieux de faire la lumière sur leur sujet de déréliction, mais amateurs de gloire (pour les plus désintéressés d'entre eux!), ils partirent à intervalle régulier pour cette expédition en très haute montagne, avec pour seule boussole leur petite et si chère conviction.

Mais, en ces lieux vierges à jamais de toute ambition qui n'aurait pour seul piolet que "l'idée qu'on s'en fait", la montagne ne fait pas de sermon ... impitoyable, elle a vite fait de renvoyer l'homme plein de lui-même à sa vacuité ...

Par cordées entière, ne furent-ils pas ensevelis sous les avalanches de l'oubli, et jusqu'à ceux qui s'étaient montrés un instant décisifs ?

Ainsi, qui se souvient d'Ernest Renan ?

N'avait-il pas pourtant atteint des sommets d'édition ? ... succès quasi planétaire ! N'est-il pas celui qui, le premier, avec cet indéniable talent qui lui valut audience, avait dit de Jésus ou laissé à penser, que tout bien considéré, il n'était que Jésus ? N'est-il pas celui qui réussit l'exploit de dépayser le procès alors fait aux évangiles pour incohérence pour un "voyage en Palestine" consensuel ? ...

En homme de son temps, comment aurait-il pu en être autrement de son opinion ?... n'avait-il pas mis le doigt dans l'engrenage de ceux qui, enfermés, sans le savoir, à l'extérieur du monde, le pensaient désormais comme un mouvement perpétuel de mécaniques bien huilées ?

Enfant spirituel de Descartes, éberlué par ce que d'aucuns puissent produire autant d'intelligence, il ne prêta pas plus de divinité au galiléen que d'âme à un chien ...

Alors, dans le sillage non revendiqué des premiers physiciens grecs, il entreprit de décontaminer le crucifié de tout mystère, soit, dans le langage de son siècle, comme du nôtre par vitesse acquise : de toute présence divine ... compensant inconsciemment ce manque comme il pouvait, par la beauté d'un paysage (totalement absent des évangiles), mais qui pourrait attester, faute de mieux, de cette sourde présence.

Ernest Renan, le père de "Jésus fait homme", mourut treize ans avant la grande déflagration de 1905 qui vint commencer d'anéantir les représentations issues de Galilée, et pour tout dire, nos certitudes, notre petit confort intellectuel fraîchement acquis, et relancer la question centrale de toute l'antiquité, confiée, faute de mieux, à l'improvisation de Pilate devant un galiléen vraisemblablement abandonné de celui qui avait mis le le temple à feu et à sang : qu'est-ce que la vérité ?

Pourtant, les derniers efforts de la philosophie occidentale, précurseurs inspirés de la physique quantique, s'étaient appliqué à décider de qui nous trompait, de ce cerveau interprétatif livré à lui-même, ou de ces cinq suborneurs qui nous vantent les mérites et le spectacle irréel de la nature ...

Manifestement, Ernest Renan n'en eut cure, pourquoi lui en faire grief ? ... s'il eut ce succès, c'est qu'il exprimait ce que ses contemporains avaient envie d'entendre ...

Son nom est désormais largement oublié, mais sa manière de voir, ou de ne pas voir, selon l'angle de vue que chacun choisit, est toujours la nôtre, consacrant en toute innocence la mort annoncée du temps du figuier, message cosmique transmis il y a un peu plus de deux mille ans par la bouche d'un homme nommé Jésus ...


*
* *

Enfant, j'ai posé à l'impromptu cette question en milieu averti ( j'aurais pourtant dû être averti, puisque je le fis mien !) : si Jésus est bien l'homme-dieu dont vous parlez, pourquoi s'est-il incarné à ce moment de l'histoire des hommes, et à cet endroit de la planète ?

Fin de non recevoir !... alors, comme Renaud, penaud mais déterminé, j'ai mis ma question dans ma culotte, en attendant de trouver une oreille attentive ... mais pour finir, après une très longue quête, je ne trouvai d'autre oreille que moi-même...

Contextualiser

Admettons, par pure hypothèse, la double nature de Jésus, humaine et divine !

Je sais, c'est " contre intuitif", mais la réalité réelle, telle qu'elle se dérobe encore aux plus intelligents d'entre nous, j'ai nommé les physiciens quantiques, se fiche pas mal, dirait-on, de notre opinion ...

Comme il est curieux que cette science nouvelle, cette fleur subtile qui couronne désormais l'arbre planté par les premiers physiciens d'Asie mineure, remette en perspective les concepts abandonnés par nos aînés, d'illusion chez Platon et de maya chez les hindous ...

Bref, admettons de manière corollaire qu'il existe bien un monde divin, "un autre monde", pour ceux qui s'arrêtent aux mots ...

Si, tout ce que nous venons d'admettre - juste pour le fun, qu'il soit bien entendu! correspond à quoi que ce soit qui ressemblerait à une nécessité, pourquoi l'incarnation d'une entité céleste s'est-elle produite à ce moment précis de l'histoire des hommes, et à cet endroit si particulier de la planète ?

Si nous ne comprenons rien à ce mystère, au point que ceux qui lui consacrèrent toute leur vie et tout leur amour, s’entre-déchirèrent pendant des siècles, nous pouvons à tout le moins tenter de le contextualiser ...

Voilà tout ce qu'il nous reste à nous qui n'avons pas la foi, ou, qui nous interrogeons sur ce mystère qui aurait la possibilité de nous faire accéder à cet autre mystère!

Que s'était-il passé ?

Si nous envisageons avec l'auteur de l'évangile de Jean, visiblement initié aux mystères d’Éphèse, qu'en Jésus, le verbe, le logos d'Héraclite, le "noûs" d'Anaxagore, s'est fait chair, a donc "emprunté" le corps du galiléen pour parler d'homme à homme aux hommes qui n'entendaient plus grand chose au monde spirituel, il convient de s'interroger sur le monde dans lequel celui-ci naquit.

Car tout est là!

Soit le monde spirituel est une invention de l'homme qui lui permit d'accepter si longtemps le non sens de ce cul de sac qu'il nomme " sa vie", soit la mort n'est plus envisageable comme une fin en soi !...

J'entends par "monde" le psychisme des hommes. Or, celui-ci venait de connaître un profond bouleversement que je vous propose de contempler dans ses diverses modalités en deux endroits dont vous et moi ne sortîmes pas indemne : en Inde et en Grèce.

En Grèce tout d'abord, même si ce choix ne respecte pas la chronologie :

Un véritable big bang psychique !

Sur le plan cosmique, nous ne savons toujours pas s'il y eut jamais un big bang et encore moins, en cette hypothèse, ce qu'il y avait avant.

En Grèce, au VIIème siècle avant J.C., il ne s'agit plus alors du macrocosme qui n'intéresse plus grand monde à cette époque charnière, mais de son double ici-bas (le microcosme, vous et moi), l'explosion est attestée ... on en sait l'avant, le pendant et l'après :

Homère et Hésiode viennent de quitter la scène où va désormais se jouer à ciel ouvert une autre tragédie (exit les héros) : celle d'un homme inquiet, non plus de sa gloire éternelle, mais tout bonnement de son salut, en raison du surgissement dans les consciences, d'un temps nouveau, linéaire, impénétrable, qui, sans mot dire sur ses intentions, nous emmène inexorablement vers la mort ...

Mauvais joueurs, ou peu réceptifs aux nouvelles règles, ces deux-là emportèrent avec eux le souvenir d'un temps où l'on avait souvenir, non par ouï-dire mais par vision directe, des temps immémoriaux, de la genèse du cosmos, de ces banquets interminables qui réunissaient les hommes et les dieux, de ces héros qui n'étaient, tout bien considéré, que des pantins aux mains des olympiens, empêtrés eux-mêmes dans leurs manigances ... en un mot comme encens, de ce temps où l'homme, la nature et les dieux ne faisaient qu'un, compliqué certes, mais uni ! ...

Mais, selon ce qu'en disent les hommes, les dieux en décidèrent autrement; Zeus nous chassa du banquet perpétuel pour des raisons que la raison ignore (l'Olympe voulait-elle réduire ses frais de bouche ?) ... quand une autre tradition, plus conceptuelle, ayant toujours pignon sur rue (de plus en plus déserte, il est vrai), nous expulse du paradis, pour ce qui pourrait désormais ressembler à une mauvaise raison : "le jour où tu auras connaissance du bien et du mal, etc ..."

Quoi qu'il en soit, il faut bien remarquer, que de cette expulsion, diront les uns, chute, diront les autres, nous ne prîmes jamais l'initiative.

Victimaires, inconscient du cadeau qui nous était fait ? ... qui jamais s'apercevra que c'est à cet instant du monde que se joua notre liberté ?

Combien de martyrs proclamèrent au moment fatidique : "plutôt mourir que ne plus être libre!".

Notre vie, n'est-elle pas cet instant fatidique ?

Bref, la belle unité explosa, les trois du départ se séparèrent, l'homme s'éloigna sans plus tarder de sa mère nature, décontaminée de l'omniprésence des dieux, la regardant désormais, non plus d'un œil craintif, mais suspicieux et qui voulait comprendre le pourquoi du comment ...

L'un donc, se sépare, se disperse façon puzzle, et l'univers mental en expansion se refroidit ... adieu le monde d'avant qui se donnait à voir dans le ballet ininterrompu et chatoyant des chaudes images gravées dans le souple marbre du mythe, voici venu le temps des premiers frimas de la pensée abstraite, conceptuelle, univers clos qui, rapidement, se suffit à lui-même, et n'éprouve plus le besoin de valider ses avancées au moyen d'une quelconque expérience.

La réaction ne se fit pas attendre, le peuple, dans son immense majorité, et jusqu'à ses élites, tenta de se consoler avec des dieux auxquels il ne croyaient plus trop, dans ce temps d'incertitude qui rapproche le possible de l'impossible, dans cet intervalle incertain qui sépare le "à quoi bon" du "on ne sait jamais! "...

De ces dieux dévalorisés, de ce destin qui nous échappe comme l'eau fuit du tonneau percé des Danaïdes, certains voulurent s'échapper promptement et rejoignirent les sectes philosophico- religieuses qui prônaient, comme dans l'orient de Bouddha, la détestation du sort qui nous est fait, de ce temps de l'oubli, de cet enfer qui avait migré des entrailles de la terre jusqu'au plancher des vaches, et fournissaient à leurs adeptes les moyens de ne jamais revenir sur cette terre de souffrance ...


La fin du temps du figuier ! ... Krishna avant Jésus !

On ne prête qu’aux riches, mais au galiléen, il fut prêté plus qu'à tout autre, non sans intérêt , c'est le moins que l'on puisse dire ... l'attente était si forte chez les hébreux enfiévrés qui ne savaient plus se décider entre deux urgences, ou les confondaient volontiers : en finir avec ce monde, cet éon de perdition, ou bouter le romain hors de Palestine ! ...

Voilà le malentendu, voilà ce qui décida de sa fulgurante fortune et pour finir, de sa tragique infortune ... mais, pour qui s'attache sérieusement à son périple, il apparaît évident que le galiléen n'est pas réductible aux intérêts d'un seul peuple alors que son propos était d'envisager l'avenir de l'humanité, de le replacer dans une perspective, de le contextualiser ... écoutez plutôt :

La scène, insolite, étrange, déstabilisante (d'autant qu'elle semble avoir échappé à la censure plusieurs fois séculaire qui présida au très délicat choix des évangiles canoniques) a lieu quelques heures avant que Jésus ne se donne en spectacle dans le temple de Jérusalem, renversant bruyamment les tables des changeurs, donnant du fouet aux marchands de bimbeloterie où le kitch le disputait déjà au sacré, et qui avaient fait, de "la maison de son Père", un repaire de voleurs !...

Pour comprendre sa saine colère, point n'est besoin de reconstituer le décor, ne suffit-il pas de se transporter à Lourdes, Lisieux ou Rocamadour ?...

Bref, quelques heures avant de signifier que l'amour de l'autre n'est pas la porte ouverte au mépris de soi, Jésus sort du groupe qui l'accompagne vers son prochain calvaire, pour apostropher un figuier qui ne demandait rien à personne, d'autant qu'à cette saison, quiconque n'aurait pu exiger quoi que ce soit de lui ... en clair, ce n'était pas la saison des figues ! ...

"Tu ne porteras plus de fruits!"

Stupeur et tremblements ! ... auraient dit les initiés de la haute antiquité.

Nous ne sommes plus dans cet état d'esprit et, ici, il faut bien se décider : soit le galiléen était neuneu (et avec lui les pères de l'église qui ne censurèrent pas ce passage), soit il s'agit-là d'un mystère, à ce jour non élucidé ...

Contextualiser toujours et encore :

Si l'on sait un peu l'histoire spirituelle de l'Inde, c'est, à n'en pas douter, à Krishna et à Bouddha que s’adressent ces paroles, par dessus les siècles et les espaces, faisant fi de l'incompréhension momentanée des hommes ...

Si l'affaire n'était pas d'importance, l'on pourrait même y voir comme un clin d’œil adressé à ces guides qui l'avaient précédé sur cette terre...

Mais pour ce dialogue au sommet qui défit notre entendement, le décor a changé : le figuier fugace a remplacé la montagne d'apparence éternelle ! ...

Faisant peu de cas, sur l'instant, du regard des siens comme de celui des théologiens à venir, petits bras, qui, gênés, détournent leur regard d'autant qu'ils attribuent cette parole à l'homme Jésus, sans plus rien savoir de son mystère, sans même observer qu'à ce moment, il est encore habité par la force qui le protégera dans quelques heures au temple de tous les dangers, pour finalement l'abandonner sur la croix **, sans en déduire jamais qu'à cet instant où le Verbe s'impose (le Veda, disent les indiens!), Jésus est plus qu'un simple mortel, car, par sa bouche est dit ce qui fut, ce qui est, et ce qui sera ! ...

Les grecs lettrés que Saul de Tarse ( Paul chez les latins) rencontra, n'eurent vraisemblablement pas de difficultés à identifier la grâce qui fut accordée à celui qu'ils auraient pour leur part appelé "l'homme aimé des muses" ...

Le temps du figuier !

Dans la Bhagavad-Gîtâ, Krishna explique à son élève Arjuna que le temps du figuier touche à sa fin ***.

Sur ce point, Arjuna, ne cache pas son désarroi, aussi ignare il est vrai que nous pouvons l'être quant à cette drôle d'époque qui ne figure dans aucun livre d'histoire et dont le maître des horloges aurait été un arbre ...

Alors Krishna lui révèle ce que les hommes ne peuvent plus voir de la nature et par conséquent d'eux-mêmes : l'homme est une plante inversée, racines au ciel, d'où l'image du figuier ...

Naturellement, aucune physiologie dépendant du scalpel, aucune imagerie médicale, ne pourraient rendre compte de cette face cachée de l'univers dont l'accès nous fut interdit, précisément au moment de la fin du figuier qui toutefois s'éternisa quelque peu.

Bouddha n'a-t-il pas connu, quelques siècles plus tard, l'éveil sous l'arbre de Bodhi qui n'est autre qu'un figuier ?

Cette autre relation au monde que certains appellent clairvoyance ou rêve éveillé, et d'autres "le temps du rêve", ne dépendait pas effectivement de l'attelage débridé du cerveau et des cinq sens qui finit par remporter toutes les compétitions locales sur cette possibilité psychique désormais éteinte.

Toutes sauf deux, si ce n'est en pratique, du moins en mémoire : les aborigènes d'Australie et les indiens du Canada qui avec près de deux milles ans de retard auraient répondu à la question de Pilate "qu'est-ce que la vérité?", la vérité c'est le temps du rêve !

Et pour finir !

Nous ne savons plus rien ou presque de cette mutation, de cette intime métamorphose qui se fit à notre porte temporelle. Trois mille ans, n'était-ce pas hier à l'échelle de l'évolution !

Mais nous savons désormais les traces, les stigmates, qu'elle laissa dans le psychisme des différents peuple de la haute antiquité, au point que les hommes s'interrogèrent sur le sens de leur vie ici-bas sans trouver jamais de réponse satisfaisante.

Sous la férule des pharisiens, les hébreux attendaient fébrilement l'apocalypse qui permettrait d'en finir avec cet éon promis à la décharge, préparant jusque dans leurs gènes la venue d'un messie qui trierait le bon grain de l'ivraie et emporterait avec lui les élus avec qui refonder un nouvel éon glorieux.

Pour les anciens grecs, la vérité n'était pas le contraire du faux ou du mensonge mais de l'oubli, de cet oubli de l'endroit d'où nous venons avant que de naître. Aussi, les exercices de mémoire n'auraient su s'attarder à ce qu'il en était hier de nous, "hommes d'un rapide destin", ou de notre histoire, sous-traitée à Hérodote, mais s’évertuaient à atteindre cet ailleurs, cet avant, sur lequel le temps n'a pas prise, ce temps immobile où reposent les bienheureux.

Bouddha, sans montrer en cela une quelconque originalité par rapport à ses prédécesseurs Hindous, fait l'implacable constat que ce monde est un monde de souffrance duquel il faut s'échapper au plus vite et au sein duquel il ne faut surtout pas revenir...

Partout donc, avec des modalités différentes, le nouveau monde, abandonné du figuier, ne suscite que refus, fuite, mépris ! ...

Alors, me direz-vous, qu'en est-il de l’aventure occidentale qui, loin de refuser le monde, entreprend de le transformer ? ... ce qui, tout bien pesé, est une autre manière de le refuser ! ...

Ce monde occidental qui sait identifier les "vrais" problèmes, pare au plus pressé, s'occupe de cette vie-ci, pas de son après et encore moins de son avant ... le progrès, la recherche du bonheur, tout ceci a l'avantage d'être bien palpable, tandis que le temps du figuier, la double-nature du galiléen, les états d'âme des anciens grecs et des aborigènes ... vous voyez ce que je veux dire ! ...

Oui, je vois ce que vous voulez dire, car il peut m'arriver de me le dire!

Mais une fois que l'on a dit cela, il me semble que l'on n'a pas dit grand chose, car enfin, pourquoi, où que l'on se déplace dans l'espace ou dans le temps, tombe-t-on invariablement sur l'une ou l'autre de ces deux attitudes ? de ces deux réactions me semblerait plus juste...

Pourquoi avons-nous ce seul choix sinistrement restreint du refus ou de l'oubli ?

Pourquoi choisir un des deux mondes signifierait la négation de l'autre monde ?

Ce monde dit de "souffrance" n'est-il pas sidérant de beauté ? est-il vraiment si mal fait ? quelqu'un sait-il un autre endroit qui se mobilise pour notre liberté ?

Né sous X, homo modernicus n'a manifestement pas le souci de retrouver ses racines !

Aurait-il peur de perdre, en cette ultime confrontation, sa liberté, qu'il paya, il est vrai, au prix fort, au prix de la mort ?

C'est pour éviter aux hommes d'approcher leurs lèvres de cette coupe amère, qu'un fruit fut appendu sur un arbre mort, planté comme par mégarde, à un endroit appelé "le mont du crâne " !




* Le plus gros des exploits de Jésus est signalé sur une période de trois ans, et qui commence avec sa rencontre avec un géant des rivières, un fou de dieu, Jean, dit le baptiste, star internationale des réseaux du bouche-à-oreille, qui s'incline, contre toute logique, devant ce parfait inconnu des hommes de son temps ... Trois ans, beaucoup plus qu'il n'en faut au service de renseignement de Tibère, terriblement efficace, de venir lui vanter en son île de Capri, tous les pouvoirs du galiléen ... Mon essai intitulé " Pilate" précise cet aspect de l'histoire curieusement passé sous silence.

** Avis aux amateurs de sensations fortes, de doute absolu, de remise en question, de sol qui se dérobe sous vos pieds, prêts à vous aventurer en dehors des sentiers battus de la morale humaine, trop humaine ... si vous le lisez avec tout votre sentiment, si vous laissez libre court à vos émotions, l'évangile selon saint Marc va vous broyer ...

*** Pour donner un ordre de grandeur, cet enseignement eut lieu environ mille ans avant J.C., et donc quatre siècles avant Bouddha.

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