Initiés antiques, physiciens quantiques...


Ce billet d'humeur convoque les propos de chercheurs émérites devant le tribunal de "La Porte des Lions", tribunal qui se veut libre de la doxa et plus particulièrement du diktat de l'Ecole.

Les responsables de ces propos, convoqués pour les avoir tenus devant des publics nombreux, sont :

Heinz Wismann, philologue
Pierre Vespérini, historien
Michel Bitbol, épistémologue

Pour ceux qui n'ont pas encore la chance de connaître ces déconstructeurs de talent, il est d'ores et déjà possible de découvrir leurs conférences respectives sur Google.

Héberlués par leurs démonstrations, vous seriez fondés à vous poser cette question : vraiment, qu'est-ce que ce tribunal inconnu pourrait bien trouver à redire ?

A bientôt !


C'était un peu après le chant du coq ! ... à cette heure incertaine des serments enflammés, des trahisons aussi ...

"Edizione straordinaria ! edizione straordinaria, il mondo è malato* !" ... j'entends encore l'appel pressant du vendeur de journaux à ceux d'avant qui, forts de leur récent accès à l'écriture, nourissaient le brûlant désir de se faire une opinion par eux-mêmes ... il est vrai qu'alors les journaux annoncaient la couleur et que mettre une pièce dans le tronc commun équivalait à un vote ...

Invariablement, je ne saurais dire pourquoi, ce souvenir me renvoie à l'appel du muezzin, lancinant, intriguant, magnifique, qui s'élève sur la ville empourprée, invite les croyants à tout laisser là, les rêves qui s'attardent, l'opinion de la veille, les tourments incessants, ambition, volonté, volupté ... le temps d'une prosternation, d'une prière collective adressée à l'Eternel ...

Orient-Occident, la seule frontière ne réside-t-elle pas dans ce que chacun entend faire de ce nouvel intrus, du "moi", qui pointa le bout de son nez parmi les siens, il n'y a pas si longtemps, c'était hier à l'échelle de l'évolution ... cela fera l'objet d'une prochaine communication.

"Edizione straordinaria !" ... Comme cette langue est belle, et chantante, faite à l'évidence pour les annonces théatrales ... "Ecce Homo ! " ... le monde n'était-il pas déjà malade ?

De quoi s'agissait-il dans cette édition spéciale? je ne m'en souviens plus ...

En tout cas, l'effondrement potentiel de nos représentations, solidement établies depuis ces deux derniers siècles pour lesquels la priorité absolue, il faut bien le dire, n'était pas la recherche de la vérité, mais d'en retirer l'usufruit à l'usurpateur romain, ne fit, par extraordinaire, l'objet d'aucune édition spéciale ! ...

Le crash spectaculaire d'une idée reçue qui envoya durablement des dizaines de millions de gens à la mort cérébrale, n'avait pas trouvé à se frayer un chemin dans l'entre-soi des prompteurs qui font l'opinion ...

" Effondrement potentiel", disais-je, car la secousse, étouffée sous l'édredon médiatique, fut rétrogradée à l'inoffensive magnitude de 1 sur l'échelle de Richter ...

De quoi s'agit-il ?

Rien de moins que, dans l'ordre, et, selon mon interprétation :

1. Démocrite, n'aurait jamais parlé d'atomes ! à tout le moins de corpuscules ...
2. son seul tort fut d'avoir décrit un monde étrange où les théories de Platon et d'Aristote, provisoirement réunis dans cette adversité, ne pouvaient trouver leur juste place ...
3. observateur émérite et mesuré de toutes les chorégraphies de son temps, jusqu'aux plus débridées, Platon ne sut pas sur quel pied danser devant ce ballet insensé "d'atomes "qui ne se donna à voir qu'à un seul, ce qu'à la limite il aurait pu accepter, si toutefois il eut été invité ... c'est ainsi que jamais, par un excès de politesse bien ordonnée, il n'invita, dans ses nombreux écrits, celui qui fut invité à sa place ... mais, un beau jour, et comme il n'y tenait plus, quitte à se désunir, à ruiner, sur un coup de colère sa lente acquisition de cette sagesse si fragile, si fugace, il conçu le projet d'un autodafé des écrits ineptes de l'idiot d'Abdère ...
4. Aristote, maître de la logique prédictive, précurseur du viral, pensa qu'il serait plus efficace, pour éliminer l'intrus, de le citer sans retenue, d'envahir son propos, afin, sans qu'il fut dit, de déformer son dire pour mieux le contredire ...
5. mais ne voilà-t-il pas qu'Épicure, incapable d'un quelconque recul sur cet assemblage hétéroclite qu'il estimait être sa pensée, prit Aristote au mot et s'évertua à détruire ce qui n'était qu'un leurre ...
6. qu'aurait-on su de cette mascarade, je vous le demande, si la grande Lulu ( Lucrèce à l'état civil), escort girl d'un sénateur romain en mal de notoriété, mais qui entendait bien que son nom figure un jour ou l'autre dans le marbre d'un poème, n'avait donné, pour une poignée de sesterces, son corps sublime à ce qui, de toute évidence, ne ressemblait à rien?

Paix à ton âme, Lucrèce ! Qui ne sait ce qu'il en est de nous lorsque nous manquons de ce sang auquel le galiléen n'a jamais rien compris ... soit ! soit! ... alors, pour bien me faire comprendre, j'ajouterais : de ce mystère inaccessible aux dieux de "ces pierres que l'on transforme en pain"? ...

Revenons à Lucrèce : s'il ne t'avait fait défaut, n'aurais-tu pas propulsé Empédocle, pour ton seul plaisir et pour le nôtre, au firmament de nos représentations ? qu'en serait-il alors de nous ? Pour quelques sesterces ! ... c'est dingue ! ... mais qui pourrait t'en vouloir ?

Paix à ton âme, il fallait vraisemblablement qu'il en soit ainsi!

HW (comme Heinz Wismann) était prédestiné ! ... passant allègrement les frontières, dans tous les sens, avec aisance, d'une langue l'autre, il vint à s'interroger sur les raisons qu'eut Aristote de trahir un dialecte pourtant proche du sien ...

Tout cela n'est qu'une fable ! ainsi s'indignèrent les matérialistes de l’École, et jusqu'à ses amis, je les ai entendus, oubliant au passage que les dites fables ont vocation à dire des vérités qui ne sont pas bonnes à dire ... voilà donc, soudain irrationnels, ce qu'ils tentèrent maladroitement d'étouffer, voyant partir à-vau-l'eau leurs longues années d'études, leurs recherches, leur croyance, mais plus encore leur "pignon sur rue" dont les fondations ne résisteraient pas bien longtemps à la montée des eaux.

Je ne citerai pas de noms, pourquoi leur rendre un tel hommage ? il n'en auront bientôt plus, sauf à être exhumés par quelque futur anthropologue, attendri par le fourvoiement récurrent de quelques belles intelligences.

Épicure ! pour revenir à lui, bien que ce ne soit pas une sinécure ... une mauvaise langue m'avait rapporté un propos que d'aucuns prêtaient à ce grand consolateur de la "blessure ontologique originelle" ( on va rapidement manquer de lits! ...) : "pourquoi vous soucier encore de tous ces dieux, puisque je suis là!" ... il est vrai, cela me fut dit aussi, que je parle souvent tout seul ...

L'époque est aux dénonciations ! ... en réalité, elle l'a toujours été, mais aujourd'hui les corbeaux ont pignon sur rue, alors, je vous le dis : l'ébranleur de certitudes, déconstructeur de falsifications idéologiques, archéologue du malentendu, pourfendeur de traductions fallacieuses, se nomme HW (pour les intimes)! heureusement qu'il n'eut pas Bernard comme premier prénom ! remarque, il n'en eut été que plus parisien ! ... Bernard, cela veut dire "ours puissant " ! pourtant celui-là me semble bien léché ... c'est peut-être pour cela qu'il ne s'appelle pas Bernard !

Non , figurez-vous, je n'ai aucun remords sur ce qui précède, puisque, comme le prétend HW, le "dit" ne dit pas ce que l'on veut dire, alors autant parler pour ne rien dire !

Depuis Épicure, tout était devenu enfin clair : ce ballet incessant des atomes qui se fiche pas mal des dégâts collatéraux de leur copulation provisoire, de ce "moi" fugitif, inconsistant, qui finit par se prendre au jeu, c'est-à-dire, devenu adulte, au sérieux, voudrait bien les retenir au soir venu de sa vie, "pour un instant, pour un instant encore !" ... voulant ignorer, "pour un instant, pour un instant encore", contre toute évidence, qu'avant de retourner à la poussière, il était assis sur du sable ...

Le mal absolu, c'est la boîte de Pandore ! ... Épicure, je me sens parfois injuste avec lui, n'a pas tous les vices, en tout cas pas celui de Zeus ... non, il n'est pas tordu ! ... lui au moins, ne laisse aucun espoir ! ... à tout le moins aux hommes, car les dieux, composés eux aussi d'atomes, ne peuvent mourir en raison de l'incessant renouvellement des leurs, par je ne sais quel privilège vraisemblablement conservé de l'ancien temps ... nul n'a retrouvé aucune trace de cette négociation à l'occasion de laquelle Épicure consola les dieux de leur prochaine déchéance par la conservation de ce régime spécial ... quand je pense que des générations d'hommes, et jusqu'à certains de nos universitaires de renom, ont vénéré ce Monsieur Bricolage de la haute antiquité, j'ai trouvé une nouvelle raison de perdre espoir ...

Mais, revenons à Monsieur Wismann, je dis "Monsieur", car il en a toute l'allure ... mise soignée, tempes argentées, débit régulier et courtois du moderne polymathe qui, malgré la lenteur étudiée et respectueuse de son propos, s'arrête à tout propos, retourne son regard sur la salle qui lui fait face, afin de vérifier combien le suivent encore...

En tout cas, chapeau l'artiste ! ... s'attaquer à Aristote c'est gonflé, bien que nécessaire, mais quand même, c'est gonflé ! ... la modernité avait misé gros sur lui, premier au départ, toujours à l'arrivée ! ... Avec Platon, c'est pas la même ! ... il avait trop de mauvaises fréquentations dans le monde des idées comme dans l'idée que certaines de ses relations se faisaient de ce monde ... mais pour revenir à HW, un penseur qui s'attaque au maître de ceux qui savent, c'est classe!

D'autant que l'impertinent qui attendit le nombre des années, démontre que le maître, soit ne sut pas traduire un dialecte pourtant proche du grec ou que, pervers, comme souvent les idéologues, il s'est trompé ... de bonne foi!

Toute proportion gardée, grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, je vais de ce bond, vous proposer une nouvelle version de "l'arroseur arrosé"...

Bien entendu, il ne s'agit pas de déconstruire sa nécessaire déconstruction qui, envisagée depuis mon instable nénuphar, est en tout point remarquable ! ... et si quelque philologue jaloux de son apparente facilité, prétend que je suis prêt à avaler n'importe quelle couleuvre, j'attends qu'il démente ou démonte intelligemment son approche ... non, une seule chose me gêne chez cet homme, comme chez la plupart des "produits" de l’École, c'est que, concernant le "big bang" qui métamorphosa le psychisme humain, hier encore appelé "miracle grec"- chaque époque a son vocabulaire inadapté ! - il entende imposer, derrière le mur de Planck qui nous sépare des premiers philosophes, la souveraineté de son intelligence.

Expliquer les mystères du passé par vitesse acquise de nos raisonnements, voilà la tentation de la physique des années 50, mais qu'elle a su dépasser ...

Que reste-t-il aujourd'hui du big bang, "dans les milieux autorisés", comme disait l'homme à la salopette ? ... rien ou presque ! ... rien, si l'on estime qu'un nouveau mystère, c'est comme si c'était rien ! ... une béance, le gouffre abyssal de l'origine qui tait ses origines, comme dans le Rig Veda qui laisse le champ libre à toutes les interprétations, à toutes les réductions aussi ... mais, paradoxalement, par vitesse acquise ( pour ceux qui "s'autorisent tout", c'est à cela qu'on les reconnaît ! disait celui que vous savez ) ... une onomatopée grosse d'une image qui les rendit un jour savants !...

J'ai un jour rencontré un physicien désabusé qui me confia que le "big bang" était au départ une bonne blague, une manière de discréditer la théorie alors naissante , par un mode d'expression qui relève plus de la bande dessinée que de l'habituel langage des physiciens, mais, contre toute attente de son auteur, les lecteurs de prompteurs qui ce jour-là lui tendaient leurs micros, l'ayant prise au premier degré, elle avait fini par faire un tabac. Ajoute à cela, me dit-il, qu'il n'est pas facile pour ceux qui pensaient avoir tout compris, de se désaccoutumer de cette addiction ...

Alors, je le dis tout net, HW n'est pas qualifié pour interpréter les dires de Thalès, encore moins d'Héraclite... Il est trop intelligent ! ... Et l'intelligence, c'est comme l'argent, on en veut toujours plus, alors on va la chercher là où elle n'est pas, car ces deux présocratiques, je préférerais "proto-philosophes", se situent, en partie au moins, à un endroit oublié de l'histoire du psychisme, où les lois de l'intelligence impérialiste ne sauraient venir les chercher.

C'est ainsi que notre homme, amateur de "Zigzag" philosophique, prend, dans la droite ligne de ses prédécesseurs, Thalès pour point de départ d'un univers en expansion ...

Pourquoi Thalès ? ... pourquoi HW s'arrête-t-il en chemin ? le plus dur était fait avec la restitution de la vision de Démocrite, je dis bien "la vision" et non la "construction" ... ah, cette intelligence qui veut faire feu de tout bois ! ... Pourquoi Thalès ? qui a décidé jamais que c'est lui qui le premier désira nous ressembler à ce point que nous l'avons adopté ? ... à défaut d'être raisonnable, fut-ce un choix affectif ? avait-il donné des signes tangibles? ... si oui, dites-moi lesquels ? montré patte blanche ? quelque gage de pensée positive ? que nenni !

A moins que sur un malentendu ! ... il aurait en effet prédit la première éclipse, c'est donc lui qui, indubitablement, envoie la geste scientifique ! ... Pierre Vesperini, un autre produit de l’École, mais en voie d'affranchissement accéléré, a démontré récemment que ce n'était pas possible, et que par ailleurs, les premiers philosophes se disaient tous "aimés des dieux" et par conséquent voyaient l'invisible, pour conclure que Thalès n'a pas pu prédire l’éclipse, mais qu'il l'a "vue"...

Chapeau Monsieur Pierre Vespérini! vous n'avez pas attendu vos futures tempes grisonnantes pour secouer le figuier!

Cependant, faute de temps, vraisemblablement, ou reculant soudain devant votre incroyable audace, vous n'avez pas précisé qu'il s'agit alors d'une vision en "esprit" ... je ne suis pas sûr que vos auditeurs ait bien vu ce que vous vouliez dire malgré votre regard insistant ... dans ce domaine, sachez-le, tout est à refaire ! ... voir en esprit , n'est-ce pas une vue de l'esprit, vous diront les bons esprits ? ... êtes-vous bien armé pour leur répondre ? ... mais, vous vous rattrapâtes bientôt avec ce pavé dans la marre : Socrate, ce sage-homme, qui fit manifestement preuve d'un dévouement à nul autre pareil pour accoucher ce mutant baptisé individu, se disait être "l'esclave" de Dieu ... ni plus, ni moins ... à cet instant je vous ai admiré ... peut-être auriez-vous pu ajouter à la liste des oublis de ceux qui firent l'opinion un peu trop longtemps, à votre goût comme au mien : Parménide, qui fait le plein d'enthousiasme auprès des muses avant d'affronter le désert de glace où l’Être s'est réfugié, loin du regard de ces humains qui ressemblent par trop à leurs dieux, attendant vraisemblablement la prochaine fonte qui libérera à nouveau les eaux primordiales ... de cet "enthousiasme" sacré sur lequel Démocrite ne faisait pas la moue, loin de là ! ... eh oui, Monsieur Pierre, vous avez ouvert la boîte de Pandore, il faut vous y résigner, ce sont les modernes qui font la moue sur "l'enthousiasme" de Démocrite, qui laissent sur le bord de l'assiette ce que leur petit estomac ne saurait digérer, tout comme ils font l'impasse sur les écrits de Descartes lorsque celui-ci s'épanche sur l’intelligence du cœur ... au sens premier du terme ! ... le tri sélectif, voilà ce qui alimenta pendant des siècles les poubelles de l'histoire des représentations! ...

PV (j'y peux rien!) : HW fut-il informé de vos propos ? toujours est-il qu'il alluma un contre feu ; il fallait coûte que coûte sauver le soldat Thalès, le tirer du bon coté, du coté de la raison, et, pour cela, de son talon d'Achille, faire un facteur d'intégration dans la caste des modernes : quand il disait : "tout vient de l'eau!" ce qui à l'évidence fit tâche d'huile, en réalité, il était à la recherche de l'Un ...

Après le soldat Thalès, HW entreprit d'organiser le sauvetage du soldat Héraclite, et là, je dois dire, que l'on atteint un sommet pathétique de l'intelligence qui s’autoproclame seule capable d'expliquer le mystère du monde. Nous y reviendrons dans une prochaine communication .

C'est pas complètement idiot, voire même diablement intelligent, Monsieur HW ! ... aviez-vous vraiment besoin d'en apporter une ultime preuve ? ... mais, si je peux me permettre ... la recherche de l'Un se fit de multiples manières ... Une fois passé le mur de Plank du psychisme humain, il faudra vous y faire, la puissance prédictive de l'intellect devient toute relative!...

De cette époque tardive de l'antiquité où parler de son initiation ne signifiait plus systématiquement la mort du bavard ( le temps où Eschyle fut jugé pour avoir dévoilé ne serait-ce que quelques secrets d’Éleusis, était lui même devenu mystérieux pour les contemporains de Lucrèce) ... subsistent un certain nombre de témoignages concordants de ce que ressentirent les mystes lors du passage initiatique de la connaissance inférieure à la connaissance supérieure, du monde sensible au monde suprasensible : "j'ai senti que toute matière solide et toutes les choses sensibles se dissolvaient en eau, alors, j'ai perdu pied ".

C'est à partir de l'époque de Plutarque que commencèrent à se faire jour timidement les témoignages concordants de ceux qui avaient été conduits au Hadès ...ils pouvaient enfin affirmer à qui pouvait l'entendre, qu'ils avaient connu la mort, sans pour autant risquer leur vie.

Je laisse à d'autres le soin de nous concocter un essai qui s'intitulerait : Thalès ou le double malentendu ! ... PV peut-être ? quoi que je doute du choix de ses champs d'investigation au demeurant fort nombreux, quand j'entends sa conception du "connais-toi toi même ! " ... allez, cela me coûte, je vais vraiment finir dans la peau d'un corbeau, mais après tout, il avait ce soir-là une telle belle assurance : " Reste à ta place ! " proposa-t-il ! ... oh non, pas toi, pas ça! m'écriai-je ... c'est vrai, ce type, il a une gueule sympa, on a envie qu'il se libère vraiment, il en a le talent, j'irais jusqu'à parler d'un destin ... mais pour en revenir à ma contrariété, cela me rappela une conclusion de Cioran sur un tout autre destin, celui de l'un de ses compatriotes qui avait dilapidé sa fortune récente : "il avait trop d'envergure pour renoncer à gâcher sa vie! ..."

Le vrai "zigzag", qui ne relie pas les points extrêmes de l'un et du multiple, mais hésite encore entre un monde vécu en images et qui s'éteint progressivement sous les feux de la pensée, cet aller et retour, ce mur de Planck entre deux mondes aux lois incompatibles, cette frontière que Phérécyde de Syros fut l'un des premiers et des derniers à franchir sans vergogne dans les deux sens, c'est au sein même de son psychisme, que l'on peut en suivre la progression ...

Cependant je voudrais revenir à l'invention de HW, entendue au sens où des spéléologues découvrent "et n'en croient pas leurs yeux", une nouvelle grotte ornée, de ce temps où la mémoire était localisée, préfigurant notre cloud délocalisé. Nous y reviendrons dans une nouvelle communication!

La comparaison n'est pas artificielle car HW, nous fait descendre, par la mise au jour de trois expressions de Démocrite, dans les abysses du psychisme humain.

Pour nous guider, je voudrais que l'on se remette en mémoire la fameuse lettre VII de Platon, dont je me contrefous qu'il l'ait écrite ou non puisque, si l'on s'intéresse un tant soit peu à son parcours, il aurait pu l'écrire, mais comme dit l'autre, l'élève regarde le doigt ! A sa décharge, peut-être avait-il toujours été dans la lune !

Que nous dit Platon et que nous disent bien plus encore les trois expressions exhumées par HW dans la caverne de Démocrite : comme tous les initiés, retour d'initiation, c'est que les mots, n'en déplaise à Boileau, sont impropres à décrire certaines expériences spirituelles, qu'elles proviennent à l'époque de Démocrite d'un reste de clairvoyance atavique ou d'initiations dans le temple.

Démocrite était d'Abdère ... Leucippe son maître aussi, au moins quand on voulait signifier qu'il était un idiot ...

Comme quoi certaines réputations, pourtant lourdes à porter, s'envolent à tire d'aile tout au dessus des siècles; tout dépend, pour qui sait lire les augures, de celle du corbeau! ...

Toujours est-il que l'occasion était trop belle pour notre Jean national qui, fatigué de plagier Ésope, admit à son chevet Hippocrate qui, pressé de s'en retourner à ses affaires, lui administra un remède de cheval ... ne lui avait-il pas fourni tout à la fois l'histoire et sa morale ! ... il suffisait de rédiger ... il se mit à la tâche, plus besoin d'animaux lorsque les hommes en sont si proches ! ...

Comme HW le fit pour Thalès - l'enjeu est d'importance !- il entreprit de sauver Démocrite, l'exfiltrant du camp des fous, refusant le droit d'asile à ses contemporains qui protestaient, non sans raison. Hors notre intelligence, point de salut! leur fut-il répondu ... la messe était dite et la charité bien ordonnée ...

Quand dans votre bouche, j'entends "les idiots" d'Abdère, pardon Monsieur HW de déformer votre propos, tout en vous restant fidèle ... j'ai tendance à traduire "attardés" ... ces gens d'Abdère, si loin d'Athènes dans l'espace et, d'une certaine manière, dans le temps, n'avaient-ils pas encore, je vous le demande, l'avez-vous bien vérifié ? quelques restes de clairvoyance atavique ? ... les parvenus d'Athènes voulaient-ils dissimuler leurs origines qui, pour être modestes, en savaient plus long qu'eux sur les mondes invisibles ?

Mais, revenons à votre travail dont il faut que chaque homme honnête vous félicite, et plus particulièrement à cette exhumation de ces trois mots ou expression qui tentèrent de rendre compte de la vision de Démocrite : le rythme, le "toucher traversant", et enfin, le retour sur soi ...

Bizarre, vous avez dit bizarre ! ... le "toucher traversant ", n'est pas moins bizarre que ces milliards de neutrinos qui nous touchent à chaque instant, non point que nous les trouvions attendrissants, mais qu'avant de nous traverser, il leur faut bien prendre contact ... donc, plutôt que de nous contourner, pressés d'en finir avec la vie, ils nous transpercent, ni vu ni connu, sauf d'un attardé d'Abdère ... c'est une suggestion, bien entendu !

Le reste coule de source : le rythme ne renvoie-t-il pas à l'oscillation ? et le retour sur soi à la superposition d'états lorsque, obligatoirement l'on revient à ce que l'on fut il y a un instant encore ?

Pour conclure, ce qui n'est pas, n'en prenez nul ombrage, ni à votre portée ni à la mienne, je voudrais vous soumettre un texte qui pourrait illustrer mon propos, et à défaut, notre divergence :

"... on ne peut ... saisir deux fois dans le même état une substance mortelle. Des changements vifs et rapides en dispersent les éléments, puis les réunissent à nouveau, ou plutôt ce n'est pas à nouveau ni plus tard, c'est simultanément qu'elle se constitue et se défait, apparaît et disparaît."

Extraordinaire ! ce type est formidable, il sait comment transmettre au peuple ce que disent les équations complexes de la physique quantique, nous dire après Bouddha, Parménide, Platon, que le monde est maya, illusion, que la réalité est contre-intuitive ...non, je le dis comme je le pense, cet homme a du talent, j'ai nommé sous vos applaudissements notre épistémologue favori Michel Bitbol ! **

Eh bien non ! ... il s'agit d'un texte de Plutarque, conduit au Hadès il y a un peu moins de 2 000 ans ...

Alors me viens une dernière question pour HW : Aristote, en convertissant le "toucher traversant", le rythme ondulatoire, le retour sur soi ou superposition, en corpuscules ... était il de mauvaise foi ou, aveuglé par son intelligence, comme ses lointains descendants dont nous sommes, ces expulsés de la "chose en soi", ces "mis à l'écart", ces "anges déchus", lors de l’expérience des fentes de Young, "qui convertissent malgré eux les ondes en corpuscules" ?



* Zucchero, italien de naissance et de culture, habitué aux effondrements...

** comme au Michelin : vaut le détour ! et moi qui me déplace réellement pour me faire une opinion, j'ajouterais: et un peu plus que ca !

Prochaine communication : le mythe de Thésée à la lumière des Upanishads ...

L'énigme du jour :

En attendant, pour tous les curieux que nous sommes, une énigme : pourquoi HW, derrière Aristote, parle des "idiots de la mer noire", alors qu'Abdère se situe au nord de la mer Egée ?

La réponse la plus convaincante fera l'objet d'une prochaine communication et son auteur sera cité, s'il le souhaite.




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